Chapitre 3 : l'Hôte Inconnu

0 0 0
                                    


Phoebe descendit l'escalier en colimaçon, guidée par les lueurs tremblotantes des chandeliers. Le manoir semblait plus sombre et plus silencieux qu'à son arrivée. Chaque pas résonnait dans les couloirs vides, et un léger écho suivait ses mouvements, comme si les murs eux-mêmes chuchotaient des secrets oubliés.

Elle atteignit enfin la grande salle à manger, où une longue table en acajou était dressée. Des chandeliers dorés illuminaient la pièce, projetant des ombres complexes sur les murs ornés de tableaux représentant des scènes anciennes. Le décor opulent contrastait étrangement avec l'atmosphère lugubre du manoir. Pourtant, malgré la beauté de la pièce, une sensation de malaise persistait.

Phoebe observa la table. Seul un couvert était mis, juste en face de l'imposante cheminée où un feu crépitait doucement. Une chaise était déjà tirée, comme si l'on l'attendait. Mais où était son hôte ? Et pourquoi n'y avait-il personne d'autre ?

Elle s'avança prudemment, prenant place à la table. L'odeur appétissante du repas montait jusqu'à elle, mais son esprit restait préoccupé par l'étrangeté de la situation. Qui l'avait invitée ici, et pourquoi n'avait-elle pas encore rencontré cette personne ?

Tandis qu'elle s'apprêtait à prendre une bouchée du potage servi devant elle, la porte de la salle à manger s'ouvrit lentement, avec un grincement sinistre. Phoebe redressa la tête, s'attendant à voir apparaître Morton, le majordome, ou peut-être même l'hôte inconnu. Mais ce fut un homme qu'elle ne reconnut pas qui fit son entrée.

Grand, aux traits anguleux et sévères, il portait un costume noir parfaitement taillé qui accentuait l'aura de mystère qui émanait de lui. Ses cheveux sombres, légèrement parsemés de gris, encadraient un visage marqué par le temps et les épreuves. Ses yeux, d'un bleu acier, fixèrent Phoebe avec une intensité qui la fit frissonner.

— Mademoiselle Phoebe, quelle joie de finalement faire votre connaissance, dit-il d'une voix grave, en s'inclinant légèrement.

Elle se leva, légèrement déstabilisée par l'assurance de cet homme.

— Bonsoir... Je suis désolée, mais je ne crois pas avoir eu le plaisir de savoir à qui j'ai l'honneur, dit-elle, cherchant à cacher son malaise.

L'homme esquissa un sourire énigmatique avant de s'approcher.

— Mon nom est Owen Ravencroft. Ce manoir appartient à ma famille depuis des générations. Je vous prie de pardonner l'austérité de cette soirée. Nous aimons garder les choses simples ici.

Phoebe hocha la tête, encore plus troublée. Ravencroft. Le nom du manoir. Un nom qui résonnait comme un écho dans sa mémoire, bien qu'elle ne se souvienne pas de l'avoir entendu avant ce soir.

— Merci pour votre invitation, Monsieur Ravencroft. Le manoir est... impressionnant, dit-elle, cherchant ses mots.

Owen prit place en face d'elle, son regard ne quittant pas le sien.

— Je suis ravi que vous ayez accepté. Votre réputation vous précède, mademoiselle. Votre voix est un don rare, un trésor. Et il est grand temps que le manoir de Ravencroft renoue avec la musique. Elle a longtemps manqué à ces murs, dit-il d'une voix douce, mais teintée d'une certaine mélancolie.

Un silence s'installa. Phoebe sentit le poids des mots de Owen, comme si chaque phrase portait une signification plus profonde, plus sombre. Elle était venue pour chanter, pour une soirée parmi tant d'autres, mais les circonstances prenaient une tournure bien plus inquiétante qu'elle ne l'avait imaginé.

— Mais pourquoi moi ? demanda-t-elle finalement, ne pouvant réprimer la question qui la hantait depuis son arrivée.

Owen se pencha légèrement en avant, son visage s'assombrissant sous l'effet des flammes vacillantes de la cheminée.

— Parce que, mademoiselle, il y a des choses que seul le pouvoir de la musique peut révéler. Des secrets enfouis, des souvenirs oubliés... et peut-être, des âmes perdues qui attendent d'être libérées.

Le cœur de Phoebe se serra. Il y avait une gravité dans les paroles de Owen qui la bouleversait. Tout en lui, du ton de sa voix à l'intensité de son regard, la mettait en garde contre quelque chose qu'elle ne comprenait pas encore.

Avant qu'elle ne puisse poser d'autres questions, Owen se leva.

— Le concert aura lieu dans le grand salon, là où l'acoustique est la meilleure. Vous chanterez après le dîner, quand la nuit sera à son apogée. Les murs de Ravencroft n'ont pas entendu une mélodie depuis bien trop longtemps.

Sans attendre sa réponse, il sortit de la pièce, la laissant seule face au feu qui crépitait toujours. Phoebe, bouleversée par cette rencontre étrange, se demanda si elle n'aurait pas dû refuser cette invitation.

Pourtant, quelque chose en elle la poussait à rester, à découvrir ce que Owen attendait réellement d'elle. Et tandis que le temps s'écoulait lentement, l'inquiétude laissait place à une étrange excitation. Quelles vérités se cachaient derrière les paroles de Owen ? Quels secrets Ravencroft allait-il dévoiler cette nuit ?

Les ombres de la mélodieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant