L'académie des kaijins

Chapitre 12

« Les plus grandes aventures commencent souvent là où le bon sens nous dit de nous arrêter.»

Lisa

Je longe avec nonchalance les allées labyrinthiques de l'immense bibliothèque, chaque pas résonnant faiblement sur le parquet usé. Mon regard se perd sur tous ces rayons qui se ressemblent, tous ces vieux bouquins aux reliures décrépites qui n'ont pour moi aucune différence. Une odeur de papier moisi et de poussière règne dans la pièce, presque aussi lourde et oppressante que son silence conventionnel.

— Quelque chose de ton côté ?, me demande Émilie en se rapprochant

— Non rien et toi Élie ?

La gorgone secoue négativement la tête. On soupire presque tous en même temps.

Evan m'a dit de ne parler de ces ouvrages à personne mais j'avais besoin d'aide pour mettre la main dessus. Et puis au fond je crois leur faire confiance.

— On va être obligé de demander à la bibliothèquaire

Je lance mon regard sur la vielle dame à l'entrée de la bibliothèque. Une lamia, mi-femme mi-serpent. Sa longue queue verte traîne sur le sol tandis qu'elle pianote l'écran de son ordi.

— Je passe mon tour, me répond Émilie

— C'est Élie qui devrait aller demander, ils sont de la même famille non ? Entre serpents ils devraient se comprendre

La gorgone s'offusque à côté de moi, sous le rire d'Emilie.

— Bon je vais lui demander, finis-je par dire

Je marche d'un pas hésitant, les mains moites. J'arrive en face d'elle, son regard reste figé sur son écran alors je me racle la gorge pour signaler ma présence.

— Qu'est-ce que je peux faire pour vous jeune fille, me demande la dame en m'inspectant du regard

Ses lunettes sont posées sur le bout de son nez. Elle penche la tête en avant pour me regarder, ça lui donne un air sérieux mais à la fois amusant.

— Je cherche un livre, enfin plusieurs

— Et quels sont les titres de ces livres ?

— À vrai dire je n'en ai pas la moindre idée. Je sais juste qu'il sont écrits par Rodolphe Vilmont.

Son teint blêmit comme si j'avais prononcé un mot interdit. Elle ajuste ses lunettes d'une main tremblante, et ses yeux, vifs il y'a quelques instants à peine, semblent se figer dans une sorte de terreur muette. Son silence s'étire, lourd, avant qu'elle ne lâche enfin d’une voix trop précipitée :

— Je n’ai jamais entendu parler de cet auteur, navrée, mademoiselle.

Elle ment.

Ça se voit, comme le nez au milieu du visage. Mais je me retiens de pousser plus loin. Je sais que si j'insiste trop ça paraîtra suspect. Je sais aussi que si elle réagit comme ça, ces livres ne doivent pas être là, dans la bibliothèque à portée de main.

Evan aurait au moins pû me faire savoir que cet histoire de Rodolphe Vilmont n'était si simple.

— Merci quand même, dis-je en masquant ma frustration derrière un sourire poli.

Je reviens sur mes pas. Emilie et Élie m'attendent, posté à l'une des allés.

— Alors ?, s'impatiente la louve

— Elle m'a dit qu'elle ne connaissait pas Rodolphe Vilmont. Mais elle mentait

— Ah mon crâne va exploser si je cherche encore ce nom d'auteur dans un seul livre ici, dit Élie en se tenant la tête entre les mains