Aylin
Mais qu'est-ce qui m'a pris de crier comme ça ?
Déjà que je ne devrais pas être là, si en plus je me fais remarquer ça ne va pas m'aider. Mais bon, de toute façon, c'est trop tard. Ma curiosité a eu raison de moi. Je ne peux plus faire machine arrière.
— Il se relève, m'informe Alec, d'un ton surpris. Son comportement a changé, il... Il est beaucoup plus offensif qu'avant.
Comme en l'occurrence, je ne suis pas en mesure de suivre le combat par moi-même, Alec me le décrit le plus précisément possible. C'est assez étrange comme situation, je dois l'avouer. Mais j'utilise toute mon imagination pour visualiser l'affrontement au mieux. Il est mes yeux le temps de quelques instants.
Il y a un petit effet grisant dans le fait de supporter quelqu'un. La dernière fois que j'ai assisté à un combat, c'était pour Louis. Je ne m'en souviens plus très bien, je dois l'avouer. La violence ne m'a jamais plu, je dirais même qu'avant, je détestais ça. Mais on finit tous irrémédiablement par changer.
L'innocence et la vertu ont leurs limites.
Aujourd'hui, je la vois comme un mal nécessaire. Ma perception de son utilité a évolué. Parfois, la violence est la seule solution qui se présente à nous, certes, ce n'est jamais la bonne, mais c'est souvent la plus facile d'accès. On peut l'utiliser contre les autres et même contre soi.
On trouve parfois une certaine libération dans la destruction.
Avec stupeur, je réalise que mon cœur me fait beaucoup moins mal que d'habitude quand je pense à lui. Peut-être que mes anciennes blessures commencent enfin à se refermer. Comme quoi rien n'est irréversible. Il y a quelques semaines, je pleurais encore à cause de cette maudite messagerie vocale.
Petit à petit, je me libère des chaînes du passé. Je remonte tout doucement à la surface. Après m'être complais dans les abysses de mes souffrances, il est temps pour moi de dire au revoir aux profondeurs. Aussi difficile soit-il, je dois mettre un terme à cette noyade qui s'éternise.
— Il...Il est en train de le laminer, souffle Al choqué. Son regard est...Il est effrayant, Aylin.
Son regard.
À force de détester quelqu'un, on finit par y penser sans cesse. Son regard, je donnerais cher pour le croiser, ne serait-ce qu'une fois. La forme de son visage, la couleur de ses iris, leurs nuances. Chaque parcelle et chaque courbure, je veux tout savoir.
Pourquoi la haine ne reste jamais que de la haine ?
Elle finit toujours par se transformer en une obsession dévorante, qui nous pousse parfois à commettre des actes qui nous semblaient impensable. Les sentiments, on pense les contrôler, mais c'est tout l'inverse, ce sont eux qui font de nous leurs pantins.
La preuve, moi, ici, à supporter un garçon qui m'a menacé et s'est moqué de moi à plusieurs reprises. Il m'a aidé aussi, c'est indéniable. Sans lui, je ne serais pas entre les murs de l'établissement Rivera à l'heure qu'il est. Pourtant, la rancœur que je ressens à son égard ne s'est pas encore tarie.
Comme neige au soleil, elle fond, lentement, elle s'amenuise, jusqu'au jour où fatalement, elle va finir par disparaître. Mais est-ce que je veux la laisser disparaître à jamais ? Est-ce qu'il mérite que je le pardonne ?
Pour cette partie, je laisse mes interrogations en suspens.
— Effrayant ? répété-je confuse. Comment ça ?
— Aylin, on dirait un monstre, murmure-t-il, effaré.
Un monstre ?
Certes, il lui arrive d'être dans l'excès parfois, mais jamais au point d'être qualifié de monstre. Il ne m'a jamais inspiré de crainte, en tout cas, jamais assez longtemps pour que j'aie vraiment peur de lui. La plupart des monstres sont des gens qui portent un masque.
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BLINDLY [Sous contrat d'édition chez &H]
RomanceDans le noir, le moindre faux pas peut s'avérer fatal... Juste avant d'entamer sa troisième année de psychologie, Aylin voit sa vie bouleversée à jamais par un terrible accident qui la prive de sa vue. Alors qu'elle tente de trouver ses repères dans...