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Comme Ariadna l'avait anticipé, la chasse avait débuté sans encombre. Les panthères semblaient répondre aux ordres de Rhys, obéissant à sa voix avec une apparente docilité. Leur soumission temporaire flattait certainement l'orgueil de son frère, qui devait déjà se croire maître incontesté de ces bêtes indomptables. Mais Ariadna savait que cette tranquillité n'était qu'un prélude trompeur, et elle attendait patiemment que l'illusion se brise.

Lorsqu'ils pénétrèrent les forêts glacées du Nord, où le brouillard épais s'accrochait aux arbres comme un linceul et rendait les chemins presque invisibles, les panthères révélèrent leur véritable nature. Les bêtes, sentant la liberté dans l'air humide et les ombres mouvantes, renoncèrent à toute obéissance. Leurs rugissements s'élevèrent dans les airs, résonnant à travers les arbres, et elles commencèrent à se disperser à grande vitesse, semant la panique parmi les chevaux et les hommes. Les montures s'effrayèrent, se cabrèrent, tandis que les chasseurs luttaient pour maintenir le contrôle. Une ou deux panthères avaient même failli s'échapper dans le dédale du bois, leurs formes furtives se confondant avec les ombres.

Le chaos qui s'ensuivit procura à Ariadna un plaisir sourd et malsain. Elle observa Rhys, ses traits figés dans une expression d'impuissance et de confusion, alors qu'il essayait désespérément de reprendre le contrôle. Il aboyait des ordres, mais ses mots ne portaient aucune autorité, et ses gestes hésitants trahissaient son manque d'expérience. C'était exactement ce qu'elle avait prévu, ce qu'elle avait attendu. Voir son frère échouer, sentir le désarroi silencieux sur le visage de leur père, laissait en elle un sentiment de soulagement qu'elle n'aurait su exprimer. Comme si un poids invisible, qu'elle portait depuis des semaines, venait soudain de se dissiper.

Finalement, Ariadna prit les choses en main. Elle s'avança au milieu du tumulte et siffla, un son strident et ferme qui trancha l'air. Les panthères s'arrêtèrent net, comme si ce simple bruit avait capté toute leur attention. Elle siffla à nouveau, cette fois en modulant le ton, et les animaux commencèrent à se regrouper, obéissant instinctivement à cette autorité qu'ils reconnaissaient. Sa voix calme et posée, accompagnée de gestes maîtrisés, guida les bêtes dans un ballet discipliné, une danse presque naturelle qui semblait lier son esprit à celui des animaux.

Elle ne laissait rien paraître de l'effort que cela lui demandait, gardant ses mouvements précis et ses ordres clairs. Peu à peu, le chaos se dissipa, les chasseurs retrouvèrent le contrôle de leurs montures, et la chasse put reprendre son cours. Elle dirigea les panthères avec une précision implacable, les menant droit vers leurs proies, les guidant dans des manœuvres habiles qui maximisaient le succès de l'expédition. La chasse fut productive, bien plus productive que ce que Rhys ou même son père auraient pu espérer. Les prises s'accumulaient, et les regards des hommes se tournèrent vers elle, marqués par une lueur d'admiration et de respect qu'elle ne cherchait même pas à provoquer.

Ariadna n'avait pas besoin de remerciements. Elle n'attendait ni accolades ni louanges. Les regards suffisaient, ces expressions de respect tacite qui, pour la première fois depuis des semaines, semblaient enfin reconnaître sa valeur. Mais plus que tout, elle voulait voir son père. Dominik la fixait, son visage impassible trahissant pourtant une lueur fugace d'étonnement. Ariadna savait ce qu'elle espérait : que ce moment lui rappelle qu'il pouvait tenter de la reléguer, de la soumettre à ses décisions arbitraires, mais qu'au bout du compte, il ne pouvait se passer d'elle.

En cet instant, elle ressentit un triomphe silencieux, une victoire personnelle qui ne se mesurait pas en trophées ou en accolades, mais dans la certitude inébranlable qu'elle était indispensable. Qu'importe les ordres de son père ou les prétentions de Rhys, elle était celle qui détenait le véritable pouvoir sur les panthères, et au fond d'elle, elle savait que Dominik venait de le comprendre aussi.

Elle descendit de sa monture avec une lenteur calculée, laissant l'air glacial du Nord effleurer la délicatesse de ses doigts. Le froid semblait danser autour d'elle, s'insinuant dans chaque interstice, mais Ariadna ne s'en souciait guère. Ses mains, fines et légèrement rougies par la morsure du vent, trouvèrent refuge dans les poches de sa veste de cuir usé.

Elle avait obtenu ce qu'elle désirait, et cela suffisait à illuminer une étincelle de satisfaction dans son regard. Pour elle, tout le reste n'était qu'un bruit de fond, une distraction sans importance. Pourtant, ses pensées furent brièvement interrompues lorsqu'elle leva les yeux vers la silhouette qui se dressait non loin de l'entrée.

Le prince Aemond.

Il était difficile de l'ignorer, avec sa stature imposante et sa chevelure argentée qui scintillait sous la lumière pâle du jour. Un prince au regard froid comme l'acier, un œil unique où brûlait une lueur impénétrable. Ariadna se souvenait vaguement de leurs échanges précédents – de brefs mots, des phrases tranchées, presque dédaigneuses. Il émanait de lui une arrogance sourde, une supériorité qui suintait dans chaque geste, chaque regard. Cette attitude l'irritait déjà profondément, et elle sentit ses mâchoires se serrer instinctivement.

Lorsque leurs regards se croisèrent, l'espace d'un instant suspendu, elle fut frappée par l'intensité de cet unique œil. Comme si, d'un simple coup d'œil, il cherchait à sonder son âme, à en dénuder les secrets. Cela la mit mal à l'aise. Avec une maîtrise froide, Ariadna détourna le regard, brisant cette connexion invisible mais pesante.

Elle rendit les rênes de son cheval à un serviteur sans un mot, son expression impénétrable. D'un pas décidé, elle s'avança vers l'entrée de Noxombre, laissant derrière elle le silence menaçant de cet échange muet.

Elle inspira profondément, laissant échapper un souffle qui s'évapora en un nuage blanc dans l'air froid. Lentement, ses doigts commencèrent à défaire les attaches de sa chevelure. Chaque geste était empreint de douceur et de soin, comme si elle accomplissait un rituel personnel. Ses cheveux, d'un noir profond, rappelaient la noirceur insondable d'une nuit sans lune, un voile d'ombres qui semblait capturer toute lumière. Leur longueur interminable, tombant en cascade autour d'elle comme des rideaux de soie, ajoutait à son allure un charme naturel, à la fois sauvage et mystérieux.

Elle n'avait jamais eu le cœur à couper ses cheveux, hormis les pointes qu'elle taillait soigneusement chaque mois. C'était une partie d'elle, presque un symbole de son identité, un lien indéfectible avec ses origines. Mais même dans ce moment intime, elle ne pouvait ignorer ce qu'elle sentait : le poids d'un regard fixé sur elle, glissant sur sa silhouette comme une lame froide.

Ce n'était pas un regard de simple curiosité. Non, c'était plus insistant, presque oppressant. Une observation froide, distante, qui évoquait l'attitude d'un prédateur évaluant sa proie avant de bondir. Ce constat fit naître un frisson glacé qui serpenta le long de son dos, s'insinuant jusque dans ses pensées. Ariadna détestait cette sensation.

Elle n'aimait pas jouer les proies. Non pas parce qu'elle trouvait ce rôle humiliant, mais parce qu'elle méprisait profondément l'idée d'être chassée. Elle était une femme d'action, une femme de contrôle. La simple idée qu'un autre puisse chercher à la dominer ou à l'enfermer dans ce rôle lui était insupportable.

Les hommes qui avaient tenté de l'approcher avec de telles intentions s'en souvenaient amèrement. Aucun d'entre eux n'était allé bien loin. Leurs visages marqués, leurs nez brisés témoignaient de leur échec. Et ce n'était pas seulement à cause d'elle, mais aussi de Niklaus, son frère. Son poing, impitoyable et précis, avait souvent été la conclusion brutale de ces rencontres malavisées.

Alors qu'elle laissait ses cheveux tomber librement sur ses épaules, elle chassa cette pensée. Si quelqu'un osait la traiter comme une proie, il découvrirait rapidement qu'elle pouvait être bien plus dangereuse qu'elle n'en avait l'air.

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