J'avais pu enfin m'extraire du lit le lendemain, et de la chambre deux jours plus tard.
J'avais passé plusieurs jours dans un état fiévreux qui m'avait laissé sans force. Cet état était dû à mes vêtements inadaptés à un voyage a cheval a travers le pays en plein automne disait on.
J'avais pris le temps de faire une toilette poussée, l'avant et brossant mes cheveux, les coiffant, utilisant le maigre pot d'onguant que j'avais pu emmener dans mes besaces pour modeler un peu mon visage avant de rencontrer le personnel du château. J'avais ensuite plongé dans les fripes que m'avaient laissé les deux bonnes.
C'est sur ma mine déconfite face aux haillons extraits des sacoches que Molly m'avait rejoint et m'avait désigné deux grosses malles qui avaient été descendues des greniers sur ordre de lord Emlyn, "en attendant mieux".
J'avais alors découvert un tas de robes de bonne qualité mais usagées.
"Ce sont celles de la défunte lady Emlyn"
"Defunte?"
"Il l'a... Elle ... Est morte il y a de cela quelques années" avait confirmé Molly
"Assassinée par son mari!" Avait ajouté une seconde bonne qui était venue aider à vider la baignoire.
"Comment!?"
"Cesse Lucie ! Tu vas faire peur à madame!" Avait coupé Molly "n'écoutez pas les bêtises que colportent le personnel..."
Lucie baissa les yeux et maugréa pour elle même : "elle se rendra bien compte que ce château est hanté par lady Emlyn !"
Ma bouche s'était décrochée et je regardais les deux femmes, interloquée.
J'avais ensuite regardé avec dépit les vêtements étalés sous mes yeux.
J'avais le choix entre les vêtements de bonne qualité d'une morte ou les haillons des maîtresses de mon père...
Tant qu'à être humiliée, autant prendre ceux de bonne qualité et les plus élégants.
...
"Montrez-moi le château" j'avais demandé à Molly, une bonne heure plus tard.
"On ne fera pas tout aujourd'hui, vous êtes encore fatiguée..." Dit-elle en se dirigeant vers la lourde porte.
Molly m'escorte à travers les couloirs. Il fait sombre et humide ici, plus que dans la chambre où je me trouve depuis plusieurs jours. Nous descendons un escalier étroit en Colimaçon.
Elle commence par les cuisines, tout en bas, sous terre comme souvent, pour préserver la fraîcheur des aliments.
Ici au moins, il ne fait pas froid et humide.
Il y a quelques bonnes qui discutent dans un coin en épluchant quelques légumes, assises sur les longs bancs qui entourent la longue table et qui s'inclinent à mon entrée, soudain réduites au silence.
La pièce manque de beaucoup d'équipements, je note en silence, dans un coin de ma tête, et il semble manquer également du personnel.
On remonte au rez de chaussée, où Molly m'indique mollement la direction de la salle d'armes, des écuries, de la basse cour et d'autres pièces devant lesquelles on passe sans y entrer.
La maisonnée semble perclue de coups de vent, d'humidité, de saletés. Par endroits, il y a des meubles cassés entreposés, des tentures abîmées, effilées, des rideaux arrachés. Nous continuons jusqu'à une grande salle, déserte. Il y a des fauteuils en bois datés, aux coussins poussiéreux. Les poutres et le grand chandelier sont couverts de poussière et de toiles d araignees. Seigneur, depuis combien de temps personne n'avait fait le ménage ici...? Je comprends pourquoi la bonne parlait de maison hantée...
Molly me pousse gentiment vers la chambre.
"Il ne faut pas trainer trop longtemps par ici... Vous pourriez attraper la mort... Allez donc vous mettre au lit lady Emlyn..."
Une fois dans la chambre, elle referme la lourde porte en bois sur moi, me laissant perplexe.
Demain.
Demain, j'explorerai davantage le fort pour comprendre d'où vient ce mythe de la malédiction...
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Série HISTORIQUE. Tome 2. Le Pire Parti
Fiction HistoriqueMahaut vit dans une région reculée des Highlands sous la coupe d'un père sévère. Lorsque ses maîtresses lui conseillent de marier bien vite la jeune fille, elles lui glissent un nom. Il est le pire parti que Mahaut puisse espérer. Quelques jours plu...