À mesure que notre calèche roulait vers les beaux quartiers, un souvenir me revint en mémoire.
— Lady Carolyn, où allons-nous loger ? Chez votre tante la Comtesse ?
La vision de l'ennuyeuse femme engoncée dans sa robe jaune me donnait des sueurs froides. Nous risquions de l'avoir en permanence dans nos pattes et elle organiserait sûrement des repas ou des thés pour tenter de fiancer sa nièce.
— Vous ne l'aimez pas, n'est-ce pas ?
— Non, ce n'est pas ça, m'empourprai-je. C'est que cela serait plus contraignant pour nos allées et venues.
Carolyn éclata de rire.
— Allons Elisabeth, vous n'êtes pas encore prête pour les salons mondains, la franchise vous sied mieux. En toute objectivité, ma tante n'est pas la femme la plus passionnante de Londres. Son esthétisme vestimentaire manque de pertinence et sa toilette se noie dans des litres de fragrance. Mais ce ne sont là que ses moindres défauts au regard de notre entreprise. Elle est surtout très curieuse et opposée à toute forme d'aventure pour une femme qui irait plus loin qu'une valse supervisée par un chaperon.
— Donc, nous ne dormirons pas chez elle ?
— Grand Dieu, non. Nous serons plus tranquilles dans l'appartement qu'une amie me prête quand je viens.
Décidément, ils se prêtaient beaucoup les logements entre nobles. Quand j'aurai ma maison, peu auront le droit d'en franchir le seuil.
— Attendez, nous pouvons peut-être aller vérifier si Fellow n'est pas chez ses amis londoniens. On ne sait jamais.
Incapable de donner le nom de la rue, je guidai le cocher selon mes souvenirs. Nous finîmes par tomber sur l'hôtel particulier où j'avais séjourné. Je fonçai vers la porte et frappai avec insistance, persuadé que ce bon vieux Stenson ne m'en tiendrait pas rigueur. Je ravalai un hoquet de surprise en découvrant un autre visage.
— Euh, bonjour. Est-ce que Stenson est ici ? Je pensais que...
— Il est occupé à lustrer l'argenterie, Madame. Et il n'est pas autorisé à recevoir des connaissances pendant ses heures.
— Euh, non, mais... C'est Sir Thomas Fellow que je cherche. C'est un ami de votre maître.
— Monsieur ne connaît personne de ce nom.
— Grand, mince, condescendant.
Le majordome prit le temps de la réflexion.
— Cela pourrait correspondre à Sir Thomas Barlow. Mais il n'est point ici. Madame, je suis malheureusement contraint de vous demander de partir.
Il referma la porte juste après ces mots, m'abandonnant à ma perplexité. Thomas Barlow, Thomas Fellow. Cela ne faisait aucun doute qu'au moins un des deux patronymes était un alias. Mais est-ce que ses soi-disant amis le connaissaient sous son vrai nom ? Et moi ? M'avait-il révélé sa véritable identité ou était-ce un leurre ?
Qui es-tu, Thomas Fellow ?
Après avoir repris la route, je narrai l'incident à Lady Carolyn. Une fois de plus, elle s'esclaffa. Elle avait une étonnante propension à voir les choses du bon côté.
— Vous savez, Elisabeth, je ne serai pas surprise si nous finissions par découvrir qu'il est agent secret de la Reine.
Elle rit de plus belle et je me laissais entraîner, imaginant Fellow en toutou de Sa Majesté.
Après quelques rues, nous arrivâmes à notre appartement. Nous prîmes le temps de nous installer et de souper. Lady Carolyn préférait se rendre chez le Professeur Chipperfield de nuit.
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Elisabeth Magpie et les cristaux de lumières
ParanormalDans un monde sous la domination de l'Empire Victorien, Eli, jeune orpheline des rues est recrutée par le singulier Sir Thomas Fellow pour l'épauler sur l'assassinat du professeur Chipperfield. Ils découvrent alors que ce dernier étudiait d'étranges...