Un accord de La suspendu

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Les trois lycéens qui pénétrèrent dans la chambre manifestaient entre eux la familiarité propre à ceux qui ont grandi ensemble. Ils visitaient leur ami malade à l'hôpital : si l'inquiétude se lisait dans leur retenue de voix, elle était légère. Ritsuka additionna cette légèreté à la panique de Yuki, incapable de refermer son col, et paria qu'on ne leur avait pas communiqué la véritable raison de sa présence en ces lieux. Il imagina ce que dirait sa propre mère à ses amis dans la même situation : « un petit malaise », « se sentait faible, a été hospitalisé quelques jours », « une visite ? Bien sûr, cela lui fera plaisir. Attends quelques jours avant d'aller le voir, il se repose ». Quelque chose comme cela. Il tenta de disparaitre dans le mur.

Deux des garçons portaient un uniforme que Ritsuka avait souvent vu passer dans le quartier de sa supérette. Un blondinet gouailleur qu'il détesta cordialement de suite, et qui rentrait dans la chambre tel un camion dans un magasin de porcelaine, sans rien regarder, mais sans hésiter pour autant : « Yuki-chan ! Tu deviens fragile, tu nous fais des malaises, maintenant ? ». L'autre était un brun ténébreux qui semblait avoir un peu plus de jugeote. En tout cas, il saisit bien mieux la situation et tenta de retenir son ami avant qu'il ne soit trop tard, mais en vain.

Cependant, si la situation dégénéra dans des largeurs que Ritsuka n'avait même pas imaginées possibles aussi rapidement, ce fut du fait du troisième. Celui-là avait une tignasse roux clair et Ritsuka ne le reconnut pas à son uniforme, car son cardigan n'en respectait pas les codes, mais au fait qu'il l'avait croisé parfois dans les couloirs de son propre lycée. C'était un gars de la classe voisine de la sienne, qu'il n'avait jamais cherché à approcher, mais dont il avait noté la gueule d'ange. Il n'eut pas le temps de la détailler.

Les yeux du rouquin se posèrent sur le cou meurtri et il se figea un quart de seconde, avec une telle intensité que Ritsuka se demanda s'il n'avait pas transformé la pièce entière en bloc de glace. Sa réaction eut au moins l'effet positif de faire taire le blondinet insupportable avant qu'il ait achevé sa deuxième phrase d'écervelé.

Puis les yeux noisette se resserrèrent, le visage se contracta et Ritsuka se dit qu'à la place de Yuki il aurait voulu pouvoir reculer. Malgré l'évidence qu'il allait s'élancer, la violence de son mouvement surprit le guitariste autant que les deux autres, qui, pourtant, le connaissait depuis des années. Aveugle à toute autre présence, il se jeta littéralement un genou sur le lit, saisit le convalescent par le col, le souleva des oreillers avec une force qu'on ne lui aurait pas prêtée, l'attira à vingt centimètres de lui, et se mit à le secouer sans ménagement, tandis qu'un cri de peur viscérale solidifiée en colère explosait sur ses lèvres. Il avait les mâchoires si serrées que crier devait lui faire mal.

- Qu'est-ce que t'as fait ? Qu'est-ce que tu crois ? Qu'est-ce que tu crois ?

Son intensité était si écrasante que Ritsuka se sentit cloué au mur, incapable de bouger. Yuki, toute verve évanouie, se laissait faire et avait même fermé les yeux, une larme brillante au coin de l'un d'eux. Et l'autre continuait de le secouer en hurlant en boucle les mêmes mots impuissants, tandis qu'il tremblait de tout son corps.

Le blondinet frimeur et le ténébreux taciturne réagirent avant Ritsuka. Le premier tenta d'arrêter le roux avec à peu près autant de douceur que celui-ci, et aucune efficacité, si ce n'est de l'étrangler à moitié, ce qui ne l'empêchait pas de crier ; et le ténébreux essaya à son tour d'éviter que le blondinet ne suffoque le roux en voulant l'empêcher de blesser davantage celui qui était déjà mal en point dans son pyjama d'hôpital. Maintenant, le blondinet pleurait des torrents de larmes et la mâchoire du ténébreux paraissait de plus en plus crispée au fur et à mesure qu'il ne parvenait pas à arrêter ses amis.

Sur le sable, six empreintes (Given, fanfic)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant