Ton regard sur moi, ça me laisse sans voix

Chapitre 22 : Je suis désolé.

Le reste de la journée s’écoule tranquillement, mais le poids sur les épaules d’Héléna ne cesse de se faire sentir. Les répétitions se succèdent, et elle essaie de se concentrer, mais les pensées sur Lucas, Pierre, et cette situation compliquée ne la quittent pas. Pourtant, avant de retourner en salle de répétition avec Marie-Maud, elle se décide à utiliser sa minute. Sa mère, Brigitte, lui avait fait passer un message la veille. Quand Héléna l'a appelée, elle lui a dit que Lucas était passé chez elle, visiblement rongé par les remords. Il voulait s’excuser, il lui avait dit qu’il s’en voulait pour leur dernière conversation, qu’il n’avait pas voulu la blesser. C’était ce que sa mère lui avait répété avec un ton sévère. Elle, Brigitte, n’avait pas mâché ses mots en voyant sa fille dans cet état. Elle avait même disputé Lucas pour la manière dont il avait agi.

Si tu savais comme elle est mal en ce moment, tu serais encore plus désolé, lui avait-elle lancé. Tu ne vois pas qu’elle souffre à cause de toi ? Ces paroles de sa mère, pleines de bienveillance, résonnaient encore dans sa tête. Et c’est peut-être ce qui la pousse, enfin, à décrocher le téléphone. Elle compose le numéro habituel et demande à la production d'appeler Lucas. Son cœur bat plus fort qu’elle ne l’aurait voulu. C’est un peu étrange, cette sensation de revenir sur un terrain aussi glissant, mais elle a l’impression que c’est un pas qu’elle doit faire, pour elle, mais aussi pour lui.

— Héléna…

Elle reconnaît sa voix tout de suite, ce timbre qu’elle avait appris à connaître. Il semble hésitant, mais son ton est plus doux que d’habitude. Un peu plus mature.

— Lucas.

Il y a un silence, juste un instant, mais il semble peser des tonnes. Elle retient son souffle, elle ne sait pas quoi en attendre. La conversation qu’ils avaient eue la semaine dernière, avec ses reproches, ses accusations, la culpabilité de Lucas, et son cœur brisé… Tout défile dans sa tête, et elle se demande comment cette conversation va finir.

— Je voulais m’excuser. J’ai exagéré la semaine dernière. J’aurais jamais dû te parler comme ça. Je suis désolé.

Il y a une sincérité dans ses paroles qui la touche. Elle ferme les yeux un instant, la tension qu'elle a accumulé se dissipe doucement. C’est un soulagement, mais aussi un poids. Elle n’avait pas réalisé à quel point cette réconciliation, même partielle, lui faisait du bien.

— J’avais passé une mauvaise journée, continue-t-il, mais c’est pas une excuse, je le sais. Tu me manques, et… j’avais l’impression que je ne comptais plus pour toi, que je n'avais plus de place dans ta nouvelle vie.

Elle pince les lèvres, elle a ses émotions qui se bousculent. C’est difficile de répondre à ça, surtout quand elle sait qu’elle a elle aussi mis de la distance. Elle se dit que c’est bien qu’il s’excuse, mais elle se sent également coupable de ne pas avoir réagi plus tôt. Mais elle ne peut pas tout remettre sur ses épaules.

— C’est pas vrai, murmure-t-elle.

Il reste ne dit rien pendant un court instant, comme s’il pesait ses mots avant de parler à nouveau.

— Je l’espère, souffle-t-il. Je veux pas être un poids pour toi, Hélé. J’aime pas te voir éteinte comme ça. Vis ton aventure à fond, tu le mérites.

Elle hoche la tête même si, évidemment, il ne peut pas la voir. Elle ne sait pas quoi répondre exactement. Elle sait qu’il a raison, qu’elle mérite de vivre pleinement ce qu’elle fait, mais elle a l’impression de ne plus avoir les clés de cette vie. Elle se sent coincée, à la fois émue par ses paroles et paralysée par la peur de tout perdre. Et puis, il ajoute, après une brève hésitation :