Troisième

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Je pensais que le temps s'était arrêté depuis que j'avais déserté avec Alexandre.

Je plisse les yeux et suis tentée de me boucher les oreilles. Les lumières clignotantes et les basses cognant dans mon crane me donnent le tournis. J'essaye de retrouver ma place au bar.

Une fois arrivée, je m'assois et cherche Sarah du regard. Je sais qu'elle n'est pas partie ca aussi bourrée qu'elle pourrait être, elle ne partirait pas simplement parce qu'elle n'arriverait pas à retrouver sa voiture toute seule. Ne la voyant pas, je déduis qu'elle doit être quelque part dans des toilettes en train de se faire sauter par le métisse de tout à l'heure.

Je soupire et commande une boisson. Je lève la tête et m'apperçois que c'est le même que le mal-poli de tout-à l'heure.

J'espère vaguement qu'il a retiré le ballet qu'il avait certainement dans le cul mais quand il balance une nouvelle fois son verre sur le comptoire, j'en déduis qu'il y est encore plus enfoncé.

"Excuse moi" je l'interpelle "je peux savoir quel est ton problème ?"

Il se retourne vers moi. Et je vois un peu mieux son visage. Il est pas mal. Dans le genre blondinet et percing à l'arcade. Ses yeux bleus me fixent comme si il avait vu un fantôme.

"Toi" répond-il simplement.

"Moi? On ne se connaît pas mec"

"C'est vrai. En revanche je connais les filles de ton genre. Celles qui ont débarqué en Californie dans l'espoir de devenir une star du cinéma, qui  viennent en boite toute la semaine dans l'optique de taper dans l'oeil d'un producteur, aussi dégueulasse soit-il. Et en plus, tu es partie avec Alex. Excuse moi poupée mais j'en ai vu qui serraient les cuisses plus fort que toi."

Je reste bouche bée. Pour qui il se prend pour me juger de cette façon? Si il savait ce que je fais réellement en Californie. J'ai envie de lui cracher la vérité au visage mais je me ravise. Ca ne le concerne pas.

"Tu sais quoi?" Je dis tandis qu'il hausse un sourcil "Vas-y parle. Crache sur le dos des clientes. Tu dois te sentir fort? Fière peut-être? Tu es ridicule. Tu ne connais la vie d'aucune des personnes ici présentes et tu te permet de juger, tranquille derrière ton comptoire? C'est pitoyable."

Il ricane et lève les yeux au ciel. "Tu ne me connais pas poupée. Ta copine en chien, elle est quelque part dans les sanitaires en train de montrer son cul à qui veut le voir. En même temps quand on a rien d'autre à montrer..."

"Pauvre mec" je me lève et lui balance le contenu de mon verre à la gueule.

Je l'entends pester mais je m'éloigne déjà vers la sortie. Je m'allume une clope pour faire redescendre la pression. Connard de barman. Si il savait que je dois me demerder pour payer la Fac toute seule et que devenir une poufiasse peroxydée pseudo actrice dans Les Feux de L'Amour est la dernière de mes embitions.

Je sors mon portable de ma pochette et compose le numéro de Sarah. Elle répond à la deuxième tonalité.

"Oui chérie?"

"Où es-tu? Je voudrais rentrer."

"Déjà? Mais il n'est même pas minuit!"

"Sarah je bosse demain."

Je peux presque l'entendre lever les yeux au ciel.

" Toi et ton boulot... j'arrive."

Et elle raccroche. J'aime Sarah. Mais parfois j'ai juste envie de lui enfoncer ses chaussures italiennes dans la gorge. Elle ne sait pas ce que c'est que de devoir se battre sans l'argent de papa et maman. Pour elle, ses arrières sont couverts et elle sait qu'elle reprendra la tête de la chaîne de magasins de son père. Elle n'a pas de soucis à se faire.

Moi, je vais en cours la semaine pour obtenir mon diplôme de médecin. Je me paye mes études. Je suis seule pour ce coup là. Les fins de mois sont difficiles et je ne vois pas toujours les deux bouts, mais au moins j'ai mon appartement et mon indépendance. Je n'en pouvais plus de ma résidence universitaire et de ma coloc' nymphomane.

Je travaille 6 jours sur 7 comme secrétaire chez Teen Vogue.

Je préfère ne pas vous dire comment j'ai eu le job.

Le claquement des talons de Sarah me sortent de mes pensées. Elle me prend par le bras et commence à me raconter à quelle point elle a tiré un bon coup ce soir. Je ne lui mentionne pas mon "aventure " avec Alexandre, je ne sais pas pourquoi, mais j'ai envie de garder ça secret. Je lui raconte cependant mon altercation avec le serveur et elle éclate de rire. Elle ne fait pourtant aucun commentaire.

Elle me dépose chez moi en me prévenant que pour elle, la soirée n'était pas terminée.

"Tu es sure que tu ceux rentrer?" Me crie-t-elle par la fenêtre.

"Certaine!" Je répond en lui envoyant un baiser volant.

Elle me retourne le geste et démarre son cabriolet.

Je monte chez moi et m'avachis sur le lit.

Je ferme les yeux et m'endors doucement.

IrrésistibleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant