Chapitre 4

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Je marchais sur la place de la ville, faisant encore le même chemin que d'habitude. J'allai dans cette rue, entrai dans le bâtiment, et constatai le même décor : les murs blanchâtres, ces posters à propos de la confiance en soi, les fauteuils oranges et étroits, le tic-tac incessant de l'horloge... Ce décor inchangé, bien qu'un peu désagréable visuellement, je le trouvais assez réconfortant. Je savais que quoi qu'il arrive, rien ne changeait dans cette pièce, et que je retrouvais les mêmes meubles, les mêmes posters, et le même tic-tac chaque semaine. Je regardai l'heure, 14h40. C'est la fin de la séance du patient qui passait avant moi, ce qui veut dire qu'il devrait sortir dans la minute -

La porte bleue s'ouvrit, mais ce n'était pas l'homme qui en sortait habituellement. Ce fut Mme Eirene qui passa en première. Elle n'avait pas pour habitude de passer devant les patients, les laissant toujours sortir avant elle. Elle entra dans la pièce, et je remarquai que l'homme ne la suivait pas. Était-il malade, cette fois ? Cela expliquerait le fait qu'il ne soit pas là. Je me levai, et pensai de nouveau à la lettre.

«- Par rapport à la lettre... » commençai-je.

Elle me coupa la parole.

«- Tu dois te demander pourquoi c'était par lettre ? dit-elle. C'est ce qu'on m'a demandé... », elle s'arrêta.

Elle regarda autour et me dit ensuite de la suivre dans son bureau, ce que je fis, curieux, me demandant quel était tout ce cirque. Une fois assis dans son bureau, et quelques secondes de silence, elle continua ce qu'elle était en train de dire.

«- On m'avait donc demandé de te donner cette lettre une fois que tu serais arrivé à un certain 'stade' dans tes rêves. Je devais te donner cette lettre, et prévenir ensuite l'organisation qui l'a écrite, qui doit arriver bientôt. Je ne connais pas le contenu de cette lettre, mais apparemment, elle fait une présentation globale de ce qu'ils faisaient, et tu devais choisir ou non de venir à la prochaine séance pour les rencontrer... Je ne comprends pas moi-même leur façon de faire, mais c'est ainsi qu'ils voulaient que ça se fasse... »

J'avais du mal à comprendre. Effectivement, la description de leurs activités était franchement vague, mais ce n'était pas clair du tout pour le deuxième point. Je me retournai, en pensant voir entrer des hommes en costard noir tels des Men in Black qui allaient me poser des questions étranges.

«- Ils doivent arriver dans un quart d'heure, ne t'inquiète pas », me dit-elle.

Pour être honnête, avoir quelqu'un de cette organisation déjà si louche rien qu'avec toute cette histoire était ce qui m'inquiétait. Dans quel genre d'histoire ça va partir ?... Je regardai de nouveau Mme Eirene.

«- Alex... Si tu acceptes ce que ces hommes vont te proposer, ils prendront en main ton cas, ce qui fait que je ne serai plus ta psychologue attitrée, marquant alors cette séance comme la dernière », m'expliqua-t-elle, en commençant à sortir le carnet de notes qu'elle avait sur moi, ainsi qu'un stylo et un gros feutre noir. « J'ai pour habitude de demander, à la dernière séance, ce que mes patients pensent de tout ce qu'on a fait. Si cela leur a apporté quelque chose, s'ils ont pu aller mieux avec le temps, tout ce qui leur passe par la tête pour décrire nos rendez-vous et ce qui en a résulté », ajouta-t-elle, me laissant alors la parole.

Ce que j'aimais dans ces rendez-vous, c'était principalement ça. Avec elle, je parlais de ce que je voulais, le disais comme je le sentais, et j'avais une véritable discussion avec elle, qui me posait les questions qu'elle pensait, même si elle était parfois un peu brute dans l'idée. Sauf que je ne parle à personne d'autre aussi ouvertement. Il y a bien mon père, mais il a choisi de me faire faire cette thérapie, car il a voulu qu'un professionnel s'en charge, en voyant qu'il n'y arriverait pas tout seul. Sinon, personne ne sait quelque chose de toute cette histoire. Ni mes camarades de classe, ni les professeurs, ni... je m'arrêtai un instant. En fait, il n'y a pas que Mme Eirene et papa qui en savent quelque chose ; il y a aussi cette organisation. Cette organisation qui compte me prendre en charge à la place de ma psychologue. J'eus un peu mal au cœur à cette pensée. Mine de rien, après toutes ces séances, je m'étais attaché à Mme Eirene. Elle était sympa, avait une voix naturellement apaisante. Et la voir dans un endroit aussi calme était relaxant, si je puis dire. Avec ces séances aussi, je me défoulais un peu à travers nos échanges, ce que je n'avais jamais songé à faire en dehors. Car dans cette pièce, il n'y a que moi et Mme Eirene, qui ne m'a jamais jugé ni demandé de censurer ce que je disais. En dehors, il y aurait eu les regards jugeurs des autres, et j'aurais fini à l'écart, car ils auraient certainement pris peur de moi, qui passerait pour un fou. Si je devais résumer, je n'aime pas l'idée de changer de psychologue, peu importe qui est cette organisation.

Mme Eirene acquiesça. Elle sourit un peu à l'évocation du fait que je l'appréciais, et notait tout ce que je venais de dire. Elle me demanda si j'avais quelque chose à rajouter. Après un léger blanc, je répondis négativement. Elle fit un léger mouvement de la tête, et ferma le carnet. Alors qu'elle écrivait 'Terminé' avec son feutre, j'eus de nouveau un pincement au cœur. Ces séances de thérapie étaient le seul moment où je pouvais me sentir bien, car j'extériorisais tout. Ce mot écrit ne me permit de le réaliser qu'à ce moment. Mme Eirene se leva, et alla mettre le carnet sur son étagère, au milieu de tous les autres carnets avec écrit dessus 'Terminé'. Elle me proposa ensuite de passer les dernières minutes, avant qu'ils n'arrivent, à discuter avec elle comme d'habitude. Je répondis que oui.

*

Je circule dans les rues proches du centre, à la recherche d'une place de parking. John s'énerve à côté de moi, disant que c'est bondé partout, et qu'ils pourraient tous aller vivre à la campagne, que ça ferait des villes moins surpeuplées. Soupirant, j'écoute ce qu'il dit, vu que la radio ne fonctionne plus. J'arrive enfin à trouver une place, et je fonce m'y garer avant que quelqu'un ne la prenne. Je sors de la voiture, suivi de John. Il sort un plan, et commence à chercher où se trouve notre destination.

«- Normalement, il faut traverser la place puis aller dans une petite rue sur la gauche... », commençait-il.

«- Je t'arrête tout de suite, dis-je. Va pas nous embrouiller avec tes explications foireuses. On va y aller, et on verra au fur et à mesure, et tu fais pas chier », dis-je.

Il me regarda bizarrement.

«- Ça va oh, pas besoin de le dire comme ça ! », dit-il en s'énervant encore.

Je me dirige vers la place de la ville, sans faire attention aux commentaires de John. Il râla, mais me suivit. Je replaçai ma cravate, qui était franchement désagréable. Je n'ai jamais aimé ce genre de missions. Il faut paraître bien, sérieux, impassible... Taff de merde, pensais-je.

On entra dans une rue, puis en vérifiant chaque numéro de bâtiment, on finit par trouver le bâtiment qu'on cherchait. John regarda la façade du bâtiment, et demanda :

«- On est censé avoir quoi, cette fois ?

- Un gamin presque majeur », répondis-je en soupirant.

Je monte les petites marches qui sont devant la porte d'entrée, et ouvre. Mon œil est directement attiré par la déco, qui n'est franchement pas très incroyable. Je me dirige ensuite vers la porte, toujours suivi de John. J'ouvris la porte bleue, et me dirigeai vers la porte au fond du couloir, comme indiqué dans le mail qu'on a reçu. Je sortis mon badge d'agent et toquai. Une femme nous ouvrit. Je reconnais le visage, qui correspond à la photo jointe au mail. J'entre, et je vis l'adolescent qu'on venait chercher cette fois.

« Bonjour Alex », dis-je.

In a nightmareOù les histoires vivent. Découvrez maintenant