Chapitre 5

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George-Alexandre

Paris, 1920

   Le bar vient d'ouvrir et je suis parmi les premiers à m'installer dans la pièce. Ce soir, je ne me détendrai pas comme les clients autour de moi, j'ouvrirai les yeux, j'observerai et j'attraperai.

   J'ai bien compris le système de ce bar. Il y a une heure ou certains clients s'en vont, laissant les plus fous à la merci des courtisanes. Je ne pourrais malheureusement pas rester jusqu'à ce que la maison close ouvre car si on remarque que je ne vais dans aucune chambre et que je fixe tout le monde, on découvrira que je suis sous couverture.

   Chaque personne me paraît suspecte, les clients, les danseuses et même les employés. Surtout elle, cette femmes au cheveux bouclés, brun et court qui encadre son visage clair et fin. C'est étrange de la croiser si souvent, et si elle était mêlée à mon enquête ? Elle m'inquiète tout autant qu'elle m'attire. Ses lèvres roses et pulpeuses et ses yeux verts m'ensorcellent.

   Je la regarde accueillir un groupe d'amis et j'aime voir sa bouche créer des sons sans les entendre, j'essaye alors de les imaginer. "Bonsoir, comment-allez vous ?" Je ne suis pas certain de la phrase entière mais elle à surement dû dire bonsoir. Son corps mince et grand se déplace et j'ai l'impression d'assister à un spectacle de danse tellement chacun de ces pas est contrôlé et beau à regarder.

   Je devrais arrêter de penser à elle et m'intéresser aux disparitions de ce bar. C'est étrange de voir qu'aucune personne présente ici ne s'inquiète des courtisanes qui manquent à l'appelle. Du moins je n'en ai pas l'impression.

   C'est la deuxième fois que je me rends dans ce bar et je constate que l'ambiance est étrange. Les gens rient, boivent, parlent, dansent, courtisent, embrassent et couchent lorsque le bar ferme. Pourtant, l'ambiance est étrange et empêche qu'on se sente à l'aise. Peut-être est-ce juste mon ressenti car je ne viens pas ici en tant qu'honnête homme ?

   Je jette un coup d'œil pour vérifier la présence d'Audrey mais je ne la vois pas.

   Une jeune et belle femme arrive devant moi, souriante.

— Bonsoir, voulez-vous boire quelque chose ?

— Bonsoir, du cognac s'il vous plaît.

   Elle ne dit rien ni ne se déplace, elle reste immobile devant moi, le sourire aux lèvres.

— Tout va bien, demande-je.

— Oui...

   Elle se retourne et commence à marcher en direction du bar puis revient rapidement vers moi.

— Que m'avez vous demandé, je suis désolée je ne me souviens plus.

— Pas de soucis, cela arrive. Je vous ai demandé du cognac.

— Je retiens cette fois, encore désolée ! Et je suis célibataire...finit-elle en rougissant telle une tomate avant de s'enfuir.

   Je me mets discrètement à rire et m'arrête en remarquant que cette femme a perdu son sourire en voyant arrivé une autre femme un peu plus agée vers elle.

— Tu parles aux noirs maintenant ? s'énerve-t-elle.

— Je...y-a-t-il un p-problème ? bégaye la jeune femme.

— Ne t'approches plus de moi.

   Je suis indigné face à de telles paroles. Je suis même sûr qu'elle est fait exprès de parler fort de manière à ce que je l'entende.

   Audrey apparaît, le visage sévère.

— Un problème, les filles ? demande-t-elle.

— Effectivement ! C'est que Marine est allé parler à cet homme, tu sais... un Negro.

L'ombre des nuits parisiennesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant