Chapitre 16

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PDV Jane

Je n'ai pas reparlé à Levi depuis ce soir où il a abordé un souvenir que j'aurais préféré enterrer à jamais. Je suis stupide de lui en vouloir pour ça, mais je ne peux m'en empêcher. Il a sûrement dû être choqué par ce qu'il a vu et a besoin d'explication. Je suis incapable de lui en donner, et même si je l'étais, je refuse que Levi soit mêlé à mon passé, je refuse qu'il sache quoi que ce soit. Il a déjà suffisamment remarqué ma vulnérabilité. Malgré cette rancœur que j'ai envers lui, je n'ai pas cessé de l'observer, il m'intrigue bien trop. Les autres sont faciles à déchiffrer, comme un code à quatre chiffres. Levi est un coffre-fort, un mur impénétrable. Il ne parle pas beaucoup, sauf à certains moments, mais il n'est clairement pas l'homme le plus taiseux que j'ai pu rencontrer. Il est juste...compliqué.

Aujourd'hui, nous devons aller voir de potentielles nouvelles recrues à la caserne d'entraînement afin de présenter les objectifs de l'OMS et la vie au camp. Ils sont nombreux, et souvent pas très âgés. Ils ont tous une bonne raison de vouloir intégrer l'armée, mais aucun ne connaît l'existence de l'organisation, nous ne prenons que les meilleurs.

Ces jeunes sont des soldats plus ou moins expérimentés. Certains veulent rentrer dans l'armée, d'autres sont d'anciens membres des forces de l'ordre. L'organisation se charge de repérer d'éventuels nouveaux membres, puis formule une proposition à la fin de la formation à la caserne.

Lors de ces rencontres, on ne fait aucune propagande pour motiver le plus de personnes possible, au contraire. On les dégoûte au maximum, pour ne garder que les plus motivés. On ne parle jamais de l'organisation, on plaide un recrutement pour l'armée nationale. Ceux qui sont sélectionnés finissent la formation en caserne avant de rejoindre le camp.

Les autres repartent dans leur unité d'avant pour continuer leur boulot ou leur formation en signant la clause de confidentialité.

J'ai passé les dernières nuits sur ma chaise de bureau, exactement comme mon colocataire. Sûrement trop mal à l'aise pour nous coucher dans un lit dans une même pièce. J'ai des douleurs atroces dans tout le dos, alors je suppose que c'est pareil pour lui. Mes réveils nocturnes ont été nombreux, réveillant Levi à cause de mes sursauts incontrôlés. Aucun mot n'était jamais prononcé, je me précipitais toujours dans la salle d'eau et y passais le reste de la nuit jusqu'à ce que les rayons du soleil caressent ma peau. Cette nuit n'est pas coutume, mais j'en ai eu plus que marre de m'enfermer dans cette pièce, le blanc des murs et la minuscule fenêtre vont me rendre dingue, alors je suis sortie.

Tout le monde dort encore. Normal, il est à peine cinq heures du matin. Je prends donc de l'avance sur les préparatifs du départ, en commençant par mon petit déjeuner. Personne n'est là pour me regarder, alors pour une fois, je prends du plaisir à manger mes tartines de pain.

Je soupire lourdement, si mon moi enfant voyait ma vie actuelle, elle serait sûrement très déçue. J'aspirais à une vie de liberté et de simplicité, en même temps, je suis née et j'ai vécu la majorité de ma vie enfermée, en survivant tant bien que mal. La meilleure vie à laquelle je pouvais rêver était seulement celle d'être libre. Libérée de la crasse des rues et de cette maison, libérée de la douleur, libérée de lui. Mais je crois que ce jour arrivera le jour de sa mort. Ou de la mienne. Je me lève de ma chaise, essayant de relativiser. Ma vie ici n'est pas si terrible, au moins je ne suis plus là-bas.

L'hiver est proche, le vent est glacial et je ne suis pas très bien couverte. Il ne manquerait plus que je tombe malade. Je frissonne en ouvrant le boxe d'Apache, je ne l'attache pas, il me suit naturellement dehors. Après toutes ces années ensemble, nous avons développé un lien fort et nous nous faisons confiance les yeux fermés. J'attrape quelques brosses rangées dans une caisse et m'approche à nouveau de mon cheval. Je brosse son pelage pour enlever la poussière qui s'est déposée dessus, puis gratte ses sabots et démêle sa crinière. De longs crins s'en échappent, arrachés parce que je défais les nœuds, et se déposent sur le sol.

AzuriteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant