Chapitre 9 : L'ombre de la défiance

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La salle d'audience résonnait des murmures feutrés des nobles et conseillers réunis. Les hautes fenêtres laissaient entrer une lumière grise, voilée par un ciel menaçant, et l'air portait encore l'odeur âcre des dernières pluies. Je me tenais debout au centre, le regard fixé sur la table ornée de cartes et de documents, tentant de contenir la vague de doutes qui s'élevait en moi.

"Majesté."

La voix de Roderick coupa net le murmure ambiant. Il s'avança d'un pas assuré, son manteau de laine sombre à broderies d'or effleurant le sol. Sa présence imposante semblait aspirer toute l'attention de la pièce. Ses cheveux grisonnants, soigneusement coiffés, ajoutaient une gravité à ses traits sévères.

"Votre invitation m'honore," dit-il en inclinant légèrement la tête. "Bien que je suppose que ce n'est pas par hasard que vous avez fait appel à moi."

"Votre réputation vous précède," répondis-je d'un ton mesuré.

En vérité, je n'avais pas eu le choix. Les conseillers avaient insisté sur l'importance de sa venue. Roderick, vétéran des guerres passées et ancien conseiller de mon père, était respecté, voire craint, pour sa maîtrise des tactiques militaires. Mais à mes yeux, il représentait une menace : un homme profondément ancré dans l'ancien ordre, prompt à contester mon autorité si cela servait ses desseins.

"Votre père aurait approuvé," reprit-il, son regard perçant scrutant mes réactions. "Il avait cette sagesse... celle de reconnaître quand demander conseil, et quand se retirer pour laisser agir ceux qui savent."

Chaque mot était une flèche bien placée. Une partie de moi voulait répliquer, mais je ne pouvais pas me permettre de montrer une quelconque faiblesse. Je choisis de détourner la conversation.

"Les temps ont changé, Roderick. Les décisions que je prends tiennent compte des réalités actuelles. Le royaume n'est pas ce qu'il était sous le règne de mon père."

"Non, il ne l'est pas," dit-il avec un sourire en coin, tranchant comme une lame. "Il est fragilisé, divisé. Et vos choix, pour le dire franchement, ne contribuent guère à sa stabilisation."

Le silence tomba comme un couperet. Les conseillers, qui jusque-là avaient feint de s'intéresser aux cartes, levèrent les yeux vers moi.

"Des mercenaires dans vos troupes ?" poursuivit Roderick. "Des fonds dilapidés dans des villages insignifiants ? C'est une politique d'enfant, pas de reine."

Mes mains se crispèrent sur le bord de la table. "Ces 'villages insignifiants' sont le fondement même de ce royaume. Ils nourrissent nos soldats, abritent nos familles. Je ne laisserai pas leurs terres être réduites à néant par la guerre."

"Des mots nobles," rétorqua-t-il en croisant les bras. "Mais l'ennemi ne se bat pas avec de la compassion, Majesté. Votre père... lui, aurait su faire preuve de fermeté. Il aurait sacrifié ce qu'il fallait pour protéger l'essentiel."

Une chaleur furieuse monta en moi, mais je pris une profonde inspiration, m'efforçant de conserver mon calme. "Peut-être, Roderick. Mais je ne suis pas mon père."

Il esquissa un sourire presque condescendant, comme s'il venait de prouver un point qu'il se gardait d'énoncer à voix haute

...

Le conseil terminé, je quittai la salle, mes pensées lourdes et agitées. Kael m'attendait dans la cour principale, surveillant les entraînements des mercenaires. Sa posture était détendue, mais son regard perçant capta immédiatement mon trouble.

"Encore un conseil où vous jouez la reine parfaite ?" lança-t-il d'un ton acerbe en me rejoignant.

"Vous pourriez au moins feindre un peu de respect, Kael," répondis-je sèchement.

La Reine et le Mercenaire : le Prix du Trône Where stories live. Discover now