La méchanceté est gratuite. Le soir même où Ilana m'a dit que je faisais "bébé", j'ai demandé à maman d'aller acheter de nouveaux vêtements. Pas des jean larges et des T-shirts dix fois trop longs, mais des robes et jupes un peu moins enfantines. Quand elle a obtenu son jour de congé, nous sommes allées acheter une jupe en jean noire et un pull à rayures qui allait avec. C'est très joli.
Le lendemain, j'ai mis cette tenue pour aller à l'école. En français, nous sommes allés au CDI. J'étais heureuse de l'achat de mes nouveaux vêtements.
J'ai écouté la prof documentaliste nous expliquer le travail, puis je me suis levée pour aller à un ordinateur. Une fille qui s'appelle Léa m'a dit :
- Oh, mais tu portes un collant, en-dessous !
Ce n'était pas un collant, parce que j'ai une fâcheuse tendance à les filer, mais un leggings noir. Mais passons.
- Oui, bien sûr.
- Heureusement. Déjà que ta jupe est courte...
Blanc. Elle est si courte que ça ? Maman a pourtant validé mon choix...
- Tu es vraiment une p*te !
Elle et ses amies éclatent de rire. Je n'aime pas ce groupe. Elles ont toutes cet air arrogant et perfide. Je suis à nouveau humiliée. Génial.
Je ris nerveusement, pas certaine de si je dois plutôt rie ou pleurer. Qu'est-ce que ça signifie, le mot "p*te" ?
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J'adore les cours d'arts plastiques. Ilana déteste ça, comme beaucoup d'élèves, mais moi, j'ai toujours aimé peindre ou dessiner et toutes les activités manuelles. Je recevais souvent des activités créatives pour mon anniversaire et Noël, petite, parce que j'adorais ça. J'aime pouvoir m'exprimer autrement que par des mots, parce que je ne suis pas douée avec.
Donc, même s'il y a des règles à respecter et que ce n'est pas libre en cours d'arts plastiques au collège, on peut s'exprimer librement, ce que je trouve formidable. C'est un moment de détente parmi toutes ces matières. Chaque travail est évalué, mais c'est différent d'une évaluation de français ou de maths (ou autre).
La prof nous demande de ranger la matériel, ce que nous faisons dans un joyeux brouhaha. Je n'aime pas le bruit. Mais on n'a pas toujours ce que l'on veut, dans la vie.
Je range ma peinture dans mon sac et vais laver mes pinceaux. La prof ne nous demande pas de de nettoyer les tables car, comme nous sommes le dernier cours du mercredi, les femmes de ménage passent après nous.
Moi, je ne suis jamais pressée de partir, le mercredi, parce que je n'ai pas à aller chercher Isobel à l'école, comme elle ne travaille pas le mercredi matin.
Je reste donc faire le ménage dans la salle d'attente plastiques avec les femmes de ménage. C'est un moment que j'apprécie particulièrement. Faire le ménage en frottant les tables pour retirer les tâches de peinture me détend également. Un peu comme si je me nettoyais moi-même. Et là, je frotte avec énergie pour me débarrasser de ce que j'ai entendu ce matin au CDI, parce que même si je ne sais pas ce que ce mot signifie, je sais que ce n'est pas gentil.
La prof m'interpelle soudain.
- C'est bon, Olariane, tu peux y aller.
Elle me sourit, et je rassemble mes affaires avant d'enfiler mon manteau et mon foulard.
- A la semaine prochaine !
- A la semaine prochaine, Olariane !
Je sors de la salle de classe et referme la porte derrière moi. Je descends les escaliers et me dirige vers la grille, encore ouverte. Soudain, je me fige. Sur le trottoir d'en face se tient Lic et sa bande.
- Eh, Olariane ! Ça y est, tu as fini de jouer à la femme de ménage ? Tu t'entraines pour le futur ? Ce sera ça, ton métier, plus tard ? Faut bien que tu viennes en aide à ta mère, elle est toute seule pour élever une dégénérée et une fille qui ne sait pas articuler deux mots !
Je fais volte-face.
- Qu'est-ce que tu viens de dire ?
Nous nous tenons face à face. Je suis seule, alors que sa bande de copains patiente derrière lui.
- Tu as très bien entendu.
Soudain, il se rapproche et saisit mes lunettes, qu'il lâche sur le sol. Le verre se casse, et les branches se tordent. Mes lunettes... Elles n'étaient pas neuves, mais elles étaient jolies ! Et ma mère me les avait payées alors qu'elle ne gagne pas beaucoup.
- Tu es vraiment un...un...un...
- Un...un...un..., se moque Luc en militant, prenant une voix aiguë.
Mes joues me brûlent. Je saisis mes lunettes cassées et m'enfuir en courant sous les rires de Luc et ses amis, humiliée une nouvelle fois.
Et le pire, c'est que je sais, tout au fond de moi, que ce ne sera pas le dernière.
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Si tu pleures sous la pluie
Novela Juvenil[HISTOIRE COURTE SUR LE HARCÈLEMENT ET LES CONSÉQUENCES QUI PEUVENT S'ENSUIVRE.] Olariane fait sa rentrée au collège, en classe de 6ème. Nouvel établissement ; des changements apparaissent à l'horizon ! Mais Olariane commence à se faire harceler... ...