Chapitre 14

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Si je pensais déjà que l'on me traitait comme un vulgaire chien à l'époque, c'est réellement le cas aujourd'hui. Durant l'entièreté du repas, un soldat m'a forcé à rester debout dans un coin de la pièce, un plateau de vin dans la main au cas ou ces messieurs auraient de nouveau soif. Mes muscles endoloris faisaient trembler la jarre et si j'osais bouger de seulement quelques centimètres, un garde me remettait fermement en place. Quand la lune éclairait pleinement la pièce, des restes occupaient la table et les autres esclaves s'approchaient de leur maigre banquet. Je fis alors de même et laissais les manières de côté tant la faim creusait mon estomac. Après toutes ces heures à les regarder se goinfrer, c'était enfin notre tour.

J'ai raconté cette soirée à Emile et nous sommes partis nous coucher. Son combat ne l'a pas vraiment fatigué alors que je suis exténué. Il semble être entravé à la royauté depuis des années et accoutumé à tout ce système, car je refuse de considérer cela comme étant une vie. En rentrant, il m'a posé de nouvelles questions sur le collier à la fleur de lys autour de ma gorge, un air médusé au visage comme si le seul fait d'être l'esclave du général était anodin. Étant de haut rang, avoir un esclave à son service est des plus normal pour un favori du roi, mais j'ai l'impression que cette banalité ne le concerne en aucun cas.

Le repas m'a permis d'observer plus en détail mon prétendu maître qui ne m'a pas accordé un seul regard, bien trop concentré dans sa conversation avec le monarque. Et d'après ce que j'ai entendu, ils avaient l'air en désaccord. Je n'ai pas pu discerner le sujet de leur dispute mais lorsque le roi à dédaigné poser le regard sur moi à la fin de son monologue, j'ai eu le pressentiment que cela me concernait.

Et les jours se sont succédé de la même manière jusqu'à une certaine sélection. D'après mon compagnon de chambre, le roi lui-même et quelques convives vont assister à nos combats pour nous classer selon des catégories en fonction de la carrure et du niveau d'expertise. Mais si ils n'arrivent à se départager pour un gladiateur, celui-ci peut combattre jusqu'au lever du soleil prochain pour leur offrir une démonstration qui les départagera. Quitte à en mourir de fatigue. Mes veines gonflaient et mon sang s'est mis à pulser ardemment en entendant les propos d'Emile. Rien ne pourra dépasser la haine que je ressens envers ces aristocrates.

C'est avec cette même haine que je marche aux côtés d'une petite colonie de soldats qui nous guide vers l'amphithéâtre de la capitale, le plus grand et prestigieux d'Arkanis, connu pour ces spectacles et combats que nul ne retrouve en dehors de ces murs. Du moins c'est ce qu'affirme le souverain. En traversant les rues de la capitale, certains nous dévisagent avec mépris comme si nous étions des détritus qu'il fallait évacuer de la ville. Ce matin même, mon camarade à tenté de me former durant les heures perdues qu'il nous restait avant le départ. Je l'ai vu dans son regard, il sait que malgré ces dernières semaines d'entrainement, mon niveau n'est pas suffisant et ma carrure est tout sauf idéale pour affronter les colosses qui avancent au même rythme que nous dans les rangs. Mais ce qu'il ne sait pas, c'est que j'ai passé l'entièreté de ma vie à tenter de survivre, et ce n'est pas aujourd'hui que tout s'arrêtera. Car oui, que valent des sélections sans morts à la clé ? C'est une manière comme une autre de nous exterminer efficacement tout en laissant un certain nombre survivre pour distraire le public. Qu'est-ce que je les déteste, tous autant qu'ils sont.

Nous passons par l'entrée des combattants, soit à l'arrière de la grande arène où nous sommes parqués le long des murs en attendant que la grille s'ouvre pour faire entrer les premiers à sceller leur destin. Agglutinés les uns contre les autres sur le sol froid, mon épaule collée contre celle d'un petit garçon m'interpelle et je lui chuchote, ne voulant pas interrompre le silence de mort qui s'est installé entre les hommes en sachant ce qui nous attend.

- Quel âge as-tu ? Dis-je avec douceur.

- treize ans.

Sa voix tremblante m'impacte de plein fouet et je tente de rester stoïque, ne voulant pas lui transmettre ma peur même si je sais que c'est inutile, il est déjà terrifié. Il sait qu'il ne survivra pas.

L'étreinte des contraires {bxb}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant