[Alya] Une Terre Vide

8 3 0
                                    

Maester Kordepier avait l'habitude de dire que j'étais fantaisiste. J'ai toujours imaginé qu'en aidant les autres, mes prouesses seraient reconnues et qu'on oublierait qui je suis au profit de mes actions. Je n'aurais cru que mon protégé me filerait des doigts ! Avec mes affaires en plus !

Le lever du jour a beau m'aider pour trouver quelques empreintes, les cris des animaux environnants et la brume omniprésente m'empêchent d'être attentive. Les Furtifs portent leur nom pour une raison... En plus de mille ans d'Histoire, ils n'ont jamais fait de vague. Ils ont écouté, subi et survécu, mais ils n'ont jamais rien dicté. Les Furtifs sont les anormaux qui n'ont pas adopté la Dualité. Ils n'ont compté que sur eux, et un renard.

« Il est forcément allé vers le camp reptile... »

J'étudie les feuilles gluantes des arbres, à la recherche d'un bout de la toge du Fils de l'Aube. Un lézard, puis un deuxième, se fraie un chemin parmi les feuillages. Je les file pendant de longues minutes lorsque je perçois un bruit de froissement. Un carré de tissu est accroché à une feuille d'épiphyte. J'avance vers l'origine du bruit sur la pointe des pieds, lorsque j'entraperçois l'Élu. Il se tient debout, au milieu de drôles d'arbres biscornus.

« Par terre. »

Sa voix me surprend. Je m'approche et distingue des pierres cassées et des lianes tressées au sol avant de comprendre que ce que je pensais être des arbres... sont des piliers vétustes.

« Pourquoi vous vous êtes enfui ? »

Il s'accroupit et pose la main sur ce qui ressemble à une urne brisée. Je tique. Elle ressemble à l'une des urnes qui meublent la salle d'offrande du temple de l'ouest. À mon tour, j'écarte les débris jusqu'à trouver un signe inscrit au sol. Un rond rempli, autour duquel deux traits ont été ajoutés. Le symbole de l'Aube.

Je relève les yeux, hantée par un pressentiment. Un chemin de pierre enfoui sous les lianes s'étend devant nous et rejoint un demi-mur recouvert de mangroves. Cela doit faire des siècles que la nature a repris ses droits ici. Peut-être même que ces vestiges datent des Vingt Ans de Soif... ou de l'Abysse de Cent ans.

« Un temple de l'Aube... »

Le murmure de l'Élu exprime mes déductions à voix haute. Des dessins ont été gravés sur la pierre derrière l'épaisse couche végétale. Ils sont anciens et semblables à ceux des temples de la Cité du Vent, mais la technique du dessin est dénuée des dernières couleurs de l'Aube. Les teintures sont plus sombres, elles ne comportent que le rouge, le jaune et le noir. Les seules couleurs que l'humanité pouvait utiliser avant le passage du millénaire. Cette découverte me fait presque oublier la raison de ma venue.

« Vous ne m'avez pas répondu. »

L'Élu s'avance et débroussaille la plaque gravée devant nous. Je m'interpose et saisis son avant-bras. Cette fois, sans me regarder dans les yeux, il se dégage de ma prise.

« Je voulais continuer seul. »

Ma mâchoire se décroche. C'est une première. Ce type est l'Élu choisi par les Entités en personne, il est celui que tout Era désire avoir, et il veut être seul ? Sans protection ? Il souhaite finir tuer comme Elio, le fils de l'Aube responsable de l'Abysse ?

— Vous êtes abrut...

— Ça parle des pouvoirs des Entités, me coupe-t-il.

Le dessin qu'il me désigne me coupe toute envie de m'énerver. L'Aube est reconnaissable par le halo qui entoure sa silhouette et son masque doré. L'Entité est debout, au-dessus de ce qui ressemble à une tortue, et ses deux mains sont apposées sur la carapace. Sur la peinture suivante, la tortue se redresse. Un point doré est au milieu de sa poitrine. Elle a été « bénie » par l'Entité. Certains écrits racontent là qu'il s'agit de la naissance du clan reptile.

Entre Aube et Crépuscule [En Cours]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant