Audrey
Paris, 1920
Mon refuge, depuis environ deux ans, c'est ce petit café aux couleurs automnales.
Je m'y rend souvent en compagnie de mes trois meilleures amies, comme aujourd'hui. J'aime aussi parfois m'installer au fond, seule, et rêver. Je scrute les visages des personnes assises autour de moi, j'essaye de comprendre pourquoi est ce que les clients de ce café viennent. J'ai récemment découvert qu'un jeune homme venait s'installer au fond pour observer une femme qui vient regulièrement avec son fiancé. Ses yeux sont larmoyants et remplis d'espoir mais c'est malheureusement pour lui un amour impossible. Certains viennent seulement entre amis pour se tenir au courant des histoires du moment et d'autres aiment faire comme moi.
- Audrey ? demande Louise, ce qui me fait sortir de mes pensées.
- Excusez-moi les filles, j'étais coincée dans ma tête.
- Tu rêvasses tellement que tu as oublié de porter ton nouveau chapeau que tu devais nous présenter aujourd'hui, me rappelle Angeles.
- Figures-toi que je l'ai perdu hier soir. C'était la première fois que je le mettais.
- Félicitation ! se moque Angeles.
- Vous parliez de quoi ? Juste avant, demande-je.
- Des tristes disparitions qu'il y a eu au alentours. C'est deux femmes qui travaillaient en tant que courtisane à ta maison close, m'explique Louise.
- Quel hasard quand même ! s'exclame Marie.
- C'est vrai que c'est une triste histoire. J'espère qu'elles seront retrouvées.
- Tu ne sais pas quelque chose par rapport à cette histoire Audrey ? Tu sais...comme tu gères la maison close, me questionne Louise.
- C'est avant tout un bar. Mais non, je ne sais rien, autrement j'aurais couru informer les autorités.
Un silence vient s'installer à notre table, créant une bulle à l'intérieur de ce café bruyant. J'ai même l'impression d'avoir ma bulle à part. D'être enfermé dans un vide immense.
Mes amies reprennent la discussion mais je n'entends plus rien, je suis comme coupé du monde. Je cherche à crier pour demander de l'aide car je n'arrive plus à respirer correctement mais aucun son n'arrive à se former ni à sortir. Ma poitrine se soulève soudain très rapidement et mon corps devient moite.
Je me lève brusquement et cours me réfugier aux toilettes. En me dirigeant vers un coin tranquille pour me calmer, j'entends Marie se lever à son tour puis Louise lui demander de se rasseoir car j'ai besoin d'être seule. Elle a raison, j'ai besoin de me retrouver seule avec moi-même et de me calmer.
J'ouvre la porte des toilettes et me dirige vers les lavabos. Je m'humecte le visage et m'accroupis en essayant de reprendre une respiration régulière.
Je sens que de nombreuses larmes demandent à s'échapper de mes yeux. Je les laisse faire et je pleure bruyamment. Je me sens si faible d'avoir laissé cette angoisse m'envahir, comme une vague sur la plage qui efface le sable, l'angoisse a effacé mon courage.
C'est alors que la porte s'ouvre brutalement. Un homme entre, me surprenant en pleine crise. Cela me rend furieuse. Autre le fait qu'il rentre dans des toilettes pour femmes, il ose me scruter sans un mot pendant que je suis en pleine détresse.
- Mademoiselle, vous êtes dans les toilettes pour hommes, dit-il d'une voix calme.
Les mots résonnent dans ma tête. Les toilettes pour hommes. L'angoisse était si forte qu'elle m'a fait passer pour une idiote. Peut-être est-ce faux ?
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L'ombre des nuits parisiennes
Misteri / ThrillerAprès la guerre, en 1920 à Paris, tous pensaient pouvoir revivre normalement, malgré les traumatismes créés durant cette terrible période et ces étranges disparitions de ce bar : Nuits parisiennes. Audrey, qui tient cet établissement, avec son espri...