DELETED

Chapitre 3

C'est étrange de revenir à l'hôpital.
J'ai l'impression d'en être parti depuis une éternité... alors que ça fait seulement quinze jours. J'étais si effrayé de sortir de mon cocon protecteur ! Et maintenant, je suis mal à l'aise à l'idée d'y revenir.
En plus, avec l'embouteillage monstre de ce matin, j'ai peu de chances d'arriver à mon rendez-vous de 11 heures avec le Docteur Hatten !
Adam a sorti le plan de la ville pour trouver un autre itinéraire et je cherche en vain la chaîne Info Trafic sur la radio.

- Il nous a fallu vingt minutes pour faire moins de deux kilomètres, gémit-il. A ce rythme-là, autant faire demi-tour...

- Et si on prenait la prochaine sortie ? Proposé-je.

Adam éteint la radio.

- Je ne comprends pas. Il n'y a aucun flash sur la circulation. C'est mauvais signe... Il se passe quelque chose. Jack, passe mon téléphone. Il doit être dans la boîte à gants.

Il tape sur plusieurs numéros puis colle le portable à son oreille.

- Hm.. Ça ne répond pas.

Nous montons une légère côte à une vitesse d'escargot. Des hélicoptères vrombissent au-dessus de nous. Au sommet de la colline, nous nous arrêtons à nouveau. Des sirènes retentissent et des fourgons noirs filent à toute vitesse sur la bande d'arrêt d'urgence.
Le téléphone sonne.

- Je vois..., répond Adam. Trés bien... Entendu. Au revoir.

Il raccroche.

- Il y a des contrôles routiers en amont, explique-t-il. Mais ça va aller.

La circulation reprend lentement. De l'autre côté de la M25, en sens inverse, les voitures sont immobilisées. Nous, au moins, nous avançons au pas. Puis nous sommes contraints de nous arrêter de nouveau. Des hommes en noir fouillent toutes les voitures des deux côtés.
Sauf nous...
Ils s'écartent dés qu'ils voient Adam et nous font signe de passer.

- Ce sont des Lawers aussi ? Demandé-je.

- Oui.

Je n'y comprends plus rien. Ils portent des pantalons noirs et de longues chemises noires, avec une sorte de petit gilet de la même couleur.

- Ils s'habillent en noir lorsqu'ils sont en mission spéciale. Justement ils cherchent quelqu'un aujourd'hui...

A notre gauche, la route est bordée d'immeubles jusqu'à la crête de la colline. Soudain, je perçois un éclair rapide, comme si le soleil se reflétait sur du verre ou du métal.

- Il y a quelqu'un, là haut, dis-je.

- Où ? Me demande Adam.

- Là... J'ai vu un reflet de lumière sur un objet.

- T'es sûr ?

- Oui.

Il sort à nouveau son téléphone, ses mains tremblent. Mais un hélicoptère apparaît à l'endroit que j'ai désigné et des hommes s'élancent vers le centre commercial. Adam pose son portable, il se mord la lèvre.
Une décharge de mitraillettes déchire l'air. Je tressaille.

- Ils tirent sur quelqu'un ?

Adam ne répond pas, son visage rougit puis se crispe.
Quelques minutes plus tard, la circulation reprend lentement, et Adam appelle l'hôpital pour dire que nous serons en retard.
Au moment où nous apercevons les miradors de l'hôpital, un autre barrage routier bloque la circulation.
Comme précédemment, les Lawers fouillent chaque voiture, et nous avançons de quelques centimètres. Puis ils nous font signe de continuer sans nous arrêter. Cette fois, je remarque la façon dont ils saluent Adam : ils portent leur main droite sur leur épaule gauche, puis lèvent leur paume vers le ciel.

- Pourquoi ils nous laissent passer ? Demandé-je.

- Parfois, c'est pratique d'être le fils de mon père... Et parfois non.

- Qu'est ce que tu veux dire ?

- T'as besoin de poser des questions tout le temps ? Réplique-t-il d'un ton irrité. On en reparlera une autre fois, ok ?

***

- Jack, as-tu des choses particulières à me dire avant de commencer la séance ?

Le Docteur Hatten se laisse aller contre le dossier de son fauteuil. Il m'observe. Il attend.
Je ne lui ai pas parlé de ma course douloureuse sur la plage, ni de ma peur. Sous des formes variées, c'est un rêve que je fais depuis que j'ai repris connaissance à l'hôpital, et il n'en a jamais rien su. Aujourd'hui, j'ai simplement parlé de tâches ménagères comme la vaisselle.
Hatten veut toujours entendre quelque chose de concret.. Sinon, il m'interroge jusqu'à ce que je craque, guettant mes expressions, mes gestes involontaires, mes regards...
Il n'est pas impossible de le tromper, juste difficile. Je suis comme un magicien qui doit détourner l'attention des spectateurs pour qu'ils ne remarquent pas ses manipulations.

- Je peux vous poser une question, Docteur ?

Il hoche la tête.

- Pourquoi mes rêves sont si importants pour vous ?

- Cela pourrait représenter quelque chose.

- Je ne comprends pas. Qu'est-ce que ça veut dire ?

Je soutiens son regard.

- C'est fini pour aujourd'hui.