Chapitre 6 : Sous le poids de la couronne

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Le hurlement strident de la corne d'alerte me réveilla bien avant l'aube, perçant le calme oppressant de la nuit. Je me redressai d'un bond, le souffle court, le cœur battant comme un tambour. Les ombres dans la pièce semblaient se resserrer autour de moi, leur obscurité accentuée par la lumière vacillante des torches au dehors.

La porte s'ouvrit brusquement dans un grincement sinistre, et un garde entra précipitamment, les joues rougies par l'effort. Son armure était encore mal ajustée, comme s'il avait été arraché à son poste sans préavis.

"Majesté," haleta-t-il, s'inclinant rapidement, "un messager est arrivé des avant-postes. Les rebelles ont attaqué la cité de Luthen au sud. Les pertes sont lourdes."

Son rapport, bien que concis, résonna dans la pièce comme un coup de tonnerre. Pendant un instant, je restai figée, la gorge nouée par une peur que je n'osais pas laisser transparaître. Mes doigts serrèrent instinctivement les draps de mon lit, cherchant une stabilité dans une réalité qui semblait soudain vaciller.

Je fermai les yeux, m'efforçant de maîtriser la tempête qui grondait en moi. La guerre, inévitable et implacable, se rapprochait encore, dévorant tout sur son passage. Ce n'était plus seulement une menace distante, mais un incendie qui léchait déjà les murs de mon royaume, menaçant de réduire en cendres tout ce que je m'évertuais à protéger.

"Convoquez le conseil immédiatement," ordonnai-je, ma voix plus ferme que je ne me sentais réellement.

Le garde acquiesça avant de quitter la pièce en hâte, laissant la porte entrouverte derrière lui. Je restai seule un instant, immobile, le regard perdu dans l'obscurité. Les échos de la corne, toujours audibles, semblaient me narguer, me rappelant l'urgence.

Je me levai et m'approchai du miroir, mais la femme qui me regardait en retour semblait bien différente de la reine que j'étais censée être. Ses traits étaient tirés, ses yeux cernés par des nuits trop courtes et des décisions trop lourdes.

Alors que je m'habillais à la hâte, mes gestes étaient empreints d'une nervosité que je m'efforçais de masquer. Les étoffes glissaient entre mes doigts comme si elles tentaient de s'échapper, tout comme ce royaume que je me battais pour maintenir intact.

Une vague de souvenirs me submergea alors : mon père, debout dans cette même pièce, me parlant des sacrifices nécessaires pour régner ; le sourire fatigué de ma mère, qui masquait si bien ses propres luttes. À l'époque, je n'avais pas compris à quel point ces responsabilités étaient écrasantes. Aujourd'hui, elles pesaient sur mes épaules comme un fardeau que je n'avais pas choisi, mais que je ne pouvais pas abandonner.

Chaque nouvelle attaque semblait creuser un peu plus cet abîme entre mon peuple et cette paix fragile que nous cherchions désespérément à retrouver. Et à chaque décision que je prenais, je sentais la distance s'accroître entre la reine que je devais être et la femme que j'étais encore parfois.

J'ajustai rapidement mon manteau, une étoffe sombre bordée d'argent, et me dirigeai vers la porte. Avant de sortir, je me retournai un instant vers la chambre silencieuse, où l'obscurité semblait peser comme un avertissement.

Je ne pouvais pas faiblir. Pas maintenant.

Dans le couloir, les bruits précipités des serviteurs et des gardes en alerte résonnaient contre les murs de pierre. Le château lui-même semblait vibrer d'une tension palpable, chaque torche projetant des ombres dansantes qui donnaient l'illusion de présences menaçantes.

Alors que je descendais vers la salle du conseil, un jeune écuyer passa près de moi, portant un rouleau de parchemin taché de boue. Je l'arrêtai d'un geste.

"Qu'apportez-vous là ?"

"Un message supplémentaire des avant-postes, Majesté," répondit-il, ses mains tremblantes. "Ils demandent des renforts... immédiatement."

Je pris le parchemin, le regardant sans vraiment le voir, avant de le remettre à l'écuyer.

"Faites-le parvenir à Dame Lyria dès qu'elle sera arrivée," ordonnai-je.

Le garçon s'inclina avant de disparaître dans un tournant du couloir.

Je poursuivis mon chemin, un nœud dans la poitrine. Luthen n'était pas seulement une cité ; c'était un symbole. Si elle tombait, c'était tout un pan de notre royaume qui vacillait.

Lorsque j'arrivai enfin devant les grandes portes de la salle du conseil, je pris une profonde inspiration, cherchant à emprisonner mes doutes derrière une façade de calme. Mais une question persistait dans mon esprit, lancinante et cruelle : avais-je encore le temps de sauver ce royaume, ou étais-je déjà trop tard ?

...

La lumière du jour était à peine perceptible à l'horizon lorsque je quittai les murs du château en direction de Luthen. La ville, encore enveloppée par les cendres et la fumée des combats, semblait figée dans un silence lourd, presque irréel. Chaque pas m'éloignait davantage de la sécurité des murs, mais je ne pouvais pas me permettre de rester dans l'ignorance.

Kael, fidèle comme toujours, marchait silencieusement à mes côtés, son regard fixé sur l'horizon. Il n'avait pas posé de questions, sachant que je n'avais pas l'intention de rester en retrait. Il était le seul à comprendre que, malgré mes responsabilités, il me fallait voir de mes propres yeux l'étendue des dégâts.

La scène qui s'offrait à moi, à mesure que nous approchions de la ville, était un spectacle de désolation. Les bâtiments en ruines semblaient témoigner d'une brutalité aveugle. Les rues étaient jonchées de débris, et l'air lourd de poussière et de cendres piquait la gorge.

Les habitants, quant à eux, étaient une masse de visages fatigués et désespérés. Certains, portant encore les traces du combat, cherchaient à enterrer leurs morts, d'autres se tenaient immobiles, perdus dans un vide que seul un tel carnage pouvait engendrer. Il n'y avait pas de joie, pas de soulagement. Juste une lutte pour continuer à exister.

Je me forçai à avancer, un poids écrasant dans la poitrine. C'était là, dans ces visages marqués par la douleur, que résidait la véritable guerre, bien plus que dans les batailles que l'on menait sur le champ de bataille. C'était ici que le royaume pouvait perdre son âme.

Kael s'arrête à mes côtés, "nous devons agir vite. Les blessés ne tiendront pas sans soins. Et si les rebelles reviennent..." Il laissa sa phrase en suspend, conscient de ce qui pourrait arriver.

Je hochai la tête, serrant les poings. "Je sais, Kael. Mais avant tout, je dois comprendre ce que nous avons perdu, et ce que nous devons encore sauver."

Nous poursuivîmes notre marche, cherchant des survivants, offrant des mots d'espoir là où il n'y en avait presque plus. J'avais vu des batailles, des victoires et des défaites, mais rien ne me préparait à cela : une cité brisée, des vies dévastées, et des espoirs déjà réduits en cendres.

La Reine et le Mercenaire : le Prix du Trône Where stories live. Discover now