chapitre 1,12

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La musique est forte, les basses font vibrer le sol sous nos pieds, et je me laisse emporter par le rythme. Les lumières multicolores tournoient autour de nous, enveloppant la piste de danse dans une ambiance presque irréelle. Lila est à côté de moi, riant, sa tête basculant en arrière, les yeux mi-clos de plaisir.

Je me sens un peu mieux, plus légère, loin des tensions avec mon père et de la violence de tout à l'heure. J'ai bu quelques verres, peut-être un peu trop, mais ce n'est pas grave, pas ce soir. J'ai besoin de me sentir libérée, de sentir que je peux exister sans toutes les attentes qui pèsent sur moi.

Un mec s'approche de moi, souriant. Il commence à parler, ses mots se perdent un peu dans la musique, mais il a l'air sympa, et je n'ai aucune envie de rester seule. Alors je réponds, je rigole un peu. Puis, tout d'un coup, je ressens une pression étrange. Mon cœur bat plus vite, mes mains deviennent moites. Quelque chose ne va pas.

— Hé, je crois que ma tension est en train de grimper, dis-je au mec, essayant de garder une voix légère, bien que l'inquiétude commence à poindre en moi. Est-ce que tu aurais du sucre ?

— Bien sûr, attend, répond-il en sortant un sachet de sa poche.

Je prends le sucre avec un sourire, prête à le mettre dans ma bouche. Mais quelque chose en moi hésite. Une sensation de malaise qui se transforme en une certitude glaciale. Je regarde le sachet dans ma main, les mots qui y sont inscrits sont illisibles, et c'est là que je comprends. Ce n'est pas du sucre. Pas du tout.

Mon estomac se noue, et je commence à paniquer. Ma respiration devient erratique, chaque bouffée d'air me semble insuffisante. Je recule brusquement, mes mains tremblantes laissent tomber le sachet sur le sol. Sans réfléchir, je tourne les talons et me fraye un chemin à travers la foule, ignorant les regards surpris et les protestations de ceux que je bouscule sur mon passage.

Je monte les escaliers qui mènent à l'étage, un endroit un peu plus calme, loin du vacarme assourdissant de la piste de danse. Mon cœur bat toujours trop fort, et je commence à me sentir coincée, enfermée dans cette boîte de nuit, sans échappatoire. Mes doigts tremblants sortent mon téléphone de ma poche. Je compose le numéro de Lila.

— Lila... Lila... putain, décroche, je murmure en fermant les yeux, essayant de calmer ma respiration.

Après une tonalité qui me semble durer une éternité, elle décroche enfin.

— Khione ? Qu'est-ce qui se passe ? hurle-t-elle pour couvrir le bruit.

— Lila, je suis en haut, dis-je, ma voix se brisant. J'ai... j'ai fermé la porte à clé. Je ne me sens pas bien.

Il y a un silence, puis sa voix devient soudainement plus inquiète.

— Attends, je monte tout de suite. Khione, ne bouge pas, d'accord ? Je viens te chercher.

Je raccroche, le téléphone toujours pressé contre mon front, les yeux fermés. Je prends une grande inspiration, puis une autre. J'ai l'impression d'étouffer, mais je dois rester calme, je dois attendre Lila. Elle va venir, et tout ira mieux.

Je m'adosse contre le mur de la petite pièce à l'étage. Mes paupières sont lourdes, mes pensées tournent en boucle sans jamais trouver un point où s'arrêter. La fatigue m'envahit, un étrange sentiment de torpeur qui commence à m'envelopper. Tout semble flou, incertain, comme si la réalité se dérobait sous mes pieds. Pourquoi tout ça arrive-t-il encore ? Pourquoi tout semble-t-il si compliqué, si douloureux ?

Les questions se succèdent dans mon esprit, chacune plus cruelle que la précédente. J'ai envie de me faire taire, de faire taire ces pensées, de me sortir de ce gouffre où je m'enfonce. Mes mains glissent dans mon sac, mes doigts effleurent la surface métallique d'une petite lame que j'avais gardée, au cas où. Mes doigts serrent la lame, et sans trop réfléchir, je la pose contre ma peau. Le froid du métal me fait frissonner. Et puis, lentement, je commence à appuyer, à tracer une fine ligne sur ma peau.

Coeur en feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant