Partie 15

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  "Euh...je ne sais pas. Je ne crois pas que ce soit une bonne idée..."
Je ne peux pas l'autoriser à m'embrasser, car je sais que je vais ensuite le blesser, en me présentant devant lui aux côtés de Mr.Lehman. Et puis, si j'accepte de l'embrasser, il pensera tout de suite que je lui retourne ses sentiments, ou qu'il y a une lueur d'espoir, et ce n'est pas le cas...n'est-ce pas ? Je ne suis pas amoureuse de Craig, hein ?
"Alicia...
- Craig...
- Un seul...je t'en prie...
- Je suis désolée...je ne peux pas..."
Je tourne ma tête sur le côté, de sortes à ne pas le regarder, car ces temps-ci, je ne supporte plus de le regarder...sa vision ne me dégoûte pas, non, elle m'attire au contraire. Chaque fois que nos yeux se croisent, je me sens fondre au plus profond de moi et une montée de chaleur m'empreigne de la tête aux pieds, comme une remontée de lave dans un volcan. Je ne peux expliquer ce sentiment avec des mots justes, mais, en tout cas, c'est fort.
"Ce n'est pas grave. Je me sers tout seul, alors."
Il me vole encore un baiser, puis lâche un énorme rire.
"La tête que tu fais !
- Tu me prends toujours par surprise, surtout quand je suis en perpétuelle réflexion !
- Madame a sorti un grand mot !
- Moque-toi de moi...esclave.
- Esclave ? Moi ?! Je te rappelle que c'est toi qui viens de te faire embrasser contre ton grès !
- Oui, mais je te rappelle que c'est toi qui est toujours à mes pieds, me priant ceci et cela, et sans cesse à ma quête !
- Et alors ? C'est de l'amour ça, pas de la soumission, ma chère !
- Je trouve plutôt que c'est de l'amour SOUS soumission !
- Ah, parce qu'en plus, tu te penses supérieure à moi ?
- Evidemment. Juste me voir avec un autre homme te raidit la queue !
- Je pense plus que ça me la ramollit...
- C'était une expression ! Comme avec les loups ! Plus ils deviennent agressifs, plus ils ont la queue levée et raide !
- Je suis un loup et ma queue ne se lève qu'en état d'excitation...quoique, en étant excité, je peux être agressif...
- Je ne veux pas en entendre plus, c'est dégoûtant !
- Dégoûtant ? Si ma queue te repousse, je me demande ce que tu aurais fais en voyant celle de Liam !
- Je ne vois pas le rapport entre Liam et notre conversation.
- Sa b*** est très moche !
- Je n'ai pas besoin de le savoir.
- C'est vrai, vu qu'il n'y a que la mienne qui t'intéresses, n'est-ce pas ?
- Pas du tout, tu racontes n'importe quoi !
- Avoue-le, ça t'a plu d'en voir une vraie, une belle et dure...
- Non !
- Vous niez ? Honte à vous, mademoiselle ! Ne vous a-t-on jamais appris à ne pas mentir ?
- Je ne mens pas...enfin, ce que j'ai dit est à moitié vrai, donc je ne vois pas en quoi j'ai menti ! Et cesse de parler comme un...noble.
- A moitié vrai...donc ça t'as quand même plu ?
- Non, c'était comme tes baisers, c'est tout !
- Comme mes baisers ?
- Ambigües !
- Parce que les baisers c'est "ambigüe", maintenant ?! Dit tout simplement que tu ne les as pas aimés !
- Je n'ai pas dit que je les ai pas aimé, j'ai juste ressentie des sensations très vagues, comme toujours avec toi...je ne sais même plus si je dois te considérer comme un ami, ou un amant..."
Je m'arrête soudainement de parler en me rendant compte de l'ampleur de la situation. On s'est tellement laissé aller par les mots que j'ai finis par avouer ce que je ressentais vis-à-vis de Craig !
"Un amant ?
- Enfin...
- Ne cherches pas d'excuses, tu as dis "amant" !
- C'était...
- Tu as dis "amant" !
- Je...
- "Amant" !
- Et alors ?!? J'ai le droit, non ? Je pense ce que je veux de toi, et si j'ai envie de te voir comme un amant parce que je vis des moments embarrassant avec toi, des moments que je suis censée vivre avec l'homme de ma vie, c'est-à-dire mon mari, je le fais !"
Craig se lâche d'emblée sur sa chaise et se cache le visage dans ses grandes mains. Mon petit doigt me dit qu'il est embarrassé, ses lobes d'oreilles sont rouges.
"Alicia...J'en ai marre de toi...
- Pourquoi ?
- Tu me mets dans des états de folies...
- Tu es...fâché ?
- Non, enchanté...
- Pourquoi ?
- Tu m'as choisis comme amant...c'est encore mieux que je ne le pensais !
- Je ne vois pas en quoi c'est mieux..."
Il libère son visage et implante ses doux yeux bleus dans les miens. Puis, instantanément, il m'attire vers lui, m'étreins de ses bras, niche sa tête dans ma poitrine, puis la frotte dessus, avant de redescendre et de me déposer un bécot enfantin sur le ventre.
"Euh...tu fais quoi, là ?
- Je câline ma maîtresse.
- ...sale taré. C'est dans ces moments-là qu'on doute de ta folie...
- C'est vrai. Je suis fou.
- Fou de moi, je sais.
- Non, fou de moi. Je m'aime.
- Tu t'aimes ?!
- Bah oui, je m'aime, et je me gratifie d'avoir été aussi ingénieux ! Car sinon, je ne serais jamais tombé amoureux d'une fille comme toi, et je l'aurais regretté..."
Je l'admets, pour une surprise, c'en est une...on ne s'était jamais déclaré à moi de la sortes, et je n'ai jamais entendu une telle tirade, même pas dans les films...
"Bon, lâche-moi, maintenant...
- Non.
- Et tu n'as toujours pas répondu à ma question !
- Laquelle ?
- Qu'est-ce qu'il y a de mieux à être un amant ?
- Hé hé ! Bah, si tu aimais pleinement ton mari, tu ne serais pas allée à la recherche d'un autre homme, et tu ne serais pas tombée dans ses bras. Au contraire, tu aurais été complétement fidèle à ton époux, ce qui n'est pas le cas...et ça, ça veut dire que tu as tout de même une part de sentiments pour moi, parce que tout être ne dévoue de relation avec autrui sans sentiments...une petite portion d'amour...une attirance..."
Plus il parlait, plus j'avais l'impression qu'on m'enfonçait des flèches dans le dos. Il a entièrement raison ! Si j'aimais Liam de tout mon cœur, je n'aurais pas pensé à Craig, ni tenté de le voir à plusieurs reprises. Je ne me serais pas autant inquiété pour lui, et je ne l'aurais pas laissé agir ainsi avec moi...
Et puis, quand il dit ça, ça me fait penser à ma mère, à son père et à Liam. Ma mère n'a peut-être pas lâché mon père du tac-au-tac, elle devait l'aimer, elle aussi. Et le père de Craig aussi, il les a surement quittés pour une bonne raison. Et puis, si Liam avait pitié de Craig, il ne serait jamais allé aussi loin pour lui...
"Craig...
- Mmh ?
- Ce que tu dis...c'est vrai. J'ai peut-être des sentiments pour toi...MAIS JE N'AI PAS DIS QUEL GENRE, alors calmes-toi !
- Boouhh...
- Arrêtes de faire la gamin...Et...tu devrais parler à ton frère.
- Liam ? Pourquoi ?
- Je pense qu'il a besoin de savoir que tu l'aimes, que tu tiens à lui...
- ...Tu as le don pour gâcher l'ambiance."
Il me délaisse, se lève et commence à débarrasser la table.
"Ecoute, ce que j'essaie de te faire comprendre, c'est qu'il faut arrêter de réfuter tes sentiments pour lui, justement.
- Mes sentiments pour LUI ?!
- Oui ! Toi-même tu l'as dis, "tout être ne dévoue de relation avec autrui sans sentiments...".
- Et ? Je n'en vois pas le rapport entre Liam et moi !
- Liam ne t'aurais pas accepté dans sa famille s'il ne t'aimait pas ! Il n'est plus question de pitié, là, mais d'amour ! D'amour fraternel ! Je ne pense pas que Mr. Lehman t'ai toléré par compassion, je conçois plutôt qu'en te voyant, il s'est dit qu'il se devait de t'accepter en tant que frère, et qu'il en était fier. Il se pensait fils unique, et il l'est resté jusqu'à ton arrivée, et en tant que fille unique, je peux t'affirmer que la plus belle chose qui puisse nous arriver, c'est d'avoir un frère ou une sœur, quelqu'un qui puisse nous comprendre et avec qui on pourrait partager tellement de bons moments, de souvenirs, de secrets..., alors je pense que Mr. Lehman n'a ressenti que de la joie en te voyant. Quoi de mieux comme cadeau d'anniversaire qu'un petit frère ?! En plus, il avait perdu sa mère, alors ton arrivée au monde et dans sa vie ne pouvait être vue que comme un cadeau du ciel !!
- Comment tu peux en être aussi sûre ? Tu ne le connais pas !
- Et toi, tu le connais ? As-tu, ne serait-ce qu'une fois, essayé de lui parler et tenté de comprendre ce qu'il ressentait vraiment pour toi ? Il a été le seul à tes côtés, depuis le début. C'est ton père le méchant, dans l'histoire. Mais Liam, lui, il t'a toujours protégé, t'as toujours aidé, et regardes, là encore, il est en train de faire construire une maison pour vous deux, pour que vous puissiez finalement vivre ensemble, sans problèmes, et sans haine...
- Il...
- Il quoi ? Réfléchit, bon sang ! Tu penses vraiment que s'il s'apitoyait sur ton sort, il prendrait aussi soin de toi ? Non, il aurait cherché à t'abandonner, pour ne plus avoir de fardeau sur le dos, comme que tu peux le penser...
- ...
- Réfléchit-y bien, Craig. Car, c'est en te blessant que tu le blesses, et c'est en le blessant que tu te blesses, car, au fond, tu sais à quel point il compte pour toi et influence tes sentiments..."
Je le laisse debout, devant la table, en pleine réflexion, et ramasse mon assiette de pâtes, encore remplie, pour la déposer dans la cuisine. Je ne regrette pas mes paroles, il méritait de connaitre mon avis et d'être conseillé.
"Je vais lui parler..."
Je me retourne rapidement.
"Vraiment ?
- Mais à une condition.
- Tout ce que tu veux ! Enfin, non, pas tout...
- Tu devras faire de même avec ta mère."
Ma mère...ah, oui, c'est vrai que je vis la même situation avec elle que Craig avec Liam, et qu'elle mérite elle aussi un peu d'écoute et d'attention.
"D'accord...mais tu viens avec moi.
- Je ne vois pas à quoi je te servirais.
- A me réconforter.
- ça sera à elle de le faire, Alicia. Il faudrait compter sur ta mère un peu, de temps en temps. Car, rappelle-toi, elle a souffert pour toi plus que ton père. Ce n'est pas lui qui t'as sortie de sa ch****, tout de même !
- C'était le détail à ne pas connaitre.
- Hé hé, je sais. J'aime te brusquer, et te frustrer aussi par la même occasion.
- Idiot."
C'est un idiot, mais il n'a pas tort. Je devrais peut-être me laisser materner, un peu. Il ne faut pas que je blesse les sentiments de ma mère aussi maladroitement...
"Et manges tes pâtes, abrutie.
- Je n'ai plus faim.
- Je vais te les faire avaler en te faisant du bouche à bouche, alors !
- Non, c'est bon, j'ai à nouveau faim !"
J'attrape l'assiette que j'ai déposé et me remet à manger, comme une gentille petite fille, toute sage, face à son papa...


*
Le reste de l'après-midi, nous l'avons passé à regarder les 3 volets du Roi Lion, et, honnêtement, je ne m'attendais vraiment pas à ce que Craig soit aussi sensible. Déjà que lorsqu'il m'a proposé de les regarder, j'en suis restée stupéfaite, alors vous imaginez que quand je l'ai vu sangloter à chaque fois qu'un des personnages mourrait, ça a été pire. Mes yeux sont sortis de leurs orbites.
« Je viens d'avoir Liam au téléphone, il sera là d'ici 5 minutes. T'es prête ?
- Ouais
- Tu n'as rien oublié ? Pas de cartes, d'argent, de bijoux ?
- Rien. Tout est là.
- Et ta culotte ?
- Moque-toi de moi, abrutie. »
Il dit ça, parce que, vu que je n'avais pas de culotte de rechange, j'ai dû laver la mienne et la repasser, ce qui m'a pris une bonne vingtaine de minutes. Et pendant que je la repassais, je portais mon jean...sans culotte en dessous.
De toute façon, il peut dire ce qu'il veut, je m'habitue petit à petit à ses références. Au début, il est vrai que ça me cassait les pieds de toujours l'entendre dire des conneries du genre, mais désormais, je les accepte, ils font partie de sa personnalité et je ne peux m'empêcher de les accepter, ni le dissuader d'arrêter (j'ai déjà essayé maintes fois, même à l'hôpital, mais ça n'a pas marché...).
« Sinon...tu t'es bien amusée ?
- En vérité...non.
- Ah...
- Tu vas devoir te rattraper le week-end prochain, Craig. »
Un sourire se trace d'emblée sur son visage et je vois ses yeux s'illuminer.
« Tu reviens ?
- Apparemment, oui. Si je suis la bienvenue !
- T'es toujours la bienvenue !!
- Alors, oui.
- Cool ! Il y a quelque chose de spécial que tu désireras manger au déjeuner et au dîner ?
- Craig, j'ai encore une semaine pour y réfléchir.
- 5 jours !
- C'est ça. »
Il se met alors à sautiller à gauche, à droite, fou de joie. Ce qu'il peut être chou...
« Et, Craig, tâche de t'habiller correctement, s'il te plaît. Tu vas attraper froid, comme ça.
- Ouais ! »
Je ne comprends pas pourquoi il se promène sans cesse en pantalon de jogging...et je ne crois que je ne veux pas même pas savoir. Chaque fois que je lui pose une question, on va plus loin que la réponse.
« Liam est là, il t'attend dans la voiture.
- Cool. Bon, bah...salut.
- C'est nul comme au revoir.
- Alors...à demain ?
- Niet.
- A demain, Craig ?
- Niet.
- A demain...chéri ?
- C'est mieux. Et mon bisou ?
- Salut. »
Je ramasse mon sac à main, ouvre la porte d'entrée, et sors de la maison. Mr. Lehman est garé devant la maison d'à côté. Je fais un pas, puis, pour je ne sais quelle raison, je recule en arrière, retourne voir Craig.
Je me pose devant lui et l'embrasse d'un vif baiser, comme une plume lui frôlant la peau. A peine séparée de lui, j'accoure dehors, embarrassée, pour me faufiler à ma place, dans la voiture de Liam.
Je crois que je deviens...bizarre.  


Chronique d'une fille AmoureuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant