Chapitre 9

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Louise


Paris, 1920

   La vie est soudainement meilleure, elle me paraît plus belle et digne d'être vécue. Moi et mon faux bébé allons vivre cette vie de la plus belle des manière : en souriant.

   Le mensonge de ma grossesse me redonne foi en la vie. Comme si cette dernière m'avait trahie mais que j'acceptais enfin la main qu'elle me tend et que ma confiance en elle s'accentue.

   Je suis dans ma chambre, la porte fermée à clé, je danse pour exprimer ma joie. Marie m'a dit que la danse était un bon moyen de se sentir mieux, qu'Angeles le lui avait prouvé.

   Mes yeux clos, je vois un monde imaginaire. Dans ce monde aux couleurs vives ou pastels, les gens ne sont pas traumatisée par la guerre, tout le monde est égaux - peu importe la couleur de peau, le sexe, la religion, les avis politique etc - aucun mari ne frappe sa femme qu'il aime tant.

   Je souris et lève haut les bras de manière à ce que je ressemble à une fleur en plein été, puis je me déhanche lentement, suivant le rythme du silence. Je m'étire et tourne sur moi même.

   En ouvrant les yeux, je découvre mon reflet dans le miroir. Mon sourire se dissipe en découvrant mon visage bleuté. Je me mord la lèvre pour ne pas pleurer et je détourne le regard.

   A quoi sert de se torturer en regardant ce à quoi nous ressemblons après avoir été torturés ?

   Je soupire et je me regarde une seconde fois pour pouvoir trouver ce qui est beau chez moi pour oublier ce qui est hideux. Je suis trop grande, trop pâle, trop blonde, trop grosse. Trop. Je n'ai pas de juste milieu, je suis juste trop.

— Trop bleutée...m'avoue-je à voix haute.

   Je relève une manche de ma robe rose pâle et je grimace en constatant la couleur de mon bras.

— ...vraiment trop.

   Je secoue la tête comme si cette action éloignait les mauvaises émotions. Après tout, pour profiter des émotions qui sont agréables et bénéfiques, il faut connaître celles qui sont terribles, qui nous rongent depuis l'intérieur jusqu'à ce que notre âme nous délaisse.

   Je n'aime pas supposer sans vraiment savoir mais...je pense qu'Angeles se fait manger. Elle est si vide, si morte. Je ne sais pas ce qui la tue, mais elle agonise depuis longtemps.

   Je me demande ce que signifie notre groupe d'amies. Nous ne nous disons rien, nous cachons nos secrets au fond de nous pour cacher la vérité à soi-même, seulement, en faisant cela, nous la cachons ainsi à ceux qui peuvent nous aider.

— Mon amour, crie une voix grave.

   Je fais craquer ma nuque, j'essaye différents sourires dans le miroir pour prendre celui qui me parait le plus convainquant, et je sors souriante de ma chambre.

— Tu veux bien me préparer un café puis me l'apporter ?

— Tu m'as seulement appelé pour ton café ?

   Il me lance un regard interrogateur en fronçant les sourcils.

— Tu voudrais que je t'appelle pour quoi d'autre, là, maintenant ?

   Je tente de ne rien répliquer pour ne pas l'énerver mais c'est si dur. Il ne me considère même plus comme sa femme.

— Je ne sais pas, peut-être pour une chose qui ne fait pas de moi ton esclave ?

   Il murmure quelque chose d'inaudible et se lève de son fauteuil - un fauteuil où personne mis à part lui ne peut poser une partie de son corps dessus - avec un sourire en coin.

L'ombre des nuits parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant