Chapitre Neuf.

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La nuit est tombée et l'horloge du hall d'accueil affiche désormais vingt-deux heures passées. Les vols nocturnes sont en général moins prisés par les voyageurs mais ce soir-là, l'aéroport est en quelque sorte plongé dans une espèce d'ébullition maladive.

Il y a ceux qui ont peur de rater leur avion, il y a ceux qui s'indignent sur le retard de certaines compagnies aériennes, il y a ceux qui crient à leurs enfants d'arrêter de courir et ceux qui sont perdus.

Et parmi toutes ces catégories, parmi tout ce joyeux bordel effervescent, il y a un papa et un petit garçon qui attendent sagement sur les bancs, près du snack. Enfin, sagement est un bien grand mot quand au final, Léo s'amuse à sauter d'impatience sur les genoux d'Harry en demandant toutes les cinq minutes combien de temps encore il faut attendre. Il se conduit indéniablement mieux que les jumeaux hyperactifs qui s'évertuent à jouer à cache-cache entre les passagers, mais il ne tient plus en place non plus.

_Et maintenant ? demande sa petite voix alors qu'il scrute le hall immense comme si Louis allait débarquer par magie.

_Pas avant dix minutes, lui répond son père avec un sourire.

Mais c'est un faux sourire.
Évidemment.
Parce qu'Harry n'arrête pas de se remémorer le message vocal de son téléphone. Il n'arrête pas d'entendre la voix de Louis, saoul, lui dire qu'ils ont bien fait de se séparer.

Il l'entend lui clamer qu'il a bu.
Et il ferme les yeux.

Il n'a pas rappelé depuis, ils n'ont pas reparlé. Il lui a juste envoyé un message la veille pour lui annoncer que son avion atterrissait à vingt-deux heures quinze, et c'est tout ce qu'il a eu. Il n'a même pas répondu.
Il n'en a pas eu le courage.

Au fond, il s'en veut un peu maintenant ; mais il est aussi affreusement en colère. Il ne sait plus trop pourquoi à bien y penser, il est peut-être simplement déçu, il est peut-être simplement désespéré, mais il n'arrive pas à s'empêcher de vouloir le frapper.

Pas pour lui faire mal, non, pas pour le blesser physiquement non plus. Il veut simplement lui attraper les épaules et le secouer jusqu'à ce qu'il se réveille, jusqu'à ce qu'il prenne conscience qu'il doit arrêter son mélodrame. La vie ne s'est pas arrêtée lorsque qu'il a fait... ce qu'il a fait. La vie ne s'est pas arrêtée lorsque son avion a décollé la première fois. Il croyait qu'il l'avait compris ça. Il croyait que Louis avait compris.

Mais il s'est trompé.

C'est pour ça qu'à la minute où il va le voir fendre la foule, il a peur de ne pas pouvoir retenir sa main d'aller lui claquer la joue.

Et à la formulation de cette pensée, il s'imagine poser la main sur Louis. Il imagine la trace rouge sur sa pommette et il se fait horreur. En vrai, il est simplement blessé. Blessé à cause des paroles une nouvelle fois trop crues et dures de l'anglais.

Ils auraient pu avoir des retrouvailles dignes d'un roman de Nicholas Sparks. Ils auraient pu avoir des retrouvailles dignes d'un film de Spielberg ou d'un poème de Tennyson. Ils auraient même pu se contenter de retrouvailles tout court en fait.
Mais Louis a tout gâché.

Il a tout gâché parce qu'il n'y aura pas de retrouvailles du tout au final.

_Et maintenant ? s'enquit Léo de nouveau en le sortant de sa rêverie.

Harry rouvre les yeux dans la seconde et jette un regard anxieux à la grande horloge qui lui indique qu'il est presque vingt-deux heures vingt-cinq. Son ventre se tord et se retourne avant qu'il ne puisse réponde à son fils qu'il devrait arriver d'une seconde à l'autre.

D'une seconde à l'autre...

Il a brusquement envie de vomir tant il appréhende ce retour. Il a envie de vomir et il est obligé d'enfouir son visage dans le cou de son fils pour se sentir un peu mieux. Il a besoin d'un câlin, et Léo le serre dans ses bras avec un petit regard amusé :

The perfect sky is Torn.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant