XV: L'Orbe, le Sceptre et la Couronne

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Dereek


Ma foi, quelle redoutable petite tigresse ! Aucun autre mot n'aurait pu mieux s'accorder à la scène qui se déroulait sous mes yeux stupéfaits. La brunette s'élançait vers les toits d'une souplesse qu'elle cachait drôlement bien sous ses guenilles. Non pas une, mais bien deux lames se tenaient entre les doigts basanés de l'étrangère, l'une plus petite que celle qu'elle avait manqué de passer sous ma gorge, pas plus tard que la veille - l'impudente. Mais drôlement disproportionnées, si vous voulez mon humble avis ! L'homme qui avait innové ces babioles devait être bien ivre ce jour-là, à moins que ce ne soit qu'un manque profond d'inspiration...

Cela dit, ce n'était que de la folie. Une pure, complète, et irrémédiable folie. Quelle idée insensée, n'est-ce pas ? Ah, si seulement elle avait eu la courtoisie d'écouter mon brillant conseil. Mais non. Non. Elle s'élança comme un deuxième volatile dans la nuit, et moi, toujours gentleman, j'aurais voulu la rattraper dans sa course – à mon rythme, évidemment. Mais oh, hélas, en vain. Mes talons torturés par tous les services rendus à ces pleutres ne le supporteraient pas. Elle filait déjà, plus rapide qu'un fauve en pleine chasse, grimpant vers le clocher avec cette grâce typique des êtres trop imprudents pour se rendre compte que la solution se nommait Dereek Von Trunkel.

Pas la peine de nous prendre de haut en essayant de montrer ses prétendus talents d'assassine de... oui, vous savez, d'Amalya. Peu importait le prestige de ce lieu, ma demeure en valait bien dix. Oh oui, aisément. Allez-y, demandez-moi d'en faire autant qu'elle ! Mes doigts habiles se seraient merveilleusement suspendus à la pierre en un rien de temps. Un peu de volonté, un soupçon de potion, et le tour était joué. En rajoutant une dose de potion. Une bonne dose de potion de force. Disons deux. Trois. Quoi ? Elle aussi avait certainement triché avec ce breuvage.

Ce n'est pas pour rien que mes talents sont réservés à des tâches moins rudes. Exposer mes somptueuses étoffes de Kniga, et ce corps, fantasmé du monde entier, à la sueur d'un rude entraînement ? Jamais.

Enfin, peu importait ! Où était donc le plan dans tout cela ? Où était cette stratégie brillante, méthodiquement calculée, qui aurait dû régir une telle opération ? Rien ! Absolument rien ! Ah, notre cher acolyte à l'absence notoire de chevelure, lui, il était doué pour gesticuler face à d'autres bipèdes, pour compenser sa taille par ses grands airs. Toujours prompt à prendre de la place, toutefois... où était-il maintenant, lorsqu'il aurait fallu user de cette si grande autorité avec laquelle il exerçait ?

Par ma douce intelligence, il était là, le bougre ! Juste là, devant moi. Près d'une silhouette, que dis-je, d'un désastre à venir. Si doux, mais un désastre tout de même.

"Jamais elle ne l'atteindra... Je dois l'aider !" s'écria une douce mélodie à mes oreilles.

Je me sentais presque insulté par l'univers lui-même. En secouant mes ondulations blondes vers cette charmante créature avec un teint de porcelaine et des yeux vaguement rêveurs... Que voyais-je entre ses doigts ? Pas mes nobles attributs, à mon plus grand désarroi. Ce fut un arc, mes amis, un arc !

Au nom de toutes les sciences et de la raison elle-même, pourquoi donc cette ravissante enfant de la nature déciderait-elle de manier une arme aussi rustique ? D'abord, cette toge qui ressemblait à un assemblage d'écorces, et maintenant... ça ! Bien sûr, à quoi pouvais-je m'attendre d'une habitante des feuillages assoupie dans des vasques de boue depuis... depuis combien de temps, déjà ?

Oh, et puis fichtre. Je n'étais pas insensible à la lumière lunaire qui faisait scintiller ses lèvres avec une certaine grâce, mais tout de même, quel spectacle affligeant. Ah, qu'il était difficile de ne pas lâcher un soupir !

A l'encre de notre sang - [Aria JDR]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant