Les ombres de la mélodie

Chapitre 16 : le reflet de l'ombre

Le lendemain de leur victoire au lac d'Argent, Phoebe se réveilla encore imprégnée des émotions et de l'intensité de la confrontation avec l'inconnu. Tandis qu'elle rassemblait ses pensées, une sensation d'inquiétude lui serra l'estomac. Quelque chose dans la manière dont l'homme avait parlé d'« équilibre » continuait de résonner en elle. Elle se demanda si la lutte entre la lumière et l'ombre était vraiment aussi simple qu'elle l'avait toujours cru.

Owen entra dans la chambre, le regard pensif. Il s'arrêta un instant en voyant Phoebe se préparer à la journée, puis s'approcha silencieusement.

— Tu y penses encore, n'est-ce pas ? demanda-t-il doucement.

Phoebe hocha la tête, sans cacher son trouble.

— Cet homme... Ce qu'il a dit. Peut-être qu'il y a plus dans cette histoire que ce qu'on nous a expliqué. L'équilibre ne se résume pas seulement à repousser les ténèbres avec la lumière, non ? Il faut aussi comprendre ce que ces ombres cachent.

Owen s'assit à côté d'elle sur le bord du lit, prenant doucement sa main dans la sienne.

— Je comprends ce que tu veux dire, dit-il après un moment de réflexion. Mais il faut rester prudent. Ce genre de pensée peut te mener dans des directions dangereuses si tu n'es pas assez forte pour garder ton centre. Rappelle-toi, Phoebe, la lumière te guide, mais les ombres peuvent parfois te séduire par leurs mystères.

Phoebe sourit faiblement, reconnaissant la sagesse dans ses paroles. Owen avait toujours ce talent pour ramener les choses à l'essentiel.

— Tu as raison, mais je sens qu'on nous cache quelque chose. Je dois en savoir plus. Et je pense que la réponse se trouve quelque part dans l'histoire des Gardiens.

— Alors allons chercher ces réponses, dit Owen avec un sourire encourageant. Nous sommes ensemble dans cette quête, tu te souviens ?

Ils se levèrent ensemble et se dirigèrent vers la bibliothèque de l'abbaye, un lieu rempli de vieux manuscrits et de connaissances millénaires accumulées par les Gardiens de la Lumière. La bibliothèque était une immense salle voûtée, ses murs recouverts d'étagères de bois sombre où s'empilaient des volumes anciens. L'air était chargé d'un parfum de parchemin et de cire fondue, créant une ambiance presque sacrée.

Elara les rejoignit, ayant deviné leurs intentions.

— Vous cherchez des réponses, n'est-ce pas ? demanda-t-elle calmement.

Phoebe échangea un regard avec Owen avant de répondre.

— Oui, Elara. Nous avons vaincu l'inconnu au lac, mais quelque chose me tracasse. Il parlait de rétablir un équilibre. Je veux comprendre ce qu'il voulait dire. Est-il possible que nous, les Gardiens, n'ayons qu'une partie de l'histoire ?

Elara les fixa longuement, comme si elle pesait chaque mot qu'elle allait prononcer.

— Les Gardiens protègent la lumière, c'est vrai. Mais l'équilibre est une notion complexe, Phoebe. Tu as raison de te poser ces questions, car l'histoire que l'on raconte n'est jamais complète. Certaines vérités sont enfouies dans les ombres... Parfois pour protéger les âmes trop fragiles pour les affronter.

Elle les guida vers une section plus reculée de la bibliothèque, un endroit rarement visité, où les manuscrits semblaient plus anciens et poussiéreux. Là, Elara sortit un livre relié de cuir noir et orné de symboles oubliés.

— Ce livre parle des origines des Gardiens et des Ombres, dit-elle. Il contient des récits que peu d'entre nous connaissent, et encore moins comprennent entièrement. Mais je te préviens, Phoebe, une fois que tu auras ouvert ces pages, tu ne pourras plus revenir en arrière.

Phoebe prit le livre avec une certaine appréhension, sentant le poids symbolique de cet avertissement. Elle le posa sur une table proche et, doucement, en ouvrit la couverture. À l'intérieur, les premières pages étaient couvertes de symboles étranges, des motifs entrelacés de lumière et d'ombre. Puis, des mots apparurent, écrits dans une langue ancienne que Phoebe n'aurait jamais cru pouvoir comprendre, mais qui, étrangement, résonna en elle.

— « Au commencement, il n'y avait ni lumière ni ténèbres. Seulement l'Équilibre, une force neutre et éternelle qui maintenait l'univers en harmonie... »

Phoebe se sentit immédiatement absorbée par le texte. L'histoire racontait la naissance des Gardiens de la Lumière, mais aussi celle de leurs opposés : les Ombres. Ces deux forces, loin d'être purement antagonistes, avaient été créées pour veiller ensemble sur l'Équilibre universel. Mais avec le temps, une séparation s'était faite, et les Gardiens avaient peu à peu oublié leur connexion à l'ombre.

— « Ceux qui marchent dans la lumière ont oublié que l'ombre est leur miroir... » murmura Phoebe en lisant, troublée.

Owen la regardait avec attention, percevant son trouble.

— Qu'est-ce que cela signifie ? demanda-t-il doucement.

— Je crois... Je crois que nous n'avons jamais vraiment compris notre rôle. Les Gardiens ne sont pas censés combattre les ombres, mais coexister avec elles, en maintenant l'Équilibre. Si nous ne comprenons pas cette vérité, nous risquons de déstabiliser le monde plutôt que de le protéger.

Elara hocha lentement la tête, confirmant les doutes de Phoebe.

— C'est pourquoi très peu d'entre nous osent chercher cette connaissance. La lumière est facile à accepter, mais l'ombre... Elle nous fait peur. Pourtant, tu dois comprendre, Phoebe : pour être une vraie Gardienne, tu devras accepter cette dualité en toi.

Le poids de ces révélations était immense. Phoebe ferma le livre, le regard plongé dans le vide, essayant de comprendre ce que cela signifiait pour elle et pour sa mission.

— Que faisons-nous maintenant ? demanda-t-elle à Owen et Elara.

Owen prit une grande inspiration.

— Nous devons continuer à chercher des réponses. Mais surtout, nous devons être prêts. Si les Ombres cherchent à rétablir cet Équilibre, nous devons comprendre comment les aider, pas simplement les repousser.

Elara les regarda avec une gravité nouvelle.

— Vous avez pris la bonne décision en venant ici. Mais soyez prêts, car le chemin que vous empruntez est dangereux. L'Équilibre est fragile, et ceux qui marchent trop près des ombres risquent parfois de s'y perdre.

Phoebe acquiesça, le regard déterminé.

— Je suis prête. Si c'est ce que signifie être une Gardienne, alors je dois l'accepter pleinement.

Owen serra doucement la main de Phoebe, lui offrant la stabilité et le soutien dont elle avait besoin.

— Ensemble, murmura-t-il. Nous affronterons ce qui vient ensemble.

Les deux quittèrent la bibliothèque, conscients que leur quête venait de prendre un tournant décisif. Phoebe savait désormais que sa lutte ne serait pas simplement contre les forces obscures, mais pour comprendre et rétablir un Équilibre plus complexe qu'elle ne l'avait jamais imaginé.