Partie 22

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Les lèvres de Liam ne sont plus qu'à quelques centimètres des miennes. Je reste indécise pendant qu'elles se rapprochent de plus en plus. Ce jeu de pas est dangereux, je risque de nous faire de faux espoirs, de lui faire croire que je l'aime encore et toujours aussi fort, et de me faire supposer en un amour réciproque qui ne peut être partagée. Hélas, que faire ?! L'homme que je rêve d'embrasser, et même de "me faire" (comme le dirais Craig) depuis si longtemps, est sur le point de me bécoter à une seconde reprise. Et encore une fois, comme l'aurais dis Craig, c'est peut-être la "deuxième", et pas la "seconde". Si je le laisse faire, il en fera de même que Craig et tentera de s'y reprendre à plusieurs reprises. Non, je ne peux le laisser faire et accepter ce genre de profit. J'ai envie de dire, mes baisers sont précieux ! A par Craig, je n'ai jamais embrassé de garçon aussi facilement, même pas en maternelle, où on s'amuse en général à se faire des bisous par-ci, par-là, sans en comprendre l'importance.
"Alors, Alicia ?
- Je ne sais pas...
- Il n'y a qu'un moyen de savoir..."
Il colle alors ses lèvres sur les miennes, sans les bouger. Elles ne font que se toucher, rien de plus. Je m'en souviens bien que, quand Craig me prodiguait ce genre de baiser, cela m'embarrassait vivement, et je ressentais tout de même quelque chose, mais là...rien.
"Je suis désolée..."
Liam est alors surpris de me voir éloigner sa bouche de mes mains. Je suis toute honteuse. Cela ne devait pas se passer comme ça, je devais ressentir des pétillements dans tout le corps, des batteries au cœur, et une tempête aux poumons, m'empêchant aléatoirement de respirer. Mais non, rien de cela ne s'est produit. J'ai juste eu l'impression d'être collée à un mur...POURQUOI ?! Pourquoi il en est ainsi ?! Est-ce que ça prouve que...Oui, c'est ça !! C'est vraisemblablement ça !




*

(DANS LA PEAU DE CRAIG)

Je les ai vu. Ils se sont embrassés. Et elle en est tellement embarrassée qu'elle lui clos la bouche de ses mains, et qu'elle gigote sans en comprendre la raison. Quoique, si, c'est compréhensible. Elle vient d'embrasser la personne qu'elle aime depuis des mois. Et moi, là-dedans, qu'est-ce que je peux faire ? Qu'est-ce que je DOIS faire ?! On me dit tout le temps de penser au bonheur de la personne que j'aime, mais, il m'est impossible d'accepter cette liaison. Je ne peux pas lui léguer mon premier amour aussi facilement et aussi rapidement. Cela dois faire quoi, 3 semaines, qu'il la connait, qu'il l'a remarqué, et il peut déjà en prendre la possession ?! Non, ce genre de fait est inadmissible ! Moi, cela fait des mois que je la suis du regard. Des semaines et des semaines. Je l'espionnais comme elle espionnais mon frère, je suis même allé jusqu'à chercher son nom et ses coordonnées dans les fiches élèves du secrétariat, où j'aurais facilement pu me faire prendre. Et pourtant, même en sachant qu'elle avait une mauvaise vision de moi, à cause de ma putain de réputation, j'ai continué à la chercher. Et, si je m'en souviens bien, le jour où on m'a fait changer de groupe d'anglais, et qu'on m'a placé dans le sien, ce fut le plus beau jour de ma vie. Enfin, le premier. Parce qu'après, il y en a eu des centaines, comme celui où elle m'a embrassé, de son propre grès, avant que cette garce d'Emilie ne survienne des ombres et casse toute ma joie. Quelle salope, celle-là ! Elle n'aurait pas pu rester avec mon frère, au lieu de le lâcher comme une pierre dans le vide ?! Cela aurait arrangé tous nos problèmes. Alicia aurait très rapidement laissé tomber ses sentiments à son égard, et, après qu'elle se soit effondré en larmes, j'en aurais profité pour la réconforter et la faire tomber à mes pieds. Bon, d'accord, dit de cette façon, ça fait "salaud qui profite de la faiblesse d'une meuf pour la sauter", mais ce n'est pas du tout le cas ! Je l'aime, moi, Alicia. Et c'est justement pour elle que je fais autant d'efforts. Toutefois, je ne peux faire comme la mamie me l'a conseillé, la laisser "vivre heureusement". Non, mais, vous me voyez moi, assis à la même table, avec Liam et Alicia, en train de les féliciter pour la réciprocité de leur amour ? Nullement !! C'est comme si une femme invitait le frère de son mari à dîner, frère qui est entre autres aussi son amant. J'aimerais bien voir la tête du mari en apprenant qu'elle entame un régime grâce au frère (pour ceux qui ne comprennent pas, les rapports sexuels font perdre du poids, un peu comme lors d'un régime. En outres, cela veut dire qu'elle passe son temps à se sauter avec). Je n'accepterais jamais leur amour mutuel. Jamais.




*

Dimanche 25 mars :

(DANS LA PEAU D'ALICIA)

La soirée d'hier fut gigantesque ! Après être retournés à l'intérieur, Liam et moi, les autres ont réussi à nous faire passer une soirée de fous ! On n'a pas arrêté de danser sur des chansons de tous genres, allant du français à l'espagnol, en passant par l'anglais, l'arabe, et même le coréen ! Ensuite, ma mère s'est finalement sentie intelligente et nous a ouvert une dizaine de bouteilles de champagne (en tout cas, c'est moins dangereux que le whisky, et meilleur que de la bière !) et on a trinqué en mon honneur. Et au final, on a mangé un big, big gâteau d'1m30 de haut (je vous assure !) et cela nous a tous troublé de voir Papy retirer son dentier pour attraper la grosse fraise qui se trouvait dessus. J'ai même failli en vomir...
Mais bon, en fin de compte, on en a tous pris un bout (du gâteau, pas de la fraise hein, parce que sinon, vivement les urgences !) et on a continué à s'amuser comme des fous, avec la musique à fond et le champagne à volonté. Le plus drôle, ça a été de voir Stan nous faire un strip-tease. Il portait un soutien-gorge et un string, et s'était même offert à moi en tant que cadeau, mais j'ai malheureusement dû le refuser, surtout après avoir aperçu le regard perdu de Sandra. On dirait que le feeling passe bien entre eux.
Le seul hic, ça a été d'être à la fois à côté de Craig et de Liam. Dès que je tournais la tête vers l'un, j'avais l'impression que l'autre me toisait fort, à croire que je n'ai désormais plus le droit de m'adresser à l'un sans prendre l'accord de l'autre, ce qui me déplaît assez. Je ne sais même plus comment me comporter avec eux...Et puis, Craig n'a pas cessé de me foutre des feintes, chaque fois que j'essayais de l'aborder ou même de l'approcher, chose qui me déçois plus que tout. Je n'aime pas ce genre de personne, qui joue au gamin à longueur de journée !!
"Tu comptes faire quoi de ton dimanche ?"
Evidemment, Sandra reste ici jusqu'à mercredi prochain. Ce sont les seuls jours durant lesquels elle peut se permettre de louper des cours, et ses parents l'ont en autorisé.
"Huuum...je ne sais pas. Il faut d'abord que je m'occupe du rangement de la maison."
Evidemment, le salon est en bordel, après une telle fête. Mes parents s'en sont un peu occupé, mais il reste encore beaucoup à faire.
"Et après ça ? Qu'est-ce que tu comptes faire d'eux ?"
ET EVIDEMMENT, TOUT LE MONDE A DORMI ICI !! TOUT-LE-MONDE ! Ma mère n'a même pas hésité à sortir les matelas qu'on stockait dans la chambre d'ami, ni les draps et les couettes qui trônaient avec. Et, en plus de tout, mes grands-parents ont osé dormir dans mon lit, mon propre lit, pendant que moi je me lamentais à dormir par terre, entourée de deux ronfleurs (Craig et Stan), et d'une casse-pieds (Sandra), qui a justement décidé de me casser les pieds, en me foutant des coups de pieds dans le visage, environ toutes les 5 minutes. Et pour combler le tout, Mr. Lehman nous a tous emmouscaillé de 7h à 7h30, avant qu'on réussisse à lui faire comprendre qu'on est dimanche, et qu'on n'a donc pas cours...LE PUR BONHEUR !!
"Les filles, vous voyez bien qu'ils ne sont pas encore réveillés, laissez-les se reposer et venez plutôt m'aider à préparer le petit-déjeuner. J'ai besoin de quelqu'un pour me surveiller les pancakes.
- Mama, tu ne vas tout de même pas en faire pour 30 personnes ?!
- Oh que si !
- Pourquoi ne pas commander des croissants et des pains-au-chocolat ? Ou autre chose.
- Tes grands-parents tiennent à en manger. Alors pourquoi ne pas en faire pour tout le monde ?
- Si tu a la foi...
- Par contre, tu serais gentille si t'allais me chercher le sirop d'érable dans la réserve.
- Okay...".
Je dépose l'oreiller que j'avais en main et m'en vais répondre à sa demande. Après 5 bonnes minutes de recherche, je finis par lâcher l'affaire et retourne voir ma mère.
"Il n'y en a plus.
- Aurais-tu l'amabilité d'aller en chercher ?
- Où ça ? A l'épicerie du coin ?
- Oui. Tu en profiteras pour acheter du fromage râpé et du thon.
- Pour les pancakes ?!?
- Mais non ! Ce midi, je compte faire des pizzas.
- POUR 30 PERSONNES ?!?
- Ahahahaha, calmes-toi, hija ! Seulement pour tes grands-parents, Alan, toi et moi. Et puis Sandra, Craig et ton professeur aussi. Et le petit Stan, par la même occasion.
- Ok, donc pour 30 personnes.Je te prends les quels ?
- Comme d'habitude. Ni trop chers, ni trop pas chers.
- Logique. Bon, bah, j'y vais.
- Je peux t'accompagner ?"
Sandra se plante devant moi, le sourire aux lèvres. Elle est déjà habillée et prête à partir.
"Bien sûr ! Let's go !"
En trente secondes chrono, je m'habille de mon manteau et on se sauve. Je ne tiens pas à ce que ma mère me donne toute une liste de choses à faire et à acheter, tellement j'ai la tête dans mes chaussettes. Je ne sais plus quoi penser de Liam et Craig...
"Alors ? Tu comptais me l'annoncer quand ?
- Quoi donc ?
- Bah, ta mise en relation avec Craig !
- Oh, non, Sandra ! Ne commence pas, toi aussi.
- Pourquoi ? Je ne vois pas pourquoi tu en as honte..
- Ce n'est pas une question de honte, d'embarras, ou de je ne sais quelle autre opprobre, c'est juste que...son frère me dérange...enfin, non, il ne me dérange pas, il me brouille ! J'ai l'impression d'avoir le choix entre une relation préjudiciable et une relation...putride.
- Attend, tu veux dire le Lehman dont tu me parlais, c'est le...
- Oui, le prof'. Le grand frère de Craig, justement. Mais beaucoup de choses se sont produites depuis le temps, et désormais, j'ai l'impression que mon cœur est séparé en deux.
- Bah comme tes ventricules gauche et droit...
- Ce n'est pas drôle, Sandra !
- Excuses-moi. Mais, honnêtement, dans ton cas, je ne peux pas t'aider. Tu as le choix entre un beau goss de ton âge, prêt à changer pour toi, et un vieux de 30 ans, déjà marié, père et divorcé ! Réfléchis un peu.
- L'amour n'a pas d'âge, Sandra ! Et puis, j'y ai réfléchis, mais...en fait, ce qui me perturbe le plus, c'est mon affection pour Craig. Je ne comprends pas comment j'ai fais pour autant me rapprocher de lui.
- Tu l'aimes, tu n'y peux rien.
- MAIS POURQUOI ?
- Alicia, ce n'est pas une question qu'on se pose en ce genre de situation ! Ce que tu peux être sotte, toi aussi. Si tu l'aimes, c'est pour une bonne raison !
- Et Liam, dans tous ça ?!
- Tu l'oublies...
- Mais...
- Ecoute, je me suis mariée.
- Et...QUOI ?"
Toutes mes fonctions se paralysent.
"Pardon ?
- J'ai...j'ai épousé un homme...de 29 ans...au Mexique.
- Comment ça ?! Tu n'as que 16 ans, ça vous fait 13 ans de différences !! Tu ne peux pas te marier aussi jeune ! T'as pensé à tes études ? A ton futur ? Et tu l'aimes, au moins ? Et c'est quel genre d'homme, même ?
- Alicia...c'était un mariage arrangé. Mes parents n'ont plus d'argent, ils n'ont pas eu le choix. C'était le seul moyen pour moi de continuer à vivre, pour étudier et espérer en un bel avenir.
- QUEL BEL AVENIR ?!
- Il n'est pas violent. Il fait un métier dangereux, mais quand il est avec moi, il est adorable. Avant-hier encore, il a tout laissé, tout annulé, pour m'accompagner jusqu'à l'aéroport...et quand il m'embrasse, il le fait toujours avec mon accord. Il est vrai qu'il tente parfois de me forcer à l'embrasser, mais il le fait tellement gentiment...que je ne vois même pas pourquoi j'utilise le terme "forcer". Je ne sais pas si mon amour pour lui est aussi fort que le sien envers moi, mais...il n'est pas méchant.
- Sandra, merde ! T'es jeune ! Et les mariages sans amour ne durent jamais longtemps !!
- Et toi, alors ? Tu penses que c'est en agissant de la sortes que ton amitié avec eux va durer ? Rends-toi à l'évidence que plus l'attente est longue, plus la perte est grosse !!"
Elle a raison. Je lui fais la leçon, mais moi-même je joue un jeu dangereux..
"Alicia, un conseil, si tu dois choisir entre deux personnes chères à ton cœur, préfère celle qui se bat pour toi à celle qui ne fais que te défendre, celle qui devient douce et attendrit en ta présence à celle qui l'est à longueur de journée, et avec tout le monde, celle qui te protège tout en te faisant la leçon à celle qui te conseille, et celle qui te poursuit, même dans les moments les plus difficiles, à celle qui ne fait que te chercher..."
Il n'y a qu'une seule personne à agir de la sorte avec moi dans ce monde, et c'est Craig. Mais je ne peux m'empêcher de songer à Liam. Je l'aime, lui aussi. Pas aussi fort qu'avant, mais je l'aime. Je sais que je l'aime...je l'aime !!



*


Le temps qu'on y revienne, la maison est passée de Tchernobyl au Sahara. Il n'y a plus aucune crasse, et tout le monde est levé. Ils sont tous assis dans le salon, et dégustent tous les pancakes de ma mère, encore en train d'en faire, dans la cuisine.
"Vous êtes enfin de retour !
- Euh...ouais. Mais j'ai l'impression qu'on est parties il y a des heures. Vous avez tout rangé ?!
- Oui. ça a été très facile, vu le nombre de personnes qui s'y sont mis. Et puis, si je puis m'y permettre, le petit Craig est un sacré rapide.
- Craig ?! Lui ?! Il ne sait même pas ranger son armoire à slips !
- Je t'en remercie."
Craig se manifeste abruptement derrière-moi et me bouscule dans la foulée.
"Pardon."
Quel ton glacial...
"Il s'est passé quelque chose, entre vous ?
- Non, pas que je saches...Il est comme ça depuis hier...
- ...les hommes, alors !
- Ha ha, et c'est toi qui dis ça !
- Quoi, moi ?
- Je te rappelle que c'est toi qui est mar..."
Sandra me clos violemment la bouche de ses mains.
"Chuuut ! Je ne l'ai encore dis à personne, même tes parents ne sont pas au courant."
Ma mère se retourne alors vers nous.
"Allez manger un peu, vous aussi.
- Avec grand plaisir, Tatie."
On se précipite d'emblée dans le salon, avant de s'asseoir dans un coin, chacune de son côté. Sandra s'est installée près de Stan, ce à quoi je m'attendais, vu comment ils s'entendent bien. Moi, je me suis placée au hasard, entre deux personnes qui se sont avérées être, par la suite, Craig et Papy.
« Je suis désolée, je vous dérange ?
- Nan, ma poule. Tu m'as bien manquée.
- Papy, on s'est vu pendant toute la semaine.
- Je sais, mais tu m'as tout de même manquée. Hein, p'tit gars ? Elle t'as pas manqué, à toi ?
Craig – Ah, euh, oui.
PapyTon petit cœur est content, maintenant ?
Craig & Moi – Moi ?!
PapyTiéhéhéhéhéhé, vous êtes beaux, tous les deux. »
Je me prends alors d'embarras et baisse la tête, de sortes à le cacher avec mes cheveux.
« Alors ma poule, à ce qui paraît tu t'es fait "niquer" ? »
Je lâche mon verre de jus, tandis que Craig s'étouffe avec son morceau de pancake. Les personnes aux alentours, ayant toutes entendues la remarque, me toisent alors du regard, toutes interloquées et attendant ma réponse avec promptitude.
« J-je ne vois pas de quoi tu parles...
- C'est l'p'tit gars qui m'la dit.
- Craig ?!
Craig – Je n'ai pas dis ça, j'ai dis « embrassé » !
Papy – C'est l'même.
AliciaPapy, c'est différent !
MamieC'est comme confondre ta chatte avec ton trou d'balle.
AliciaGranny !!
PapyTiéhéhéhéhéhé, tu l'as dis, ma poule !
MamieFais pas ta timide, on t'la trouera, à toi aussi !!
AliciaMais vous êtes dégueulasses !
Papy – Tiéhéhéhéhéhéhéhé-touss-touss-touss !
Alicia – Et voilà. »
Je me lève et lui tapote le dos.
« ça va mieux ?
- J'crois que tu m'as libéré le gosier, et pas que !
- Roooh, papyyyy !!! »
Tout le monde se met alors à railler de lui. En tout cas, ça mets de l'ambiance, et ça nous change un peu de l'atmosphère incommode qui pesait sur nous, ou du moins, sur Craig, Liam et moi. Tiens, en parlant de Liam, je ne l'ai pas vu depuis mon retour avec Sandra.
« Où est Liam ?
Craig – Il est rentré. Alice lui a encore fait des siennes.
Mamie – Alice ?"
Dans ce genre de situation, j'aurais aimé que mes grands-parents ne comprennent pas le français...
MoiIl a une fille qui porte le même nom que moi.
MamieManquerait plus que ce soit toi, hahahaha !
CraigC'est plutôt une bonne chose."
Et depuis quand il comprend et parle l'anglais, lui ?!
Stan – Pourquoi ?
Lucie – T'imagine la tête de la mère.
Ma mère (qui apparaît soudainement) – Hey, je ne t'autorise pas.
Alan – Fais gaffe, elle est pire qu'une kalachnikov !!
Moi – Ahahahahaha ! Bien joué, Alan !
Ma mère – Roooh, vous deux !
Papy – Kalachnaquoi ?
Mamie – Aucune idée. Ça doit encore être une création de l'homme.
Moi – C'est une arme très puissante. « 600 coups par minutes », hein, Alan ?
Alan – Y a que ça de vrai !
Mamie – Dommage que ton Papy n'a pas ça à la place de son pénis.
Alicia – Aaaaah, noooon, mamiiiie !! »
C'est dégueulasse ! Je ne crois pas que ça va m'aider à finir les deux pancakes qui trônent dans l'assiette que ma mère vient de me déposer. Et puis, le sirop d'érable là, il me dégoûte encore plus...
« T'en veux pas ?
- Non, tu peux les prendre, Craig.
- Thanks ! En tout cas, ils sont grave bons vos pancakes, Mme Samson.
- T'es adorable ! Je t'en referais la prochaine fois que tu viendras coucher avec Alicia. »
A ce moment-là, je ne sais pas ce qui est le plus troublant. Voir toutes les têtes se tourner vers toi, encore plus hébétées, et te demander comment cela se fait qu'elles ont toutes compris la phrase, en français, ou se rendre compte que ta mère vient de commettre la pire bêtise de toute sa vie. Quoique, dans les deux cas, on te dévisage de la même façon.
« Lucie – T'as baisé avec Craig !
Alicia – Surveille ton langage !
Papy – Il l'a bien niqué, le fripon.
Craig – Je n'ai jamais...
Stan – Ah, bah, félicitations, mec ! T'es plus puceau !
Bryan & Blaise – T'étais puceau ?!
Lucie – C'est pour ça que tu m'as rejeté ! T'étais juste timide...
Craig – Non, je...
Alicia – Il ne s'est stric...
Mamie – Tu lui as mis le plastique sur le phallus, avant de l'faire au moins, ma p'tite ?
Papy – Dans l'temps, on mettait du film plasti...
Alicia – VOS GUEULES !!! »
J'ai craqué. Par leur faute, j'ai craqué. Non, mais, honnêtement, qui a eu la fameuse idée de réunir ce genre de groupe de pervers, obsédés et sans-gênes dans une même pièce ! C'est comme placer une gazelle au milieu d'un groupe de lions affamés.
« Ecoutez, il n'y a rien eu de sexuel entre Craig et moi. Oui, on s'est embrassé. Oui, à plusieurs reprises. Et oui, je l'ai laissé faire. Mais, mis à part cela, il ne m'a pas fait l'amour, on n'a pas couché ensemble, et il m'a encore moins touché...
Papy – Même pas les nénés ?
Alan – Papa, s'il te plaît, tu vois bien qu'elle est embarrassée.
Mamie – Elle nous racontera ses exploits au lit une autre fois. »
Mais ils sont sourds ou ils le font exprès ?!
« Ma mère – Ne t'inquiètes pas, ma chérie, ils te taquinent.
Moi – J'espère bien... »
Je me lève et quitte le salon. Au moment de monter les escaliers, ma mère me demande où je vais.
« Je vais chercher un truc dans ma chambre. »
J'ai besoin d'air. En général, je ne suis pas entourée d'autant de vicieuses personnes. Je suis soit avec Craig, soit avec Stan, et lui-même n'est pas aussi perverti que cela. Mais là, on dirait tout un gang réunis, qui a, entre autres, réussit à me faire sortir les mots de la bouche. Désormais, tout mon entourage est au courant de la trame entre Craig et moi. Je ne vais même plus pouvoir leur faire face sans repenser à ce moment si gênant ! Et le plus épouvantable dans tout ça, c'est que je vais devoir les supporter toutes les semaines à venir, vu que je n'ai plus le droit de sécher, et que les examens approchent. Il m'est alors primordial d'assister à tous les cours, sans exception (à part si je tombe gravement malade, ou que je meurs).
« T'es fâchée ?
- Ah !
- Oh, pardon, je ne voulais pas t'effrayer.
- Ce n'est rien, Craig. Tu voulais ?
- M'excuser. Tout ça, c'est de ma faute.
- Oh, non, ne t'inquiètes pas...
- Hum, Liam a laissé ça, pour toi. »
Il sort une enveloppe de sa poche arrière et me la tend. Je remarque alors que sa main tremble.
« ça va, toi ?
- Ouais, t'inquiètes, prend. »
Je m'accapare par la suite de l'enveloppe et la dépose sur ma coiffeuse. Craig a l'air différent. Hier, il était distant, ce matin, il semblait froid, et en ce moment, il a plutôt l'air...abattu.
« Craig, t'es sûr que ça va ? Tu...
- ça va.
- Mais...
- Puisque j'te dis que ça va !! »
Alors là !!
« Hé ! Regardes-moi ! »
Je lui attrape le visage des deux mains et lui fais face.
« Il y a manifestement quelque chose qui ne va pas.
- Lâche-moi, s'il te plaît.
- Craig !
- Laisse-moi, merde !
- Mais putain, qu'est-ce qui ne va pas ?! C'est quoi ces sauts d'humeur si soudains ? Y a encore 10 minutes, tu m'souriait en mangeant mes pancakes, et maintenant, tu évites mon regard...
- Je simulais. Je ne tenais pas à ce que les autres s'agitent en s'apercevant de notre rupture.
- Rupture ?
- En tant qu'amis. Je ne veux plus qu'un quelconque lien nous lie. Je ne te supporte plus, Alicia. Ni toi, ni Liam, et encore moins la douleur que tu me procures.
- De quoi tu parles, enfin ?! Qu'est-ce que je t'ai fait ?
- Ce que tu m'as fait ? Rien, tu ne m'as rien fait. C'est moi. Tout est de ma faute.
- Craig, sois plus explicite, bon sang !
- Je n'ai rien à te dire. »
Il se délivre de mes mains et sors de ma chambre, puis me félicite pour Liam, avant de débouler les escaliers et de filer par la porte d'entrée. Je ne comprends pas ce qu'il a voulu dire par « Félicitations, pour Liam et toi. » Est-ce qu'il lui a dit quelque chose ? L'a-t-il mis au courant de notre baiser ? Ou est-ce...Oh, non ! Il nous a inévitablement aperçu hier soir...il nous a vu...il le sait...C'est pour ça qu'il est froid avec moi. Il prend ça comme une tromperie...mais ce n'est pas comme si je l'ai trompé, on n'est même pas en couple...on est...Merde, voilà que je me mets à pleurer...
« Alicia, ça va ? Pourquoi tu pleures ?
- Sandra...
- Je vous ai entendu crier, et Craig est soudainement partit...
- Je...il est...mais qu'est-ce que j'ai faiiiiis !! »
Je m'effondre alors dans ses bras et me mets à couiner d'aussitôt. Pourquoi suis-je aussi blessée ? Pourquoi je n'ai pas réagi de la sorte en voyant Liam et son ex ? Pourquoi est-ce que perdre Craig m'effraie au plus haut point ? Pourquoi, pourquoi, pourquoi ?!



*
« T'es calmée ?
- Vaguement... j'ai mon cœur qui me brûle...il me pince aussi...et...
- C'est juste un chagrin d'amour, ma chérie...
- Un chagrin d'am... »
Cela veut dire que j'aime Craig... pour de vrai ? Je pensais l'avoir compris depuis une semaine mais, je n'y croyais pas, ou du moins, je ne pouvais en être assurée. Le baiser avec Liam m'a légèrement ouvert les yeux, mais à ce point...
« La lettre...Liam m'a laissé une lettre. »
Je me lève vivement et attrape la lettre, avant d'en déchirer prestement l'enveloppe, et de la lire.
« Bon anniversaire, la petite mexicaine. J'espère que ma confession ne t'a point troublé. Penses-y, s'il te plaît. »
C'est tout ? Il n'y a rien avec ?
« Regarde derrière, y a un mot.
- « Je t'aime » ?!?
- Quoi ? Oh, mon dieu, Alicia, Liam t'aime !
- Non...non...ce n'est pas possible...Il doit y avoir une erreur...
- Mais si, regardes, c'est écrit !
- Oui, mais...attend une petite minute...ce n'est pas... »



*


(DANS LA PEAU DE LIAM)
« ça te va ?
- C'est même mieux. Et tu as intérêt à tenir ta promesse, Liam.
- Ne t'inquiète pas pour cela, Emilie. Maintenant, va-t'en.
- Et ta fille ? Tu ne comptes lui dire au revoir ?
- Je le lui ai déjà dis. On s'est vu ce matin. Et puis, je la reverrais dans un mois. »
Emilie se lève de sa chaise et se dirige vers la porte d'entrée. Je la devance, lui ouvre la porte, et l'accompagne dehors.
« A bientôt, Liam.
- A bientôt, Emilie.
- Et bon courage, avec ta nouvelle conquête. »
En voyant ma tête, elle me désigne une silhouette du doigt, silhouette qui se trouve être Alicia.
« Que...
- Je vous laisse. »
Elle tourne des talons et s'éloigne de ma vision tandis qu'Alicia s'en rapproche.
« B-bonjour...
- Salut.
- Hum...je voulais te parler, à propos de...
- Entre. »
Je la laisse passer et la suis, en pensant à soigneusement fermer la porte derrière moi.
Alicia s'installe alors sur le divan, avant que je ne me pose à côté d'elle.
« Alors ? ça a été, ta journée ?
- Oui, on s'est bien amusés, ce matin...
-Et...Craig ?
- Il...on s'est disputé, et il est subitement partit. Il est surement rentré chez lui.
- Ah... »
Elle a l'air tendue, elle tremble de partout et on dirait bien qu'elle a pleurée.
« Embrasse-moi...
- Hein ? Q-quoi ?!
- Je vous autorise à m'étreindre... »
Je rêve ?! Elle me donne sérieusement son accord ?! Mais, qu'en est-il de Craig ? Est-ce qu'elle l'a...rejeté ?
« Ecoute, Alicia... »
Elle ne me laisse pas le temps de parler et me fait taire en scellant nos bouches, serrées l'une contre l'autre. Elle a les lèvres glacées tandis que les miennes brûlent, tellement elle m'embrasse fougueusement. Après quelques secondes de baisers échangés, je me recule d'elle, à bout de souffle.
« Alicia, attend...est-ce là ta réponse ?
- Oui...j'ai pris ma décision. Et je veux en être sûre... »
Je comprends mieux. Elle a donc fait son choix...mais pourquoi cela me peine ?
« Ecoute, je...vu notre différence d'âge, il vaut mieux y aller doucement...
- Je n'est pas mon problème...ou du moins, ce n'est pas le problème qui pose le plus...problème. »
Je ne la saisis pas très bien.
« C'est-à-dire ?
- J'ai...mon choix a vraiment été difficile...mais les mots ont pris le dessus...j'ai lu votre lettre...
- Ah, oui...et ?
- Tu l'as fait exprès, hein ? De me la passer par le biais de Craig.
- Je...
- Tu tenais à ce qu'il la lise et comprenne ce qui se trame entre nous.
- Ecoute...
- Sois francs, tu n'as pas besoin de le cacher...j'ai compris ton petit jeu...ton but. »
C'est bien ce que je craignais. Je suis découvert.
« Et je t'en remercie.
- Comment ?
- Tu as réussi à me libérer de Craig, et à faire mon choix. »
Après cette dernière phrase, elle se rapproche encore une fois de moi, et m'étreins. Rassuré, je ne peux que répondre à son étreinte, heureux.  


Chronique d'une fille AmoureuseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant