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A mon réveil, les hommes échangent dans une langue inconnue, je prête l'oreille, tentant de reconnaître les sonorités mais sans succès. Je bouge un peu pour trouver une meilleure position et je sens un bras me ramener contre le torse de Ronan.

Encore quelques minutes et je glisse ma main par la fente de la cape pour en faire sortir mon visage. Ronan ne me jette pas le moindre regard. Sa mâchoire couverte de barbe sombre est contractée et je perçois la pulsation cardiaque par la veine de son cou massif. Le paysage a changé, il fait plus sombre et la route est dégagée. Il y a une forêt dans le lointain et les hommes semblent vouloir s'y diriger.

"Est ce qu'on est encore loin de votre demeure?"

Ronan baisse les yeux et fronce les sourcils. Il ne me répond pas. Arrivée en lisière de forêt, Simon sauté de son cheval et s'approche de nous.

"Avez vous besoin d'aide?" Demande Simon, mais Ronan saute du cheval et me fait descendre sans mal. Il retire sa cape et m'enveloppe dedans.

En quelques minutes, un bon feu flambe dans l'atre de fortune et je m'installe devant en tendant les mains. Cette fois, Ronan a attrapé un faisan et les hommes le font rôtir au bout d' une pique. Je dévore ma part à belles dents sans broncher, puis Ronan désigne le couchage à ses hommes.

"Installez vous sur ma paillasse"

"Non, je ne veux pas ..."  Je balbutie, affreusement gênée, en ôtant sa cape pour la lui rendre.

"Il y en a toujours un qui veille, il n'a pas besoin de sa paillasse. Nous décalerons après chaque quartier, c'est tout. Prenez ma couverture aussi..."

"Je... Je n'arrive pas a dormir..."

"Comment ça?"

"J'ai peur... J'écoute les respirations de vos hommes, et j'ai peur de ce que la forêt pourrait abriter..."

"J'ai une confiance aveugle en ces trois hommes "

"Mais..."

"Vous avez dormi tout a l'heure..." Dit il en remuant la braise. Il n'a pas éteint le feu cette fois, probablement parce qu'on se rapproche de ses propres terres.

"Je... Me sentais en sécurité"

Ronan s'installe devant la braise et  ouvre sa cape et je le regarde, immobile.

"Venez donc ici" dit il, sans façon.

"Quoi?"

"Venez dormir ici"

Je fais un pas timide, puis un deuxième, et quelques secondes après, je suis pelotonnee avec lui sous la cape.
Ronan a le regard perdu au loin et ne m'adresse pas la parole. Les souffles des hommes sous les pins s'apaisent vite et sont remplacés par des ronflements très vite.

Après un long silence, il déclare brusquement: "avec un peu de chance, nous arriverons demain soir tard"

"Oh. Votre maison doit vous manquer terriblement" je dis, avec compassion . Après tout, ce voyage, a été deux fois plus long pour eux, car ils ont dû venir me chercher d'abord...

"Non. Je déteste cet endroit" dit il sèchement, me faisant taire, jusqu'à la fin du quart, où il m'entraîne vers sa paillasse, secoue le voisin, et m'installe avec lui, sous la couverture et sa cape.

Série HISTORIQUE. Tome 2. Le Pire Parti Où les histoires vivent. Découvrez maintenant