Le cœur plein

Chapitre XVIII - Fuir pour mieux se perdre

Les heures s'étiraient lentement, bercées par le bruit des conversations environnantes et le tintement des verres que l'on entrechoquait au bar. Installés dans leur coin légèrement en retrait, Elizabeth et Aaron laissaient les minutes filer, leurs boissons s'accumulant sur la table devant eux. Elizabeth tenait un verre de Negroni entre ses doigts, son contenu ambré reflétant son regard perdu dedans. Elle le faisait tourner distraitement, observant le liquide qui dansait contre la paroi sans réellement y prêter attention. À côté d'elle, Aaron parlait avec enthousiasme, son timbre un peu plus relâché sous l'effet de l'alcool. Il racontait une anecdote sur le tournage, un souvenir qui, à en juger par son sourire, lui semblait particulièrement amusant. Une histoire avec Chris Evans, quelque chose en lien avec un anniversaire, mais Elizabeth ne l'écoutait que d'une oreille distraite. Ses pensées, bien malgré elle, étaient encore et toujours dirigées vers Scarlett. Elle s'imaginait l'actrice dans un cadre semblable, un verre à la main, ses lèvres rouges effleurant le bord avec une sensualité insolente. Que boit-elle, au juste ? Se perd-elle dans des vins raffinés, savourant chaque gorgée comme on déguste un secret ? Ou est-elle du genre à préférer quelque chose de plus brut, plus corsé, un whisky qui laisse une brûlure dans la gorge ? Peut-être ne boit-elle pas du tout. Peut-être que Scarlett garde toujours le contrôle, insaisissable, inébranlable. Elle sentit de nouveau cette chaleur monter en elle, cette frustration sourde qui lui rappela pourquoi elle était ici avec Aaron. Pourquoi ne lui a-t-il pas déjà proposé d'aller baiser ? Elizabeth fit porter son verre à ses lèvres d'un geste plus brusque qu'elle ne pensait. L'amertume du Negroni envahit sa bouche, tranchante, presque agressive, mais elle n'y trouva aucun réconfort.

Un mouvement rapide devant ses yeux la tira de sa torpeur. Les doigts d'Aaron venaient de passer devant son visage, agitant doucement l'air pour la ramener à lui.

— "Hey... t'es avec moi ?" demanda-t-il, un sourire amusé sur les lèvres.

Elizabeth cligna des yeux, réalisant qu'elle s'était complètement laissé emporter par ses pensées. Elle inspira profondément et força un sourire, posant enfin son regard sur Aaron. Elizabeth hocha simplement la tête, incapable de répondre autrement. Parce qu'elle allait bien, techniquement. Son corps brûlait, son ventre était noué, sa peau réclamait un contact qu'elle n'osait demander, mais elle allait bien. Elle planta son regard dans celui d'Aaron, l'expression indéchiffrable, mais pourtant si évidente. Il fallait qu'il comprenne. Elle voulait qu'il comprenne. Qu'il abrège ses souffrances sans qu'elle ait à formuler quoi que ce soit. Parce qu'elle n'en avait pas la force. Parce qu'elle ne voulait pas entendre sa propre voix prononcer ce genre de demande, aussi crue et explicite soit-elle.

Alors elle attend.

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Aaron était dans la même situation qu'Elizabeth, il la désirait mais ne voulait pas brusquer cette déesse devant lui. Il ne voulait pas lui donner l'image d'un animal en rut, et pourtant, s'il s'écoutait il la prendrait, tout de suite, sur la table ou dans les toilettes. Il prit la décision de continuer à allonger le temps ensemble et de boire un peu plus pour se donner du courage. L'alcool va-t-il réellement le rendre plus confiant ou plus misérable face à Elizabeth ? Il secoua la tête, non l'alcool n'allait définitivement pas l'aider. Après un court moment d'hésitation, il posa sa main gauche sur la cuisse d'Elizabeth et observa la réaction de l'actrice. Comme il l'espérait, elle ne le rejeta pas, au contraire, elle lui lança un regard brûlant de désir qui demandait, suppliait, d'être satisfait.

Un frisson parcourut la colonne vertébrale d'Aaron lorsqu'il croisa le regard d'Elizabeth. Ce regard... Il était différent de ceux qu'elle lui avait lancés auparavant...C'était un appel silencieux, une supplication muette qui brûlait dans ses prunelles. Il sentit ses doigts se crisper légèrement sur sa cuisse, un réflexe incontrôlé face à cette tension qui s'électrisait entre eux. Le corps d'Elizabeth était tendu sous sa main, mais pas dans un mouvement de recul. Au contraire, elle semblait figée, comme si elle attendait la suite, comme si elle défiait Aaron d'aller plus loin. Il voulait la dévorer doucement. Là. Maintenant. Son sexe pulsait dans son pantalon. Il humecta légèrement ses lèvres, sa gorge devenue sèche sous l'intensité du regard.