Chapitre 8

312 23 3
                                    


La soirée s'est éternisée et je fixe l'ouverture en toile qui referme la tente du soldat, me demandant pourquoi je n'ai pas insisté pour m'en aller. Chacuns de mes couteaux sont accrochées à moi et je n'ai pas la moindre idée de comment je vais expliquer l'armement démesuré sous ma cape.

Le campement est tellement petit que lorsque je vais m'allonger nos épaules se toucheront sûrement, et cette pensée me provoque un long frisson dans le dos. Une grande peau de bête brune recouvre le sol froid et m'apporte un peu de chaleur, la nuit est glaciale. J'en profite pour glisser mes doigts dans cette fourrure et soupire.

Le grand brun entre dans la tente et se laisse tomber en soupirant. Il se redresse et retient sa tête contre sa paume, me déshabillant du regard. Je déglutis et regarde ailleurs, plus que gêné. J'ai l'impression qu'il se rapproche de moi en entendant la couverture se froisser.

- De quel village viens-tu ? Me demande-t-il sur un ton mielleux à vomir.

C'est vrai ça, de quel village je viens moi ?

Mes joues se réchauffent et j'arrive à formuler un mensonge à peu près crédible.

- Je viens d'un village perdu, personne ne doit connaître son existence en dehors de ses murs.

Il hoche la tête, indifférent et retire ses bottes. Je ne m'allonge qu'à demi, m'attendant au pire et mes yeux suivent attentivement chacuns de ses gestes. Le hululement d'une chouette me fait tourner la tête, la nuit est silencieuse et tous les soldats doivent être endormis quand je ne remarque pas tout de suite son souffle dans ma nuque. Je n'ose pas bouger d'un centimètre en sachant qu'il se trouve dans mon dos, serrant mes poings contre la fourrure.

- Tu sais que la nuit n'est pas sans paiement n'est-ce pas ? Chuchote-il à mon oreille.

Il me débecte.

- J'attends de toi une extrême soumission envers ton supérieur. Il caresse mes épaules et laisse descendre ses mains sur mes côtes en embrassant ma nuque. Après tout, je t'ai évité une nuit dans la forêt..

Mon sang froid est en train de me quitter et ma lame me démange.

- Recule toi, et surtout retire tes sales mains de moi. Dis-je sur un ton ferme.

Je sens son souffle s'éloigner mais il referme ses mains sur mes hanches en resserrant ma taille, crispé. Au bord de la crise de nerf, je sors rapidement mais discrètement une de mes dagues accrochée à ma ceinture en cuir et l'enfonce dans sa jugulaire.

Surpris, ses mains retombent et du sang gicle de sa bouche, agonisant sur place. Il fixe mes pupilles enragées avant de relever lentement son bras vers moi, je retire mon couteau et le pousse sauvagement au sol. Il serre l'entaille de ses doigts en soufflant des mots incompréhensibles mais c'est trop tard, ses yeux restent grand ouverts et le sang s'étale.

Ma respiration qui s'était accélérée au départ se calme doucement et j'essuie mon couteau contre la fourrure. Je m'abaisse sur son corps et fouille ses poches, récupérant quelques pièces que je fourre dans la mienne et me relève. En passant la toile, le feu s'est éteint depuis un certain temps. Je n'avais pas prévu de l'égorger de si tôt, mais on peut prendre ça comme un début de vengeance.

Je m'approche des chevaux attachés à quelques mètres du camp. Un étalon noir s'agite sur sa corde, souhaitant sûrement avoir plus de liberté et il tourne sa tête vers la mienne. De la vapeur sort de ses naseaux dilaté à cause de la température et il pousse un hennissement rauque. Ses crins longs et bouclés lui cachent légèrement la vue, le rendant majestueux. Je lui tend ma main et le laisse me renifler. Il appuie son nez contre ma paume et mes lèvres s'étirent, je tapote son encolure avant d'équiper sa selle et sa bride, posés sur la barrière.

Je vole une torche et monte sur son dos avant de m'enfoncer dans l'obscurité de la forêt.

Le tuer n'était pas une si mauvaise idée j'ai même pu récupérer une carte de toute la région, et même si le soleil vient tout juste d'émerger mon cheval a l'air de savoir où il va. Du moins j'espère. J'aurais néanmoins dû voler une couverture en plus, je ne peux pas m'empêcher de trembler. C'est sûrement le froid, je ne vois pas d'autre explication.

J'ai déjà tué, j'y suis habitué.

Je suis sorti de la forêt depuis un long moment maintenant et le chemin de terre est bordé par de longs champs ou quelques arbres ont poussé. La carte est à moitié déchirée mais elle m'indique encore la capitale d'Arkanis qui ne devrait plus être très loin, je presse un peu plus mes jambes et lance mon cheval au galop.

La nuit tombe quand j'arrive dans un grand village qui me sépare de la ville et je mets pied à terre. En attrapant les rênes de ma monture, j'observe les différentes habitations avant de m'arrêter devant une auberge. Je frappe trois coups et une vieille femme m'ouvre la porte.

- Bonsoir madame j'aimerais une chambre, avez vous une écurie ?

Elle me toise quelque secondes et tend sa main ouverte devant moi, j'y laisse tomber trois pièces et range le reste.

- A l'arrière.

Une fois dans l'écurie, je le déselle et caresse lentement le long de sa tête, sa respiration me berce. Ça doit faire bien longtemps qu'il n'a pas reçu un peu de douceur, et moi non plus d'ailleurs. Nous sommes tous les deux malmenés.

- Je ne sais pas si tu auras une meilleure vie tant que tu seras à mes côtés, mais tu ne mérites pas d'être monté par ses barbares. Crois moi je les détestes tout autant que toi.

J'ai dévoré la volaille et le pain qu'elle m'a servi si vite que j'ai l'impression qu'il va ressortir. Je retire mes vêtements un à un et me glisse dans le bain chaud de ma petite salle de bain. Je soupire d'aise et frotte ma peau en espérant oublier les doigts du soldat, mon regard bascule à travers la fenêtre et mes yeux accrochent la lune. Pourquoi est-ce que tout m'échappe, je m'étais promis de tous les protéger depuis ce jour là, quand je n'ai pas pu les sauver eux. Il ne me reste rien sans eux, ils m'ont mis au monde et ils étaient ma raison de vivre. Je refais continuellement les mêmes erreurs à cause de cette putain de colère, et ils en souffrent tous.

Même Nate.

Ses yeux brillaient d'éclat quand nous étions petits, son sourire m'illuminait de l'intérieur et son rire apaisait mon cœur meurtri. Comment un garçon comme lui à pu se faire abandonner par sa mère, elle ne saura jamais à quel point son fils est un rayon de soleil.

Il est le mien, l'âme que je chéris le plus, celui qu'il me reste.

Et je crois que si j'échouais à le protéger lui, j'en mourrai.

~~

L'étreinte des contraires {bxb}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant