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 Elle avait couru pendant ce qui semblait être une éternité.

  Encore se lamentait Hayley, essoufflée, au bord de la crise de nerf.

  Cela ne faisait même pas 24 heures qu'elle avait emménagé dans le bureau du restaurant de Takoyaki et c'était la première sortie qu'elle osait s'offrir. Et à quel prix !

  Depuis qu'elle avait rencontré cette satanée rousse, tout allait de travers dans sa vie. Mais de là à se faire pourchasser par une horde de zombies acrobatiques et furieux, c'était lunaire ou simplement son nouveau quotidien. Plutôt désagréable cela dit en passant.

  Contrairement à Carrie, qui utilisait un Colt, les zombies qui la poursuivait n'avaient pas l'air d'utiliser d'armes. Du moins, c'est ce qu'Hayley comprenait, n'osant plus se retourner pour les observer ni vérifier cette information.

  Armée ou non, Hayley était terrorisée.

  C'était la troisième fois qu'elle passait devant la même voiture, quelle chance que les zombies soient assez idiot au point de ne pas penser à l'attendre pour le prochain tour. En bout de course, la Lyre éliminait du mieux qu'il le pouvait les morts vivant à coup de lame tranchante, hurlant à Hayley de ne jamais s'arrêter de courir.

  A la différence de Warren, la jeune femme allait finir par se fatiguer, cela faisait des heures que le troupeau les avaient repéré. Ils avaient beau tenter de se cacher, rien n'y faisait, les créatures les retrouvaient à chaque fois, comme s'ils étaient guidés par leur odorat ou un sixième sens mystique.

  Prise de panique, Hayley s'engouffra dans une bouche de métro, hors d'haleine. Elle n'en pouvait plus de tourner en rond en ville. Bousculant la masse de monde qui sortait du quai, elle sut qu'elle était toujours suivie en percevant les cris de stupeurs de la foule bien après son passage. Hayley n'osait pas se retourner en entendant le tapage causé par les monstrueuses créatures et encore moins après avoir vu quelques badauds être renvoyés d'où ils venaient, c'est-à-dire tout en bas des escaliers de béton.

  Peut-être réussirait-elle à entrer dans un wagon à la dernière seconde et ainsi mettre de la distance entre elle et les macchabés, mais hélas le karma n'était que peu de fois de son côté.

  Avec ce monde, Warren était dans l'incapacité de continuer à utiliser son sabre, cependant la Lyre profita de la horde pour se faufiler sans blesser le moindre civil. D'un coup, un des zombie fit volte-face, lui souriant malicieusement avant de le frapper au visage.

  Le quai du métro était quasiment vide, excepté le restant de voyageurs bloqués par la cohue. Une forte odeur de pisse agressa les narines d'Hayley. Les lumières n'éclairaient que très peu l'endroit et énormément de tags ornaient les murs.

  Elle s'éloigna le plus possible de la foule, souhaitant presque voir débarquer Carrie à sa rescousse. Dos au mur elle ne pouvait qu'attendre la mort qui finalement l'avait rattrapé et lui fonçait actuellement dessus. Effrayée par son destin, Hayley ferma les yeux au moment de l'impact. Comme la fois où elle avait failli mourir en plein milieu d'un règlement de compte entre voyous.

  Rien ne se passa.

  Le brouhaha infernal était toujours assourdissant bien que beaucoup plus proche que prévu, sûrement dû à l'écho causé par le lieu clos. De même que lors de sa rencontre avec la rouquine, quelqu'un était apparu de nul part pour la sauver.

  D'une lenteur exagérée, Hayley ouvrit enfin les yeux pour découvrir Carrie en train d'en découdre avec la horde, comme si elle avait entendu ses prières. Un simple coup d'œil permit à Hayley de comprendre que le troupeau n'était pas au complet, Warren avait dû en exterminer une bonne partie. C'était un véritable allié dans cette galère nouvelle, bien que Hayley ne s'inquiétait pas le moins du monde de ne pas l'apercevoir, trop obnubilée par la soudaine présence de la rouquine qui, une fois le sale boulot effectué, s'approchait d'elle, le Colt fumant.

- Je suis revenue... Crachota Carrie que la fumée des enfers avait cuite de l'intérieur.

   Hayley la dévisageait sans trop comprendre où son interlocutrice voulait en venir, après tout elle ignorait totalement son voyage express dans le Grand En-Bas. Bien que l'odeur de barbecue, avec choix de viande putride, qui enveloppait Carrie soit un énorme indice. Surtout elle ne l'avait pas vu traverser le mur par une brèche étrange. 

  Les minutes s'égrènent et toujours aucune trace de la Lyre, c'était donc un véritable coup de chance que Carrie débarque dont ne sait où ! Encore une fois, Hayley lui devait la vie bien que le comportement déconcertant que la rouquine avait eu dernièrement lui était resté en travers de la gorge.

  Hayley se surprit à ressentir du plaisir à la revoir, elle n'avait pas réalisé que Carrie pouvait lui manquer. Être en compagnie de Warren, ce n'était pas la même chose, il était gentil, serviable, agréable à vivre et particulièrement comparable à son antonyme certes, mais Carrie, c'était Carrie : maladroite, perdue et attachante.

  Un bien-être inexplicable qui ne disparut même pas quand un macchabé arriva en trombe de l'escalier, un retardataire, que la rouquine exécuta sans même lui jeter un regard, entièrement consacré à sa protégée.

  Le quai ressemblait à un champ de bataille avec des corps en décomposition à foison, chargeant l'air d'une odeur infecte. De nouveau, elles devaient fuir au plus vite mais Hayley avait fini par s'épuiser de courir à tout va.

- On doit...

  Un vacarme assourdissant mit en suspens la voix lasse et molle d'Hayley, c'était le sabreur qui venait d'être projeté sur le quai dans une violence inouïe. Amenant avec lui un silence pesant où les trois individus se regardèrent tour à tour jusqu'à ce qu'une quatrième présence débarque sur les lieux. L'homme arborait un sourire sardonique, son corps était longiligne, son crâne chauve et il portait des vêtements ample tel un vagabond des temps moderne : pantalon de jogging, veste longue sur un pull plus clair troué par endroit ainsi que des bottes de randonné tout autant abîmées. Il passa sa langue sur ses fines lèvres avant de se jeter sauvagement sur le soldat du Tout Puissant. Ce dernier esquiva de justesse en effectuant une cabriole indéfinissable, roulant, rampant et glissant jusqu'aux deux femmes.

- Je vous présente une faucheuse dissidente, informa Warren sans prendre la peine de s'agacer de la présence de Carrie.

- Ce n'est pas mon maî...

- S'il n'y avait que lui qui s'était lancé dans le trafic d'âmes, on en serait pas là, cingla froidement la Lyre.

  Une rame de métro pleine de passagers entra en gare, le faucheur ricana fortement affichant continuellement son faciès à la joker. Au moment où les portes des wagons s'ouvrirent, libérant les voyageurs, le démon s'avança dans la petite foule récitant son texte alors que le métro reprenait son chemin.

- Je me nomme Sid et voici ma meute ! annonça-t-il de sa voix perçante.

  Une quinzaine de personnes étaient descendues à cette station avec le même air morne, affaibli par la routine de la vie, par la mélodie du métro, boulot, dodo.

  De ses mains crochues, Sid capta l'attention de toutes les personnes, cela ne dura qu'une fraction de seconde ce qui était amplement suffisant pour ce qu'il comptait faire. Ses paumes dirigeaient sur la foule que Sid referma d'un coup sec tout en les ramenant sur lui, comme s'il capturait de l'air entre ses mains. Son geste fut accompagné d'une lueur bleutée qui s'échappait de chaque individu, tous figés, hypnotisés. Petit à petit, leurs peaux devenaient plus livide, leurs yeux violacaient, leurs cheveux tombaient.

  Voilà, en un clin d'œil, ces âmes lui appartenaient définitivement alors que la rame de métro disparaissait dans le tunnel obscur. 

DeadOù les histoires vivent. Découvrez maintenant