Chapitre 1 : Le carnet oublié

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Le ciel fut d'un gris tranquille, ce genre de journée où la lumière hésitait à percer les nuages. Léo traînait dans le parc, un casque sur les oreilles, écoutant une playlist mélancolique de The Strokes, le groupe qui faisait écho à ses pensées.

Il aimait cet endroit : les arbres aux branches noueuses, le banc en bois écaillé, et surtout la sensation que tout s'arrêtait ici, loin du tumulte des rues de la ville. Les bruits de la ville étaient étouffés par la musique dans ses écouteurs, un monde à part.

Ce jour-là, quelque chose attira son regard. Posé sur le banc qu'il aimait tant, un carnet en cuir noir, utilisé sur les bords, semblait l'attendre. Il s'arrêta, hésitant, puis jeta un coup d'œil autour de lui. Personne. Juste une mère qui jouait avec son enfant près de la balançoire, et un joggeur qui s'éloignait, ses chaussures battant le sol en rythme.

Léo tendit la main et effleura la couverture. C'était doux, presque chaleureux sous ses doigts. Il l'ouvrit, curieux. À l'intérieur, pas de nom, pas d'adresse, juste une première page vierge. Puis, une écriture fine et penchée qui les remplissait.

Les mots donnèrent l'impression de danser sur le papier :

« Il y a des silences qui hurlent plus fort que les cris,
Comme des ombres cachées sous les nuits.
Des promesses jamais tenues, des rêves évanouis.

Je marche seule dans des rues inconnues,
Espérant que quelqu'un, quelque part, pourrait peut-être comprendre.
Mais comment parler, quand tout semble se suspendre ?

Alors j'écris dans les marges du temps,
Des fragments de moi, doux et brûlants.
Un jour, peut-être quelqu'un lira,
Et dans le silence, il me retrouvera. »

Léo resta figé. Ces phrases, si simples et pourtant si profondes, avaient planté quelque chose en lui. Comme si elles parlaient directement à ses propres doutes. Il tourna la page, curieux, mais aussi un peu nerveux, comme s'il pénétrait dans un univers secret. Un autre poème, puis un autre. Chacun avait une mélodie unique, mais tous vibraient d'une émotion brute et sincère, des mots qui paraissaient plus vrais que tout ce qu'il avait entendu jusque-là.

Il chercha une signature, un indice. Rien. Juste une initiale griffonnée en bas de chaque poème : AM.

Qui était-ce ?

Le carnet n'était pas juste un objet oublié. C'était une fenêtre ouverte sur l'âme de quelqu'un,... quelqu'un qu'il avait envie de comprendre, de découvrir.

__ Tu comptes le garder ?

Léo sursauta et leva brusquement la tête. Un vieil homme, un peu frippé, portant un chapeau de feutre, le regardait avec un jolie sourire aux lèvres. Il devait avoir dans les soixante-dix ans. L'adolescent le reconnut vaguement, c'était l'un de ces habitués du parc, un personnage qui était toujours là, peu importe l'heure de la journée.

__ Euh, non, je veux juste...
Il referma précipitamment le carnet, un peu gêné.

L'homme haussa les épaules, l'air amusé.

__ Ce genre de choses ne se perd pas par hasard.

Après quoi, il s'éloigna sans un mot de plus, le laissant seul avec ses pensées. Pendant un instant, il resta immobile, les yeux rivés sur le petit carnet qu'il tenait contre lui. Puis, lentement, il le glissa dans son sac à dos, un vieux sac en toile qu'il avait depuis l'année dernière, où il rangeait son livre de mathématiques, son portable Nokia 3210 et quelques vieux billets de concert.

__ Ce n'était pas du vol, se dit-il. C'était une mission.

Le carnet perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant