14*

43 2 12
                                    

  La course poursuite avait duré une éternité, gravissant, sautant, redescendant une pléthore de bâtiments. Finalement Warren s'était fait distancer rapidement mais les quelques corps sans vie qu'il découvrait parfois lui indiquait qu'il suivait la bonne direction. Cependant la Lyre trouvait cela étrange que le nombre de cadavres était si minime, il avait déjà remarqué que les zombies avaient pour habitude de collecter les âmes en abondance en une seule nuit. Enfin, c'est ce qu'il avait cru saisir bien qu'il se doutait que la rouquine n'était pas seule à opérer. Puis, à une intersection, plus aucune trace du passage de la rouquine. Plus de corps fraîchement assassinés, plus de zombie en cavale qui donnait l'impression de s'entraîner pour les J.O, plus rien que le vide de la nuit et le manque de vie.

  Warren frappa l'air de son poing, image ridicule de l'ange seul dans une ruelle malodorante agissant comme un fou. Après un moment de réflexion, il rebroussa chemin.

  Ce soir, Carrie volait à contre-cœur les vies d'autrui, ce qui la bloquait dans sa tâche. Une partie d'elle souhaitait uniquement répondre aux exigences de son maître pendant que l'autre moitié ne désirait que retrouver Hayley. Il y avait une espèce d'attirance qui l'aimantait à la brune, une attraction si forte que Carrie ne pouvait se contrôler.

  En chute libre d'un de ces hauts building, Carrie remarqua enfin l'absence du sabreur. Elle ne savait pas depuis combien de temps elle l'avait semé, c'était sûrement au moment où elle avait cessé de tirer au hasard, qui ne laissait plus de preuve de son passage. En atterrissant brusquement sur le bitume, un paquet de mèches de cheveux lui masqua la vue. Dans un mouvement grotesque de la tête, Carrie les fit passer dans son dos. Curieusement ses cheveux avaient doublé de volume à tel point que l'élastique qui les maintenait n'était accroché qu'à une vulgaire et fine mèche. Carrie avait bien remarqué le changement dans le reflet d'une vitrine, elle avait juste eu beaucoup de mal à comprendre que c'était son propre visage qu'elle observait. Elle ne se pausa pas plus de questions que ça, l'usine était en vue, mécaniquement, elle s'y dirigea.

  L'obscurité venait à peine de recouvrir son voile charbonneux sur la ville qu'Arion fut étonné de voir sa zombie, bien trop résistante, revenir à lui. Des yeux exorbités ravageait son visage déjà terrifiant, un ô de surprise s'ajoutait au tableau de l'horreur. Comme d'accoutumée, Hank était à sa place prédéfinie : si la porte à proximité du sous-directeur zombie s'ouvrait dans l'autre sens, il se la serait prise en pleine face avec l'incapacité de l'éviter. Carrie transféra le peu d'âmes qu'elle avait capturé dans un silence absolu.

  Arion reprit de la contenance, retrouvant son expression placide tout en continuant de l'observer sans émettre le moindre son. De surcroît, elle avait encore collecté très peu de matière pour nourrir la source de sa puissance. Le visage d'Arion s'assombrit, la foudroyant de son regard noir. Avec beaucoup de mal, le faucheur ne fit aucune remarque, se contentant de lui demander si elle retournait chassée ce qu'elle approuva d'un mouvement las de la tête. Sans demander son reste, Carrie repartit comme elle était venue, sans un bruit, Arion éternellement assis, les bras croisés sur son buste maigrichon, l'œil mauvais. Il le savait, il le sentait, sa créature déraillait.

- Mon maître ? se manifesta la voix suraigu et horripilante d'Hank. Si je peux me permettre, j'ai l'impression qu'elle manigance quelque chose.

  Le sous-fifre réussit à piquer la curiosité d'Arion, voyons s'il était capable de cogiter correctement, il s'étala sur le bureau impatient d'entendre ses suspicions.

- Je t'écoute.

  D'un geste théâtral du bras, il lui intima de s'exprimer.

- Eh bien... Son stade de décomposition semble être interrompu et elle passe beaucoup de temps à vagabonder dans les rues malgré le faible taux d'âmes rapporté.

DeadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant