... avant la tempête.

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Elle se trouvait dans son ancienne maison, comme souvent. Tout était calme. Paisible. Comme si tout jusqu'à présent n'avait été qu'un rêve. Puis, une brise faisait voleter les rideaux fins couleur du ciel.

Et soudain, ils n'étaient plus bleus, mais lourds de sang gouttant sur le sol. Les murs blancs éclaboussés violemment de rouge vif semblaient avoir une vie propre; les ombres mouvantes, frémissantes tendaient leurs tentacules pour l'étrangler ; les voix, les murmures de plus en plus forts l'accusaient de la mort de ses parents, un éclat de lumière, un rugissement ; ...

CRASH!

Kiara se réveilla en sursaut, grelottant de froid à cause d'un gros courant d'air.

Un courant d'air ? Elle était pourtant certaine de ne pas avoir ouvert la fenêtre le soir précédent...

« Merde ! Comment on a fait pour ne pas voir la vitre ? Ça fait mal !

-Arrête de te plaindre, Kaz, Théo est mal en point, il perd beaucoup trop de sang. » fit une voix angoissée.

Kiara tâtonna un instant avant de trouver l'interrupteur. La lumière jaillissante découvrit un spectacle assez particulier : la grande porte-fenêtre menant au balcon était éclatée en mille morceaux, et au milieu de la chambre se tenaient trois garçons, chacun mesurant bien une tête de plus qu'elle. L'un d'entre eux se tenait l'épaule avec une grimace de douleur.
Le plus étrange, dans leur apparence, étaient les ailes de papillon translucides frémissants dans leur dos et qui disparurent avant qu'elle n'ait pu les examiner en plus de détails.

Paniqués à la soudaine lumière, deux des intrus formèrent un bouclier de leur corps pour protéger le troisième qui ne semblait même pas pouvoir tenir debout tout seul. Lorsqu'ils virent que la seule autre personne dans la pièce n'était une jeune fille de leur âge, il y eu un moment de silence gêné.

L'un des deux, grand et svelte à la peau noire, à la tignasse bouclée et aux yeux noirs, ouvrait la bouche comme un poisson hors de l'eau, hésitant probablement entre C'était ouvert, On a vu de la lumière et on est entré et On a toqué, mais vu qu'aucune des trois phrases n'était politiquement correcte, il préféra déléguer la conversation à son compagnon et s'occuper de la fenêtre brisée. D'un geste de sa main valide, une vitre neuve apparue dans l'espace vide et tous les bris de verre sur le sol se volatilisèrent.

Le deuxième garçon, à la carrure assez importante et tout aussi bien proportionné, les cheveux noirs et raides plutôt longs encadrant des yeux marron noisette, supportait le poids du troisième adolescent, si couvert de sang que l'on ne distinguait plus ses traits à l'exception de ses cheveux argentés.

« On est vraiment désolés de débarquer à l'improviste, mais il y a une urgence. » dit-il en désignant son fardeau. « Est-ce que tes parents sont là ? Est-ce qu'ils peuvent appeler un médecin ? »

Kiara les observa un instant ; elle réfléchissait. S'ils parlaient de parents alors que tout le monde savait que tous les habitants de la petite maison étaient orphelins, ils n'étaient pas du coin. De plus, ils ne paraissaient pas avoir peur d'elle comme tous les villageois ; autrement dit, ils ne connaissaient pas les rumeurs. Elle prit sa décision. Elle se pencha sur le blessé, pris son pouls et repéra d'un coup d'œil plusieurs coupures sévères dans le T-shirt et sur la cuisse du garçon.

« Je m'appelle Kiara. Suivez-moi sans faire de bruit, les enfants dorment à côté. »

Elle attrapa une clef suspendue à un clou au-dessus de sa table de chevet et, sans vérifier si les trois garçons lui emboitaient le pas, la jeune fille descendit les escaliers. Elle s'arrêta un instant au rez-de-chaussée pour regarder l'heure à la pendule aux aiguilles phosphorescentes, et continua jusqu'à la cave en se demandant ce que trois ados pouvaient bien fabriquer dehors à trois heures du matin. Elle s'arrêta devant une lourde porte barricadée et semblait-il impossible à ouvrir. Elle prit la clef et l'introduisit dans une serrure si bien dissimulée qu'il fallait savoir qu'elle était là pour la voir.

Kiara: le glacierOù les histoires vivent. Découvrez maintenant