Chapitre 6 : Nolan

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Je fixe mes doigts tremblants. Je recule en claquant des dents jusqu'à ce que mes jambes se dérobent sous mon corps frêle et que je finisse acculer par terre en gémissant.

- Bravo Nolan ! Allez, debout maintenant, on n'a pas toute la journée non plus.

Je me redresse, chancelant, et lorsque mon regard se pose sur mes mains, je me jette d'un bond en arrière en tentant désespérément de les essuyer frénétiquement.

L'homme qui m'accompagne m'empoigne alors par les cheveux pour m'obliger à revenir sur terre.

- Vautour va nettoyer. Toi, tu viens avec moi rapporter le butin. Et t'as plutôt intérêt à te reprendre si tu veux pas finir comme eux, me suis-je bien fait comprendre ?

- Oui oui oui ! Parfaitement Coyote !

Il me lâche, je résiste à la tentation de me masser le crâne avec mes doigts recouverts de ce liquide rouge encore chaud et poisseux dont j'ai horreur, et je le suis en baissant la tête.

"J'ai... J'ai tué... Pitié... Tout ce sang... Pitié... Que la Grande Arcadienne me pardonne... Je... Je n'avais pas le choix..."

Vautour fait disparaître les cadavres d'un sort d'acide dévorant, sortilège pourtant proscrit par l'Empire, et Coyote me lance un sac que je n'arrive pas à rattraper. J'ai encore les mains qui tremblent et il vaut mieux pour moi que cela cesse si je ne veux pas finir liquéfier comme les gardes qui ont eu le malheur de nous croiser...


Nous sommes de retour au campement. Je dépose mes sacs avec les autres qui attendent l'équipe de triage et je profite de l'animation d'un nouveau chargement pour m'éclipser près de la rivière.

À la vue de l'eau, je cours et plonge mes mains dans le courant pour que le sang séché se dissipe ; une fois ma peau redevenue brune, je m'allonge sur la rive pour contempler les milles couleurs du coucher de soleil teinter le ciel. Dans le calme environnant de la forêt, je me repose et enlève enfin le bandeau qui dissimule mon œil gauche à longueur de journée. À la lumière, je sens mon globe oculaire frémir avant de se réchauffer.

- Nolan ! entends-je malheureusement vociférer au loin.

C'est la voix de Coyote. Il est temps pour moi de quitter la sérénité de la rivière et de retrouver la brutalité de la réalité au Pentagone.

Je me redresse et lance un regard à mon reflet dans l'eau qui ondule. Je saisis imperceptiblement le désespoir de mon œil droit, brun et sensible, et la froideur de mon œil gauche, gris et imperméable, avant de renfiler mon bandeau de fortune pour rejoindre Coyote.

Je suis de corvée prisonnier depuis ma libération précaire. Avec Chacal, mon "superviseur" en quelque sorte, je suis chargé de nourrir les prisonniers - si besoin -, de les rendre le plus présentable possible - toujours si besoin -, de veiller à leur survie - encore si besoin -, de les surveiller afin d'éviter une tentative d'évasion... En bref, je suis le prisonnier des prisonniers, étant moi même un ancien prisonnier gracié ; j'aurai préféré mourir avec ma tante, mon oncle et mes cousins plutôt que d'être l'unique épargné, mais la troisième branche du Pentagone en a décidé autrement.

Actuellement, notre branche compte six prisonniers des deux dernières rafales, quatre hommes et deux femmes, tous en piteux état. Les femmes passeront à l'étape suivante très prochainement et les jours des hommes sont comptés. Ils sont attachés à de grands poteaux disposés en cercle tout autour du camp grâce à des chaînes qui les pendent quasiment par les bras, et mon rôle est de leur apporter à manger et de patrouiller jusqu'à ce qu'ils aient fini, avant que Chacal ne reviennent les rattacher correctement. Un job de rêve. Je fais de mon mieux pour les traiter respectueusement et parfois j'essaie même de leur parler lorsque personne ne me surveille, mais je sais néanmoins que je ne dois pas m'attacher puisqu'ils sont tous condamnés.

•Magxine• le Clan du PentagoneOù les histoires vivent. Découvrez maintenant