Chapitre 16 : L'absence d'un père

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Le blondinet était assis à la table du dîner, les yeux rivés sur son assiette sans vraiment le voir. Il n'avait pas vraiment faim, mais il avait besoin de quelque chose pour occuper ses pensées.

Isabelle, de son côté, ne savait pas comment aborder le sujet, mais elle était consciente qu'il était temps. Léo grandissait et il méritait de comprendre. Tout cela ne pouvait plus être caché sous le tapis.

Elle regarda son fils, puis baissa les yeux vers ses mains, se sentant vulnérable.

__ Léo, mon fils. Il est temps que tu comprends ce qu'il se passe entre ton père et moi. C'est compliqué, et je sais que ça te fait mal, mais tu mérites de savoir.

Il releva la tête, son regard incertain.

Sa mère fit une pause de quelques secondes, puis poursuivit.

__ Ton père n'est pas un homme facile comprendre. Il est un Médecin Sans Frontières. Cela signifie qu'il part souvent, pendant des mois, parfois des années... Il n'y a pas de place pour lui ici, dans cette maison, parce que son travail le prend complètement. Et je ne lui en veux pas pour ça,... je le respecte.

Elle s'arrêta, cherchant ses mots. Léo se tendit un peu plus. Il avait toujours su que son père était un homme passionné par son métier, qu'il passait son temps à voyager pour aider les autres, dans des endroits où la guerre et la misère frappaient sans relâche. Mais entendre sa mère parler de cela d'une manière si distante... lui faisait mal.

__ Et alors ? Interrogea-t-il, les dents serrées, les poings fermés sur ses genoux. Pourquoi ne l'a-t-on jamais vu, alors ? Pourquoi il n'est jamais là pour moi, pour nous ?

Isabelle s'efforça de sourire tristement.

__ Ton père, il t'aime. Mais il n'a jamais su comment être dans une vie de famille. Il a toujours pensé que son travail était plus important que tout le reste, qu'il devait se consacrer aux autres pour comprendre. Et moi... moi, je croyais pouvoir l'attendre, tout ce temps, sans rien dire. Mais voilà, j'en ai souffert aussi... Ça a été trop difficile pour moi, mais aussi pour toi. Et je suis désolée.

Léo sentit un nœud dans sa gorge.
Isabelle baissa les yeux, visiblement accablée par ses propres regrets.

__ Léo, ton père et moi, nous ne nous aimions plus. Nous étions comme deux étrangers vivant sous le même toit. Pendant des années, nous avons accepté cela. Nous avons fait semblant, mais... c'était insupportable.

Elle marqua une pause, comme si elle enfonçait un poignard dans un plâtre qu'elle n'avait pas encore fermé.

__ Mais nous avons décidé de ne pas divorcer avant que tu sois à l'université. Nous ne voulions pas te perturber plus que cela. Et puis... je pensais que peut-être un jour il reviendrait. Je pensais qu'il reviendrait pour nous.

L' adolescent regarda sa mère, choqué. Il n'avait jamais imaginé que son père et elle entretenaient une relation aussi difficile. Il avait toujours cru que sa mère était simplement résignée à vivre avec un homme qui passait son temps ailleurs. Mais entendre cette vérité nue, le frappait profondément.

__ Alors pourquoi m'as-tu dit qu'il ne reviendrait pas ? Pourquoi m'as-tu dit qu'il avait décidé de partir,... comme si ça allait être mieux pour nous deux !

Sa mère prit un moment pour répondre. Les larmes commençant à perler à ses yeux, mais elle n'avait pas l'intention de pleurer devant lui.

__ Je ne voulais pas te mentir. Mais je ne pouvais pas te dire la vérité tout de suite, Léo... Je pensais que si je te préparais à son absence, ça serait plus facile pour toi. Mais tu sais quoi ? Ce n'est pas facile du tout. Je t'ai menti et je suis navrée.

Léo se leva brusquement de sa chaise. Il avait tant de questions, de colère qui bouillonnait en lui. Mais il n'arrivait pas à en sortir une seule. Il se tourna vers sa mère, le regard perdu.

__ J'ai grandi avec un père qui n'était jamais là, qui faisait des promesses qu'il ne tenait jamais. Et toi, tu savais tout ça et tu n'as rien dit.

Sa mère se leva aussi.

__ Je pensais que tu étais assez grand pour comprendre...

Léo serra la tête, un rictus amer sur ses lèvres.

__ Tu pensais que j'étais assez grand pour comprendre quoi ? Que j'étais mieux tout seul, sans père, sans vous deux pour me soutenir ?

Isabelle se figea, comme si les mots de son fils la frappaient en plein cœur. Elle avait essayé de le protéger, mais elle avait échoué. Elle avait cru qu'en restant silencieuse, en attendant que les choses se résolvent d'elles-mêmes, elle faisait le bon choix. Mais elle s'était trompée.

Léo se tourna alors vers la porte, ses yeux brûlaient d'une colère qu'il ne comprenait pas totalement, mais qu'il ressentait avec une acuité douloureuse. Il n'était plus l'enfant qui attendait son père à la maison. Et maintenant qu'il comprenait la vérité, tout lui était encore plus insupportable.

__ Je vais prendre l'air, dit-il d'une voix sèche, et sans attendre de réponse, il partit.

Isabelle se laissa tomber. Cette conversation avait changé quelque chose, qu'ils ne pourraient plus revenir en arrière. Mais, elle avait enfin donné à Léo la possibilité de comprendre, même si cela venait trop tard.

Le carnet perduOù les histoires vivent. Découvrez maintenant