Chapitre 16

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Je repense souvent aux yeux de cet enfant, terrorisé à l'idée de mourir sous la froideur des regards qui se délectent du spectacle. Au moment où je le tenais chaudement dans mes bras pour apaiser les battements frénétiques de son cœur, comme quand je tentais souvent de rassurer Nate lorsque nous devions nous cacher sous le plancher du manoir pendant la visite d'une patrouille. Tous ces souvenirs remontent si brusquement à la surface que je n'arrive plus à fermer l'œil. Rêves ou cauchemars, ils me hantent et je suis à fleur de peau.

Emile ne fait qu'affirmer qu'il est normal et qu'un seul mois ne suffit pas pour s'adapter au quotidien d'esclave, mais je sais que ce n'est pas la vraie raison et qu'au fond de moi, cette conversation repasse en boucle dans ma tête. Son visage légèrement confus après lui avoir avoué que je préférais renoncer à ma simple existence pour sauver mon peuple à semblé le prendre au dépourvu, pensait-il que j'étais revenu sans connaître les conséquences de mes actes ? J'avais assez de lucidité pour comprendre que c'était du suicide si j'échouais. Mais je n'avais plus le choix, les autres avaient tous peur. Trop peur pour essayer de faire changer les choses.

Mais peut-être aurais-je dû rester auprès des miens, cela m'aurait évité tout ces tourments. Je serai toujours aux côtés de mon meilleur ami et nous lutterions comme nous l'avons toujours fait, au sein de notre famille.

Je sors finalement de mes rêveries quand des soldats nous exilent moi et Emile de notre chambre. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait d'un entraînement de plus mais nous nous dirigeons dans le sens opposé de l'arène, j'accorde donc un regard interrogatif à mon colocataire qui hausse les épaules à son tour, également dans l'ignorance. A l'extérieur du château, la cour est occupée de plusieurs rangées d'esclaves, chacun étant positionné par groupe de deux. Ils sont tous reliés par une chaîne qui entrave leur cheville, mais assez espacée pour que les hommes ne se retrouvent pas collés les uns aux autres. Rapidement, nous sommes rattachés à une file et les gardes se font de plus en plus nombreux.

Lorsque quelque chose de froid fond contre ma peau, je relève la tête et observe cette pluie de flocons nous tomber sur la tête, venant d'un ciel bleu ombragé. Même si nous sommes en pleine mâtiné, l'hiver s'installe et le royaume devient sombre.

Des cavaliers font leur entrée et parmi eux, le général est en tête. Il parcourt du regard l'organisation de la cour avant de s'arrêter à mon niveau. Nous nous dévisageons quelques instants avant qu'il ne décide de se placer à l'avant des rangées pour nous guider. Toujours autant perdu, nous suivons bêtement les autres et nous quittons l'enceinte du château. Le bruits des chaînes que nous traînons malgré nous est assourdissant alors je tente de focaliser mon attention sur le paysage.

Je fronce légèrement des sourcils lorsque nous ne traversons pas la grande ville, nous la coupons afin de nous enfoncer dans la forêt qui entoure le territoire. Je remarque tardivement que les rangées d'esclaves ont été séparées, nous n'avons pas tous pris la même direction. Et pour mon plus grand désarroi, celui qui dirige ma lignée n'est que le commandant lui-même, entouré d'une ribambelle de soldats. Comme si l'un de nous oserait et aurait surtout la capacité de s'en prendre à lui alors que nous sommes littéralement enchaînés au sol.

Après de longues heures, nous arrivons enfin à la destination qui semble être un espace déforesté pour accueillir toute une colonie. Une bâtisse en pierre est reculée à l'orée de la forêt et le haut gradé se dirige droit devant, délaissant sa monture à l'un des gardes pour franchir le seuil de la vieille porte en bois. On nous détache pour ensuite entraver nos deux chevilles, nous empêchant de courir à pleines jambes et de prendre la fuite. Un soldat me donne une hache. Confus, je jette un regard à Emile qui en possède une comme tous les autres. Les hommes armés nous hurlent de nous mettre au travail et de couper les arbres, rassembler les bûches et en faire un grand tas.

L'étreinte des contraires {bxb}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant