Chapitre 24

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Comme prévu, nous rejoignîmes le village de Kai au crépuscule.

À peine arrivés, il nous conduisit jusqu’à une petite cabane où il avait préparé un paquetage contenant diverses reliques, breloques et objets enchantés. Il se déplaça avec assurance, connaissant chaque recoin de l’endroit, et sélectionna des armes et des talismans avec soin pour chacun d’entre nous.

Il tendit un arc orné de motifs sombres à Ashtreid, expliquant qu’il avait autrefois appartenu à un chien des Isiriis. Ashtreid sourit en acceptant l’arme, ses doigts caressant le bois poli. À Bjorn, il confia une hache ensorcelée, son manche gravé de runes anciennes. "Elle te répondra si tu lui parles", précisa Kai avec un clin d’œil, amusé par la surprise dans le regard de Bjorn. Enfin, il remit à Robin une paire de longs sabres aux lames finement travaillées, forgées dans un acier aux reflets argentés.

Mais lorsque je m’avançai timidement pour en recevoir un à mon tour, Kai secoua la tête. "Rien pour toi, Amara," dit-il, presque solennellement. Voyant mon air déçu, il ajouta : "C’est pour ta sécurité."

Nous passâmes ensuite chez la famille de Kai. Ils accueillirent Robin avec une chaleur débordante, l’enlaçant comme une fille prodigue de retour au foyer. Nous autres fûmes également bien reçus, chacun accueillant les étrangers avec curiosité et respect. La famille de Kai, pleine de vie et de bonne humeur, nous invita même à la fête du village qui se tenait ce soir-là, une tradition locale célébrant la fin des moissons.

Le soleil plongea lentement derrière les collines, et, à mesure que la nuit s’installait, le village entier se métamorphosa. Des torches furent allumées un peu partout, et des feux de camp brillèrent dans chaque recoin de la place centrale, où les habitants se rassemblèrent pour festoyer.

La musique démarra, un mélange envoûtant de percussions et de flûtes, accompagné des voix des villageois qui chantaient avec une énergie brute. Des tables furent dressées autour des foyers, chargées de plats rustiques et de boissons locales, dont le goût puissant et légèrement épicé réchauffait dès la première gorgée.

Les villageois dansèrent, formant des cercles autour des feux, leurs mouvements synchronisés et exaltés, imprégnés d’une tradition ancienne. Ashtreid, Robin, et même Bjorn furent vite entraînés par la foule, se laissant porter par l’ambiance festive, leurs rires se mêlant à la musique et aux chants. Kai, lui, s’amusa à jongler avec des torches enflammées, provoquant des acclamations émerveillées auprès des enfants à chaque figure acrobatique.

Mais moi, je restai en retrait, incapable de me libérer de mes tourments. J’observai la scène, ressentant un décalage profond entre l’euphorie ambiante et mon état mental actuel. Mes pensées tournaient autour d’Elior et de la famille, leur absence creusant en moi une rupture douloureuse, laissant un vide profond.

C’est dans ce moment de solitude que j’entendis des pas approcher. Je levai les yeux et vis Ashtreid, qui s’était frayé un chemin à travers la foule jusqu’à moi. Elle s’installa à mes côtés, un sourire bienveillant aux lèvres.

— Belle soirée, n’est-ce pas ? dit-elle d’une voix douce.

J’acquiesçai distraitement. La jolie rousse observa mon visage un instant avant de reprendre.

— Tu ne sembles pas profiter autant que les autres.

Je baissai les yeux, jouant nerveusement avec le tissu de ma tunique. "C’est… compliqué."

Elle se rapprocha légèrement, créant une bulle de calme entre nous au milieu de la fête. Après un moment, elle reprit :

— Tu n’es pas obligée de tout garder pour toi, Amara. Parfois, partager apaise les tourments.

Hésitante, mais touchée par sa sincérité, je laissai échapper quelques-unes de mes pensées. Je lui parlai d’Elior, de cette blessure ouverte, de la peur omniprésente de ne pas être à la hauteur, et de ce sentiment d’impuissance face à mes propres pouvoirs.

Ashtreid m’écouta en silence, ses yeux fixés sur les flammes qui dansaient devant nous.

— Tu sais, dit-elle enfin, sache que tu n’es pas seule. Nous sommes là, avec toi. Et même si le chemin est difficile, nous partageons un but commun à présent.

Ses mots réchauffèrent mon cœur, dissipant brièvement le poids de mes doutes.

Elle me sourit doucement, tendant sa main vers moi.

— Viens, dansons. Ce soir, laisse les ombres derrière toi. Juste pour un moment.

Je pris sa main, et ensemble, nous rejoignîmes les danseurs, et, pour la première fois, je me sentis enfin prête à lâcher prise, même si ce n’était que pour une danse, pour une nuit éclairée par le feu et les étoiles.

J’étais prête à me laisser du temps.

The Fallen Heiress Où les histoires vivent. Découvrez maintenant