Mensonge

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Le silence de la forêt est presque absolu, brisé seulement par les pas précipités de Deaton qui fend les sous-bois, guidé par une sombre intuition. Son cœur tambourine, l'inquiétude dévorant chacune de ses pensées. Lorsqu'il aperçoit enfin Erine, allongée sur la souche du Nemeton, son visage pâle éclairé par les reflets argentés de la lune, son souffle se coupe.

Il s'approche d'elle, son cœur battant douloureusement dans sa poitrine. Là, allongée sur la souche du Nemeton, Erine semble d'une fragilité insoupçonnée, comme un souvenir brisé de cette nuit tragique. Il s'agenouille à ses côtés, ses doigts trouvant le faible battement de son pouls. Elle est glacée, immobile et inconsciente, son souffle à peine perceptible dans l'air froid de la nuit.

Deaton l'enveloppe dans sa veste et la soulève avec précaution contre lui, son esprit agité par un tourbillon de pensées. Il tente de repousser l'angoisse qui grandit en lui, mais ce n'est pas la première fois qu'il la retrouve ainsi, vulnérable, entre la vie et la mort. Elle est sa nièce, mais au fond, elle est bien plus que cela. Tout le long du trajet du retour, il jette des regards inquiets vers elle, ses soupçons se mêlant à ses souvenirs.

Erine est la seule rescapée de cet accident qui a emporté ses parents dans des circonstances jamais vraiment élucidées. Une partie de lui n'a jamais cessé de se questionner sur ce qu'il s'était réellement passé cette nuit-là, sur ce que les autorités ont qualifié de simple tragédie. Mais en observant Erine aujourd'hui, une sensation familière et troublante l'envahit, un pressentiment qu'il refuse de nommer, comme une vérité qu'il n'est peut-être pas encore prêt à accepter.

En la voyant ainsi, il doit agir vite, il le sait. Ramener Erine chez lui est le meilleur choix qui s'offre à lui. Là où elle pourra être en sécurité, loin des regards curieux qui pourraient poser des questions s'il la ramenait à la clinique.

Accélérant le pas, il se promet de veiller sur elle, de la protéger, peu importe ce que cela impliquera.

Une fois chez lui, il la porte jusque dans sa chambre où il la dépose délicatement dans son lit. Il la recouvre ensuite de plusieurs couvertures afin de la réchauffer. Ensuite, il part à la recherche de son matériel médical, car même s'il est vétérinaire, il n'en reste pas moins un médecin.

Il vérifie de nouveau ses constantes avant de lui injecter une solution saline qui l'aidera à l'apaiser lorsqu'elle se réveillera.

Il prend une chaise et s'installe près de son lit, attrapant l'une de ses mains dans les siennes.

— Erine, tu dois te battre. Tu es beaucoup plus forte que ça, je le sais. Alors... Alors, bats-toi.

Ce n'est que quelques heures plus tard qu'elle se réveille....

•••

Mes paupières sont si lourdes que je peine à ouvrir mes yeux. Lorsqu'ils le sont, je regarde autour de moi, constatant que je suis dans ma chambre, à l'abri et en sécurité. Près de moi, Deaton est endormi, sa tête reposant sur le matelas alors qu'il serre l'une de mes mains dans les siennes. Je me dégage précautionneusement de son emprise afin de ne pas le réveiller, tentant de rassembler mes souvenirs. Mais surtout, pour comprendre ce qu'il s'est passé.

« Comment ai-je atterri là-bas ? Comment suis-je rentrée à la maison. »

Brusquement, une terrible vague de froid me rappelle la vérité en pleine figure. Là, je vois l'image de cet alter ego me fixer avec ce regard aussi noir que les ténèbres. Je secoue la tête pour chasser ces images horribles de mon esprit. Je m'agite, je n'arrive plus à contrôler mes pensées, ni même ma respiration, ce qui finit par réveiller Deaton.

Surpris en me voyant ainsi, il se redresse avant de m'attraper par les épaules.

— Erine. Que se passe-t-il ? demande-t-il sur un ton grave, lisant certainement la peur sur mon visage. Que s'est-il passé là-bas ?

— Deaton, je...

Incapable de poursuivre, je me jette dans ses bras, là où je sais que j'y serais en sécurité. Mon oncle ne comprend sûrement pas ma réaction, car il met plusieurs secondes avant de m'enlacer et de me rassurer.

— Tout va bien, Erine. Tu es en sécurité. Je te le promets.

Nous restons enlacés un court instant, lorsqu'il rompt le contact avant de sécher les larmes qui ont coulé le long de mes joues. Un sourire timide se dessine sur ses lèvres, sourire que je lui rends maladroitement.

— Tu sais qu'il va falloir me parler. Si tu ne me dis pas ce qu'il se passe, je ne pourrais pas t'aider.

Son regard est rempli d'empathie et de sincérité, pourtant, à cet instant, et malgré tout ce qu'il a fait pour moi, je vais devoir lui mentir. Pas parce que je le veux, mais parce que tant que je ne saurais pas ce qu'il s'est réellement passé, je ne veux pas qu'il soit impliqué ou en danger. Deaton est tout ce qui me reste, mon seul refuge. Il ne comprendrait pas, et je ne le supporterais pas s'il devenait lui aussi une victime de cette... chose.

— Erine, s'il te plaît.

— Je t'ai entendu, je suis désolée... Je... Tu n'étais pas là, dis-je tout en le regardant sur un ton qui se veut reprochant. Quand je suis sortie des cours, tu n'étais pas là.

— J'étais occupé. Je voulais t'appeler et je...

— C'est pas grave, le coupé-je plus calmement. J'ai dû rentrer à pied, mais je me suis perdue. C'est bête, je sais, mais c'est ce qu'il s'est passé.

— Alors comment expliques-tu le fait que je t'ai retrouvé inconsciente ?

— Le froid. Il faisait déjà nuit lorsque j'ai coupé par le bois. Je n'y voyais presque rien et la nuit était très fraîche, je ne te l'apprends pas. J'étais fatiguée alors j'ai voulu me reposer. Je suppose que le froid a eu raison de moi.

Je ne le quitte pas des yeux après avoir sorti ce mensonge grotesque et vu la façon dont me fixe Deaton, pas sûre qu'il me croit non plus. Pourtant, après plusieurs secondes de silence, il me sourit, moi aussi, caressant ma joue comme un père aurait fait avec sa fille.

« Mais en réalité, derrière mon sourire, je sens la culpabilité me ronger de l'intérieur, une ombre silencieuse que je ne peux chasser. »

— Tu devrais dormir maintenant. Tu as cours demain.

— Hum, réponds-je tout en m'insérant sous les couvertures.

Deaton me sourit une nouvelle fois avant de quitter ma chambre. Une fois parti, je ne peux m'empêcher de culpabiliser de lui mentir. Lui qui prend soin de moi depuis que mes parents sont morts. Celui qui m'a toujours aimé et gâté depuis que je suis gosse. Il ne mérite pas mon comportement et je ne mérite clairement pas sa gentillesse... Cependant, tant que je n'aurais pas trouvé de réponses à mes questions, il est hors de question qu'il soit impliqué dans quelque chose qui pourrait finir par le blesser... ou pire.

Une fois seule dans le silence, les images me reviennent, brutales et impitoyables : le froid, la brume noire, mon reflet et son sourire terrifiant. Même ici, sous mes couvertures, j'ai l'impression qu'il rôde, juste à la limite de ma conscience, attendant le moment où il se manifestera de nouveau.

Teen wolf : L'éveil de la MorríganOù les histoires vivent. Découvrez maintenant