Chapitre 17 : L'évasion

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Léo courait.

Il ne savait même pas pourquoi il courait, mais il savait qu'il avait besoin. Il avait quitté la maison en trombe, les mots de sa mère résonnant encore dans sa tête. Son père. Cette absence constante..

Ses pieds se déplaçaient rapidement sur le chemin étroit, bordé d'arbres qui se resserraient autour de lui comme des spectres. Le vent caressait son visage, et l'air frais de la couchée du soleil perçait son épaisse  mur de chagrin.

L'adrénaline battait dans ses veines, chaque souffle saccadé l'aidait à ignorer cette douleur aigre qui se comprimait dans sa poitrine. Il était trop en colère pour se laisser submerger par la douleur. Trop fier pour laisser des larmes couler. Il avait toujours entendu qu'un homme ne pleurait pas et qu'il portait la souffrance en silence. Alors il courait.

Il monta les pentes de la colline comme un dément, laissant derrière lui la ville, les maisons, le bruit de la vie ordinaire. Chaque pas qu'il faisait sur ce chemin accidenté l'éloignait un peu plus de tout ce qui l'avait blessé. L'air devenait plus frais, plus pur, et pourtant, cette pression sur son cœur ne disparaissait pas. Elle s'intensifiait, grandissant à chaque respiration.

__ Je n'ai pas besoin de pleurer , se répétait-il, je ne suis pas comme eux.

Pas comme son père, qui partait toujours, qui semblait ne jamais comprendre l'importance de rester là. Pas comme sa mère, qui l'avait laissé dans l'ignorance, qui avait choisi de ne rien lui dire pendant des années.

Le sol sous ses pieds était de plus en plus instable. Il y avait des pierres, des racines, mais Léo ne ralentit pas. Il fallait qu'il s'échappe, qu'il s'évade.

La douleur de sentir qu'il n'avait jamais été assez pour son père. La douleur d'avoir découvert qu'il n'était qu'un fantôme dans la vie de cet homme qui, selon sa mère, « l'aimait », mais d'une manière qu'il ne comprenait pas.

Il s'arrêta finalement au sommet de la colline, les bras appuyés sur ses genoux, haletant. Le paysage devant lui était magnifique, la vallée s'étendait à perte de vue, baignée par les derniers rayons du soleil. Mais il ne voyageait rien.

Il sentit les larmes brûler au fond de ses yeux, mais il ferma les paupières, serra les dents. Pas maintenant. Pas pour lui. Un homme ne pleure pas. Léo prit sa tête entre ses mains, comme pour chasser cette pensée.

__ Pas de larmes, murmura-t-il entre ses dents, les poings serrés. Il lèva les yeux vers l'horizon.

Mais malgré ses efforts, les émotions s'agitaient en lui, prêtes à éclater. C'était comme si tout le poids de son enfance, de ses rêves brisés, de la promesse non tenue de son père, se déversait sur lui d'un coup. Il avait mal. Il avait tellement mal qu'il en avait mal à en respirer.

__ Je suis un homme, souffla-t-il en s'essuyant le visage d'un geste brusque, comme si cela allait effacer la douleur. Mais elle persistait, comme un poison qui avait pénétré ses veines.

Il s'éloigna du sommet, s'enfonçant dans un sentier plus escarpé, cherchant à se perdre dans la nature sauvage qui l'entourait. Il espérait que le temps, la solitude et la course effrénée suffiraient à expier cette rage.

Il s'étonnait de ne pas pleurer. Il s'attendait à ce que cela le submerge, mais non. Il tenait bon. Ses jambes étaient lourdes, mais son esprit continuait à courir.

Arrivé en bas de la colline, qu'il avait souvent visité avec ses amis étant plus jeune, Léo s'arrêta. La brume recouvrait la surface de l'eau, formant un voile mystérieux. Il s'assit sur une roche, les jambes pendantes. Autour de lui, le silence était presque total. Le vent soufflait doucement dans les arbres, le chant des oiseaux résonnait faiblement au loin.

Il se sentait tellement seul. Une partie de lui avait toujours cherché cette reconnaissance, cet amour, que ce soit de la part de son père ou de sa mère. Et pourtant, la vérité, c'était qu'il avait été seul depuis toujours. Toujours à devoir se défendre, à jouer le rôle de celui qui va bien.

Il n'allait pas se laisser abattre. Il allait être plus fort que tout ça. Il allait gérer ce chagrin, tout seul.

Mais à cet instant, une larme solitaire roula sur sa joue. Il la sentit brûler, mais il ne fit rien pour l'arrêter.

Mais peut-être que, parfois, même un homme a besoin de pleurer.... Même un homme a besoin de se libérer.

Le carnet perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant