le retour de Ma'

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Le pavillon arc en ciel monte et descend. Ma poitrine se gonfle. Elle arrive. Je pousse Mamette dans la voiture. Il y a foule sur le port de plaisance.
Elle doit pester après les canots qui gênent les manœuvres d'accostage, j’ attrape les cordes d'amarrage avant de sauter dans le Pride.
– Ma’... Ma’...

– Laisse-moi respirer…

Les spectateurs nous la volent, l’ acclament. La première femme a être rester en mer si longtemps sans escale.
Quasiment sans ravitaillement.

Elle finit lovée dans les bras de Pa’. Ce qui me paraissait évident, ordinaire, devient de l’ extraordinaire.
La puissance de leur amour. Il est capable de la laisser partir, d’être sûr de son retour, de l'accueillir sans reproche, de l’ accepter telle qu’elle est. Elle sait se nourrir de cet amour. Elle lui apporte le vent du lointain, la folie joyeuse, la légèreté.
Ils me tendent les bras. Ils ont toujours partagé avec moi. Toujours.

– Où es….

– Chuttt.

Pa’ nous écrase contre lui.

– Mais…

– Chuttt, plus tard… 

Je tends la main pour attirer Mamette avec nous.

– Maman… tu nous as tellement manqué.

Elle a un hoquet..

– Putain… tais toi… redis le.

– Maman…Ma’ maman….

On renifle tous les quatres.

                                      ******

– Mamette, tu fais le meilleur farz de la terre.
Bon… Kevin ?

Lui dire, lui raconter. Elle n’y croit pas.

–Tu es sûr qu’il n’ a pas eu un empêchement ? Un accident ?

Je sors la lettre de rupture de mon portefeuille.
Elle ne veut toujours pas l’ envisager.

– Tu n’ as pas trop bonne mine . Tu devrais faire des examens,un bilan.

– Pa’ ne change pas de sujet !

– Maman…s’il te plaît.

– Ces deux gars n’ont pas voulu de ton dessert préféré. Ils disent qu’ après des mois de malnutrition, un farz suffisait, tu n’ as presque pas mangé.

En reniflant de mépris, l’ aïeule dépose un far aux pruneaux  au centre de la table. Accusatrice. Sans crème. Et moitié moins de sucre !

Notre navigatrice soupire.

– Ils ont raison , ma très chère. Je n’ ai plus faim.

D’habitude Ma’ dévore, picole avec ses amis du port pour fêter la victoire.

– Tu as maigri.

– Tâte, tu vas voir si j’ ai maigri.

– Non

– Quoi? tu ne veux pas tâter ?

– Ya plus rien à tâter .

Indignée, elle lui flanque une gentille tape.

Là où l’ enfant ne voyait que moqueries, l’ amant voit le jeu amoureux.

– On devrait rentrer.

Ils sortent de leur bulle, se lèvent.

– Attendez un moment, nous ordonne Mamette.

Un torchon à carreau rouge et blanc enveloppe le gâteau, elle verse du bouillon, la riche garniture dans une toupine. Le tout dans un grand panier d’osier.
Pas de plastique chez elle.
Je le cale dans le coffre.
Je me penche à la vitre de Pa’.

PrideOù les histoires vivent. Découvrez maintenant