Une très longue journée . 04

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Tous les personnages comptent dans cette histoire.

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Alice . 04



Alice, dix-huit ans depuis deux mois et enceinte de cinq semaines.

Assise à une table en bois usé, au fond d'un bar aux lumières tamisées, Alice observait distraitement les gouttelettes de condensation glisser le long de son verre. L'endroit était chaleureux, avec ses banquettes en cuir brun vieilli et ses affiches vintages accrochées aux murs de briques apparentes. Un doux bourdonnement de conversations remplissait l'air, entrecoupé par le tintement des verres et le crépitement discret de la musique jazzy en fond sonore. Tout dans ce décor semblait vouloir détendre les nerfs, mais Alice n'y arrivait pas.

Elle triturait machinalement la paille en carton de sa boisson gazeuse, perdue dans ses pensées. Son cœur battait un peu trop fort, comme si son corps se préparait à un combat invisible. L'appréhension montait en elle, une tension subtile qui se faisait de plus en plus présente. Le regard fixe, elle réfléchissait à ce qu'elle allait dire, à quel moment elle devrait aborder la question de sa grossesse.

Il n'y avait aucune règle, aucune obligation à tout révéler dès ce soir, mais un sentiment de nécessité la rongeait doucement. Charles, qui lui plaisait bien, semblait sincère, ouvert à la construction de quelque chose de solide. Le genre de relation qu'elle n'avait encore jamais connue mais qu'elle désirait pour la première fois.

Une bouffée d'angoisse la saisit.

« S'il s'en va après avoir appris que je suis enceinte d'un autre ? »

La porte du bar s'ouvrit, laissant entrer une brise fraîche et une nouvelle silhouette. Il était là. Alice sentit une vague de soulagement mêlée à une nervosité renouvelée. Il était impossible de ne pas le remarquer. Du haut de ses deux mètres, avec ses épaules larges et sa démarche assurée, il avait cette présence imposante qui faisait tourner les têtes, même dans ce lieu pourtant familier à ses habitués. Son visage s'illumina dès qu'il la vit, et son sourire, franc et naturel, fit battre le cœur de Alice un peu plus vite.

D'un pas énergique, il se fraya un chemin à travers le bar animé. Ses yeux ne la quittaient pas, et dans son regard, Alice y lut une véritable joie de la retrouver. Cela rendit la tâche encore plus difficile. Elle lui devait la vérité, elle le sentait. S'ils allaient quelque part ensemble, il finirait bien par découvrir qu'elle portait le bébé d'un autre, et elle ne voulait pas que cela soit un choc, une trahison.

Il s'installa en face d'elle, la mine enjouée de la retrouver enfin.

— Désolé pour le retard, dit-il d'une voix pleine d'entrain, avant de la gratifier d'un sourire éclatant.

Ses yeux pétillaient de cette énergie contagieuse qu'elle avait remarqué dès leur première rencontre. Tout chez lui semblait facile, spontané, comme si le monde ne pouvait lui poser de problèmes. Alice sentit son cœur se serrer à cette idée. Il était là, avec toute sa bonne humeur, et elle s'apprêtait à faire basculer la dynamique légère de leur relation naissante.

— T'inquiète pas, répondit-elle avec un sourire qui ne réussit pas à atteindre ses yeux.

Elle baissa le regard vers son verre, cherchant encore les mots. Les sons du bar semblaient s'estomper autour d'elle, laissant place à ce silence intérieur, lourd et oppressant. Elle savait qu'elle devait parler, que cette vérité lui brûlait la gorge, mais l'appréhension la paralysait.

Il attrapa une carte des boissons et la parcourut rapidement.

— J'espère que t'as pas commandé de trucs trop compliqués pour moi, plaisanta-t-il en la regardant du coin de l'œil. Tu sais que je suis plutôt du genre à prendre la même chose à chaque fois.

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