Chapitre 8 : Les Failles de l'Armure

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Le bruit métallique résonnait dans la cour, les échos des épées frappant les boucliers se mêlant à la rythmique des pas des soldats. Le matin était encore jeune, mais l'air froid frappait ma peau avec une morsure désagréable. Je serrai les dents, essayant d'ignorer l'inconfort de l'armure trop grande qui me pesait sur les épaules. Elle était trop lourde, trop encombrante, mais je n'avais pas le luxe de me laisser distraire par ces détails. Pas aujourd'hui. Pas alors que Kael était là, observant chaque mouvement, chaque erreur avec ses yeux impitoyables.

J'avais voulu fuir. Fuir ce moment, fuir l'entraînement, fuir ce que je pensais être une honte, mais il n'y avait nulle part où aller. Et surtout, il n'y avait nulle part où me cacher.

"Encore," ordonna Kael d'une voix tranchante, sans même lever le regard de son épée. Il frappait le fer contre le bois, testant les soldats un par un, scrutant chaque erreur. Mais quand il se tourna enfin vers moi, son regard se fit plus intense. "Encore. Si vous voulez vraiment devenir une reine, vous devez savoir ce que cela implique."

Je baissai les yeux, incapable de soutenir son regard. Ses paroles étaient une gifle à chaque tentative que je faisais pour le prouver, pour lui prouver que j'étais capable. "J'ai compris," murmurai-je, serrant l'épée dans mes mains, ma paume déjà en sang sous la pression.

Il se contenta de hocher la tête, une expression glacée sur son visage. "Vraiment ? Parce que ce que je vois là, c'est une jeune princesse qui joue à être une guerrière. Vous n'êtes pas encore prête. Et vous n'êtes pas encore une reine."

Les mots frappèrent comme une décharge électrique. "Je ne suis pas une princesse, Kael," répliquai-je en relevant le menton, la colère bouillonnant en moi. "Je suis la reine de ce royaume."

Il haussait un sourcil, ses yeux brillants d'une lueur de défi. "Vraiment ? Alors prouvez-le. Montrez-moi que vous méritez ce titre."

Je me sentis prise au piège. La colère et l'humiliation se mêlaient dans mes entrailles. Mon esprit se brouillait. D'un côté, je savais qu'il avait raison. Je n'étais pas encore une reine dans l'âme. J'étais une héritière forcée à assumer un rôle bien trop lourd pour mes épaules. Mais de l'autre, la douleur de ses paroles me faisait mal, et je ne pouvais pas laisser cet homme, ce mercenaire, m'humilier davantage.

Je levai mon épée, essayant de masquer ma colère. Mais le poids du métal, la lourdeur de mon armure, tout ça m'alourdissait, et je savais que j'allais échouer encore une fois. Mais je ne pouvais pas laisser Kael voir ma faiblesse. Pas devant lui. Pas devant cet homme qui semblait voir à travers moi, qui savait exactement où appuyer pour me faire douter.

"Plus vite." lança-t-il brusquement, sa voix grave résonnant dans l'air comme un commandement.

Je fis un pas en avant, frappant l'air devant moi d'un coup trop lent. À peine l'épée toucha-t-elle le vent qu'il parvint à parer mon attaque d'un simple geste. Il ne fit même pas un effort. Une fois de plus, il me repoussa d'un coup sec, et je perdis l'équilibre, tombant presque au sol.

"Impressionnant," murmura-t-il, une ironie acide dans la voix. "Vous croyez vraiment pouvoir mener des hommes à la guerre avec ces mouvements ? Vous êtes en danger et vous n'avez même pas conscience de l'ampleur du risque."

Je me redressai brusquement, une vague de honte m'envahissant. "Je suis reine mais aussi humaine !" criai-je, ma voix brisée sous l'énervement. "Je ne suis pas une marionnette ! Je vais protéger ce royaume, même si je dois y laisser ma vie."

Kael se rapprocha lentement, son visage toujours aussi impassible. "Vous croyez que c'est une question de sacrifice ? De mourir pour une cause ?" Il secoua la tête, un sourire froid jouant sur ses lèvres. "Non. La guerre n'est pas une question d'honneur. C'est une question de survie. Et vous, vous n'êtes pas prête à survivre."

Mes poings se serrèrent, et je crus un instant que j'allais exploser. Comment osait-il me juger ainsi ? Il n'avait jamais vécu ce que j'avais vécu, il ne savait rien de la douleur d'être forcée à prendre un trône que je n'avais pas choisi, de la solitude écrasante du pouvoir. Il ne savait rien de la peur que je ressentais chaque nuit, me demandant si j'allais me réveiller le lendemain.

"Je n'ai pas besoin de vos leçons," soufflai-je, mes dents serrées. "Je n'ai pas besoin de vous pour me dire ce que je dois faire."

Il me regarda un instant, comme si mes paroles ne l'atteignaient même pas. Puis il avança d'un pas, et son regard se fit plus perçant. "Vous croyez vraiment ça ?" dit-il lentement, ses mots comme des poignards. "Vous croyez que vous pouvez diriger un royaume comme ça, en vous fermant à tout ce que vous n'avez pas choisi ? Vous n'êtes rien sans la couronne, et encore moins sans la volonté de vous battre pour elle."

Il s'éloigna un peu, puis se tourna vers moi. "Je sais ce que vous pensez. Que tout ça est inutile. Que c'est moi, l'homme de guerre, qui suis trop dur, trop froid. Mais regardez autour de vous. Regarde le royaume que vous voulez protéger. L'ennemi est à nos portes, et il n'y a pas de place pour les faibles ici. Vous devez apprendre à vous battre. Et vous devez m'écouter."

Ma gorge se serra à ces mots. Il avait raison, mais ça ne voulait pas dire que je devais l'accepter. Je me sentais déchirée entre mon désir de prouver ma valeur et la vérité cruelle qu'il venait de poser devant moi. Oui, je voulais sauver ce royaume. Mais ce que je voulais encore plus, c'était ne pas avoir à faire face à cet homme. Pas à lui, pas avec lui.

"Et pourquoi vous ?" demandai-je, ma voix tremblante d'une colère que je n'arrivais pas à contenir. "Pourquoi c'est vous qui me forme ? Parce que vous êtes un mercenaire, un traître à votre propre cause, à votre propre dignité. Et vous osez me dire ce que je dois devenir ? Vous n'êtes qu'un soldat de fortune !"

Kael se tourna vers moi, ses yeux froids et inexpressifs. "Parce que je sais ce que c'est que de survivre. Et vous , vous n'avez aucune idée de ce que ça implique. La guerre ne fait pas de distinction entre les princes et les paysans, entre les royaumes et les failles. C'est une question de force. Une question de savoir si vous pouvez encaisser, si vous pouvez résister."

Je me taisais, me sentant de plus en plus perdue dans ce maelstrom de colère et de doute. Mais alors qu'il se tenait devant moi, sans un geste, sans un mot de pitié, une part de moi savait que je n'avais d'autre choix que de l'écouter. Parce qu'il avait raison.

"Je vais vous préparer à tout," continua-t-il, cette fois d'une voix ferme. "Vous voulez être reine ? Alors soyez prête à tout sacrifier pour ça. À votre confort, à vos illusions, à vos rêves de ce que ça pourrait être."

Je le regardai, sentant les larmes me monter aux yeux, mais je les refoulai avec rage. Non, je ne pouvais pas pleurer devant lui. Pas devant cet homme qui me haïssait autant qu'il semblait m'utiliser.

"Je ferai ce qu'il faut," murmurai-je finalement, ma voix brisée, mais pleine de détermination. "Je serai prête."

Il me scruta un moment, puis hocha la tête. "Bien. Préparez-vous, alors. La bataille est proche."

Je me tournai vers l'entraînement des soldats, mais au fond, quelque chose en moi avait changé. Peut-être que la guerre ne m'offrait pas de place pour les rêves. Peut-être que ce que je pensais être une simple préparation était bien plus que cela. C'était un combat pour ma propre survie, pour la survie du royaume. Et il n'y avait pas de place pour les hésitations. Pas de place pour l'orgueil. Pas de place pour moi.

La Reine et le Mercenaire : le Prix du Trône Where stories live. Discover now