Chapitre 27 : le poids du destin

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Le jour se levait à peine sur l'abbaye, et une étrange tranquillité régnait sur les lieux. Le ciel était teinté de gris, et l'air portait une lourdeur qui semblait peser sur les épaules de chacun. Phoebe se réveilla dans un frisson, l'esprit encore embrumé par des rêves troublants. Les murmures des ombres l'avaient poursuivie toute la nuit, des voix indistinctes qui l'appelaient, la tiraient vers elles.

Elle se redressa lentement, son corps ressentant encore la fatigue de la fermeture de la brèche. Owen dormait à ses côtés, paisible pour une fois. Mais elle savait que ce répit ne durerait pas. Les ombres grandissaient en elle, et avec elles, un sentiment d'inévitabilité. Elle pouvait le sentir : quelque chose se préparait. Un dernier acte, un ultime sacrifice.

Se levant discrètement pour ne pas réveiller Owen, Phoebe quitta leur chambre et déambula dans les couloirs silencieux de l'abbaye. Ses pas la conduisirent naturellement vers la salle des anciens textes, là où Elara l'attendait sûrement déjà. Elles avaient passé des jours entiers à scruter les moindres lignes des parchemins anciens, mais les réponses restaient évasives, presque inaccessibles.

Elle entra dans la salle, trouvant Elara penchée sur un vieux grimoire, l'air absorbée par sa lecture.

— Tu es déjà debout ? demanda Elara sans lever les yeux, sentant sa présence.

— Je n'ai pas vraiment dormi, répondit Phoebe en s'approchant. Les ombres ne me laissent pas de répit.

Elara ferma doucement le grimoire et tourna enfin son regard vers elle, ses yeux trahissant une profonde inquiétude.

— Je crains que nous n'ayons plus beaucoup de temps, Phoebe. Chaque jour, je sens leur emprise grandir sur toi. Et malgré tous mes efforts, je n'ai pas encore trouvé comment les stopper.

Phoebe prit une profonde inspiration, tentant de chasser la peur qui grandissait en elle.

— Alors que faisons-nous ? Attendre qu'elles me consument ?

Elara baissa les yeux, cherchant visiblement ses mots.

— J'ai trouvé une mention d'un rituel ancien. Un rituel qui pourrait peut-être... libérer les ombres de toi. Mais il y a un prix à payer.

Phoebe sentit son cœur se serrer. Elle avait appris à ses dépens que chaque pouvoir, chaque solution, venait avec son lot de sacrifices. Mais cette fois, elle sentait que ce prix serait plus élevé que jamais.

— Quel prix ? demanda-t-elle, sa voix tremblante d'appréhension.

Elara hésita un moment avant de répondre, comme si elle redoutait ce qu'elle allait dire.

— Pour contenir définitivement les ombres, le rituel exige une vie. L'âme de celui ou celle qui les porte doit être offerte en échange de la paix.

Le monde de Phoebe sembla vaciller autour d'elle. Une vie... Sa vie ? Elle serra les poings, sentant les ténèbres en elle se tordre et se raidir, comme conscientes de la menace de ce rituel.

— Donc, pour sauver ce monde, je dois me sacrifier, murmura-t-elle, amère.

Elara posa une main réconfortante sur son épaule.

— Ce n'est pas ce que je veux, Phoebe. Mais nous devons envisager toutes les options. Tu as toujours été forte, tu as combattu des forces que peu de gens comprennent. Mais je crains que cette fois, ce soit un combat que tu ne peux pas gagner seule.

Phoebe resta silencieuse, les pensées tourbillonnant dans son esprit. Elle avait toujours su que son lien avec les ombres la mènerait sur une voie périlleuse, mais elle n'avait jamais imaginé que cela la conduirait à un choix aussi cruel. Se sacrifier pour fermer la brèche définitivement, ou risquer que les ombres détruisent tout ce qu'elle avait cherché à protéger.

— Est-ce la seule option ? demanda-t-elle enfin, sa voix brisée par le poids de cette révélation.

Elara secoua doucement la tête.

— Il y a toujours d'autres chemins, mais ils sont incertains. Nous pourrions continuer à chercher, essayer de comprendre d'où viennent ces ombres, pourquoi elles t'ont choisie. Mais cela prendra du temps. Et je crains que ce temps, nous ne l'ayons pas.

Phoebe sentit une vague de désespoir la submerger. Elle se leva brusquement, fuyant la salle des textes, incapable de faire face à cette réalité. Elle avait besoin d'air, d'espace pour réfléchir, pour comprendre ce que tout cela signifiait pour elle, pour Owen, pour les Gardiens.

Elle marcha à travers les jardins de l'abbaye, ses pensées en proie à un chaos qu'elle ne pouvait apaiser. Elle se souvenait de tous les moments qu'elle avait partagés avec Owen, de leur complicité, de leur amour grandissant. Comment pouvait-elle envisager de tout abandonner maintenant ? Et pourtant, si elle ne le faisait pas, la menace des ombres pouvait engloutir le monde entier.

Soudain, elle sentit une présence derrière elle. Owen la rejoignait, son visage marqué par l'inquiétude. Il avait dû sentir son trouble depuis le moment où elle s'était levée.

— Phoebe, qu'est-ce qui se passe ? demanda-t-il doucement en s'approchant.

Elle resta silencieuse un instant, incapable de prononcer les mots qui tournaient dans son esprit. Puis, finalement, elle parla.

— Elara a trouvé une solution. Un moyen de sceller définitivement les ombres et de fermer la brèche pour toujours.

— C'est une bonne nouvelle, non ? répondit Owen, cherchant à comprendre pourquoi elle semblait si bouleversée.

Phoebe détourna le regard, incapable de soutenir ses yeux.

— Mais cela implique... de me sacrifier, murmura-t-elle.

Owen se figea, ses yeux s'écarquillant de choc.

— Quoi ? Non... Non, Phoebe. Il doit y avoir un autre moyen.

Elle secoua la tête, sentant les larmes monter à ses yeux.

— C'est la seule manière, Owen. Si je ne le fais pas, les ombres continueront à grandir en moi. Elles finiront par me consumer, par détruire tout ce que nous avons essayé de protéger. Je ne peux pas laisser cela arriver.

Owen attrapa ses mains, les serrant avec force, comme s'il voulait la retenir, l'empêcher de disparaître.

— Tu ne peux pas prendre cette décision seule. Nous trouverons une autre solution. Nous avons toujours trouvé un moyen, Phoebe.

Elle secoua doucement la tête, ses larmes coulant maintenant librement.

— Parfois, il n'y a pas de miracle. Parfois, le destin nous impose des choix impossibles.

Owen la tira contre lui, la serrant fort dans ses bras. Il ne pouvait pas la perdre, pas maintenant. Pas après tout ce qu'ils avaient traversé ensemble. Mais il savait, au fond de lui, qu'elle avait peut-être raison. Que son sacrifice pourrait être la clé pour mettre fin à cette menace.

— Je t'aime, murmura-t-il dans ses cheveux, sa voix tremblant d'émotion.

— Moi aussi, Owen. Mais il est peut-être temps pour moi d'accepter ce qui doit être fait.

Phoebe se recula légèrement, le regard déterminé malgré ses larmes.

— Je ne partirai pas sans toi. Pas encore. Nous avons encore un peu de temps. Mais je veux que tu sois prêt... pour ce qui vient ensuite.

Owen la regarda, son cœur brisé, mais il hocha la tête. Ils affronteraient ce destin ensemble, jusqu'à la fin.

Les ombres de la mélodieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant