Chapitre 17

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Je pensais m'être adouci, que ma rage s'était estompée au fil du temps dû à ma captivité. Et puis j'ai pris conscience que rien ne pourrait effacer le fait que mes parents sont morts par leur faute. Je ne pourrais jamais effacer ce détail, bien que insignifiant pour les autres, qui m'a forgé et qui a fait chavirer le déroulement de ma vie. Ce minuscule fragment de mon existence me rappelle chaque jour pourquoi je me bat et défends les miens sans relâche, alors je ne risque pas de l'oublier.

C'est cet événement précis qui m'a construit et qui m'a amené jusqu'ici. Ce simple détail à bouleversé la seule chance qui m'était donné de vivre paisiblement, entouré de l'amour dont j'aurais normalement dû ressentir. J'ai subi cette malchance sans rechigner alors je m'estime légitime d'exercer ma vengeance, ma justice. Je n'abandonnerais pour rien au monde.

Et c'est avec ce torrent de pensées, accompagné de ma frénésie habituelle que j'ai compris. On m'a drogué. Il y avait bien une faille lorsqu'un homme armé m'a distribué mon pain pendant la pause, il ne faisait pas partie de ceux qu'on avait désigné pour nourrir les esclaves et je sais exactement qui l'a envoyé.

Cette force qui m'abandonne subitement, la propagation de cette chaleur qui détend mes muscles et qui se répand dans mon esprit, donnant un faux semblant de bien être. Jamais je n'aurais baissé ma garde, jamais je ne me serais blotti contre lui sans une once d'hésitation. Pas après tout ce que j'ai vécu à cause des chuchotements incessants et vicieux qu'il exerce si souvent à l'oreille du roi. Je ne pardonne rien et j'en finirais avec lui quand j'aurais atteint mon but.

J'ai réalisé tout cela lorsque j'ai ouvert les yeux, allongé sur le matelas de mon lit, dans ma cage habituelle avec la seule différence ou je me retrouve complètement seul. Je n'ai plus personne et ce n'est qu'avantageux, je compte faire des ravages, personne ne doit se mettre en travers de mon chemin et encore moins finir blessé par mes actes. Je n'ai pas la certitude qu'Emile est encore en vie mais c'est un garçon robuste avec un mental d'acier, il pourra s'en sortir. Lui qui rêvait tant de retrouver sa liberté.

Concernant Jake et les autres, leur petites expéditions de sauvetage commence à m'agacer. Je ne compte pas revenir tant que je n'aurais pas tranché la gorge de ces aristocrates et ils devraient se l'implanter dans le crâne.

Je ne reviendrais pas. Si mon cœur bat toujours, ce n'est que pour venger leur mémoire.

En me redressant, ma main caresse avec frustration l'anneau en argent qui orne toujours ma gorge, je le déteste tellement. Je suis toujours captif et ça me rend dingue. Je tire quelques mèches de mes cheveux par habitude et un cri de frustration traverse la barrière de mes lèvres.

Quand est-ce que tout s'arrêtera, j'ai besoin d'en finir maintenant, c'est vital.

Je n'ai pas le temps de reprendre mes esprits qu'un homme ouvre la porte et jette une tenue au sol en précisant que j'ai été désigné comme serviteur pour le banquet de ce soir. Mes mains tremblent toujours lorsqu'il s'en va et je ramasse avec lenteur le tissus noir composé de brodures argentées, je le retourne et bouillonne de l'intérieur. On a gravé avec cette même couleur étincelante le sceau du roi.

Mes phalanges se contractent et je froisse l'uniforme quand les clairons se mettent à sonner. Emile avait raison, le roi prévoyait en effet un banquet avec d'autres nobles. Une pensée me traverse, je pourrais peut-être faire d'une pierre de coup et en décapiter plus d'un. Mes paupières se ferment d'elles même, fatiguées par le manque de réalisme de la part de mon cerveau. Il n'arrive plus à discerner ce qui est possible ou non, il veut agir et faire couler le sang.

La matière du tissu est désagréable et me colle à la peau, je ne peux m'empêcher de grogner dans mon coin et de me tortiller pour tenter de trouver une position plus confortable, étant forcé de rester debout, un plateau de vin à la main. La grande salle réservée au grand banquet de ce genre est pleine à craquer par les divers invités, tous d'un rang largement supérieur au mien. Le plafond est hautement sculpté et un lustre en pierres précieuses pend au centre de celui-ci, incrusté de bougie pour éclairer l'espace de danse. Au fond de la pièce est installé le roi, sur une estrade recouverte d'un tapis rouge. Il mange paresseusement, à moitié avachi sur son trône. Etrangement, personne ne se trouve à sa gauche pour le manipuler et lui chuchoter des idées monstrueuses. Je me demande bien qui cet aliéné est en train de torturer. Mais tout ce qui m'importe réellement est qu'il se tient le plus loin possible de moi.

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⏰ Dernière mise à jour : 3 days ago ⏰

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L'étreinte des contraires {bxb}Où les histoires vivent. Découvrez maintenant