Vingt-Quatrième

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Frou Frou- Hear Me Out

Le matin suivant, j'ignore d'où me vient la force de me lever et de le rendre presentable pour mon premier jour de stage. J'ai des cernes semblables à des valises et la peau est d'une paleur affolante. Même mes yeux ont perdu leur éclat. Je fais pourtant l'effort de mettre un peu de maquillage, de sourire, de faire comme si j'étais là.

Le trajet en voiture est une torture. J'ai trop peur d'allumer la radio de peur qu'une chanson me rappelle un des deux hommes formidables que j'ai perdu. Je serres le volant tellement fort que mes jointures deviennent blanches et ma levre saigne à force de la mordre. Enfin, après un trajet qui m'a paru durer une éternité, l'hôpital se dresse devant moi. Ici, je dois tout oublier. Seul mon patient et mon bilan de stage comptent.

Uniquement ça.

Je respire un grand coup et m'engage dans l'allée d'un pas qui se veut assuré et volontaire. Des internes me doublent et me bousculent, ce qui m'irrite au plus haut point et me donne envie d'en prendre un pour frapper sur l'autre.

Laisse les, ils se sentent superieurs parce qu'ils sont internes.

Je détends mes épaules et continue ma marche.

"Carmichael! Heureux de te revoir" S'exclame le docteur Drew Hoffman à mon entrée.

"Hoffman." Je le salue avec un haussement de tête.

"Comment vas-tu?"

"Si on s'en tenait à la médecine, docteur?" Dis-je d'un ton sec. J'ai conscience que jouer la pimbêche n'est pas l'idée du siècle, mais le sourire plein de sous entendus de Hoffman me hérisse le poile.

"Biensur. Aujourd'hui on sera en vistites pré-opératoires en pédiatrie."

"Génial" mon ton irronique ne lui échappe pas et il serre mon épaule en signe de soutien. Quoi de mieux que des enfants malades pour passer une bonne journée?

"Ne t'inquiète pas, on ne va pas dans le couloir de la mort..."

Drew Hoffman doit être un des medecins les plus talentueux de sa génération. Le seul problème, c'est qu'il ressemble d'avantage à un Gregory House obsédé sexuel qu'à un Derek Shepherd si vous voyez ce que je veux dire. Non pas qu'il ne soit pas beau, mais pour moi, un medecin soigne des patients, il ne charcute pas des morceaux de viande.

Toutes la mâtinée,  Hoffman et moi faisons le tour des différentes chambres, et je crois que jamais je ne m'habituerai aux regards des parents. Ils espèrent tellement, et ils ont raison, mais parfois, dans certains cas, cet espoir ne sert à rien. Les enfants, eux, semblent savoir qu'il n'y a rien n'a faire mais ils sourient pour leurs pauvres parents. Plusieurs fois je retiens mes larmes face à des enfants de 7, 6, ou 5 ans qui ont la maturité et le regard d'une personne adulte. À la pose déjeuner, je m'enfuie dans les toilettes, loin de la mort, loin des touchers de Hoffman et degurgite tout ce que je n'ai pas avalé. Jamais je ne travaillerai en chirurgie pediatrique. Ces enfants... ils sont tellement jeunes! La plupart n'atteigneront pas leurs 21 ans. Ils n'iront pas au lycée, ils n'auront pas de premiers baisers, ils ne tomberont jamais amoureux... ca me donne envie de vomir. Et Hoffman ose le dire que ce n'est pas le couloir de la mort? Cela veut donc dire qu'il y a des cas pire que ceux-là... pires que tout.

"Carmichael?" La voix de Hoffman m'appelle

"C'est les toilettes des dames Drew" dis-je en essuyant mes larmes et les traces autour de ma bouche.

"C'est les enfants pas vrai? Roxanne, tu dois t'endurcir pour ce métier. Tu ne peux pas t'enfuir dans les toilettes dès que ca devient difficile et..." je frappe dans la porte pour le faire taire. Il a raison. Je ne peux pas pleurer dès que je vois la mort dans le blanc des yeux des gens. Je sors de la cabine et me trouve face à face avec Hoffman. Il me regarde, les sourcils froncés et le regard soucieux. "Ca va aller?"

IrrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant