Chapitre 1

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Une pluie incessante crépitait sur les dalles fissurées de la route. Le ciel était envahi par des nuages épais et menaçants. Le soleil se couchait précipitamment devant cette déferlante de masse grisâtre et teintait le firmament d'un rouge vif qui témoignait de son effroi.

Saithan affrontait seul le souffle glacé du vent. La pluie rencontrait son manteau de cuir dans un bruit mat et écrasait sa capuche sur son crâne.
Des mèches blondes ruisselaient sur son visage et des gouttes perlaient sur sa barbe mal rasée. Ses yeux d'un orange vif scrutaient les environs dans l'obscurité croissante.

Il est trop tard pour rentrer au village, songea-t-il, je vais plutôt dormir dans la taverne la plus proche.

Il accrocha maussadement un arc usé dans son dos. La chasse avait été totalement infructueuse aujourd'hui, il n'avait pas rencontré âme qui vive dans les bois et c'était l'obstination qui l'avait poussé à persévérer jusqu'à la nuit tombée. Il était maintenant inquiété par les perspectives de la saison. Si les animaux venaient à se rarifier dans la région, il se verrait contraint de quitter Oslon et de trouver un autre village dont les bois à proximité lui permettraient une chasse assez efficace pour qu'il puisse en vivre. Saithan grimaça à cette idée, il avait eu tant de mal pour dénicher un village dans lequel les habitants donnaient une chance aux étrangers ...

L'allée se sépara en deux branches et il bifurqua vers celle de droite. Il se rappelait qu'il y avait une auberge où l'on prouvait dormir dans une chambre relativement propre et sans mites à un prix raisonnable, ce qui était rare à sa connaissance. Il aperçut bientôt l'auberge grâce au lumières visibles par les fenêtres que diffusaient les bougies des chambres. Une pancarte de bois annonçait : auberge du sanglier. Il pressa l'allure, impatient de quitter la nuit froide et torrentielle pour un lieu plus lumineux et chaleureux.

Il s'arrêta devant la lourde porte de chêne, il entendait des conversations étouffées à travers son épaisseur, puis la poussa. Un air chaud le revigora des qu'il eût franchi le seuil. Peu de gens se retournèrent pour voir le dernier arrivant, peut-être parce que la majorité discutaient de sujets animés autour d'une table. Saithan se rendit directement au bar, un homme bienfaisant et grisonnant y était installé.

- Reste-t-il une chambre pour cette nuit ? demanda-t-il après avoir jeté un coup d'oeil sur la masse de buveurs attablés dans son dos

- Vous avez de la chance, il n'en reste qu'une. Cela fera une pièce d'argent et quatre pièces de bronze.

- Parfait

Il tendit la somme à l'aubergiste. Celui-ci s'empara des pièces et précisa non sans avoir vérifié minutieusement qu'il s'agissait de la bonne paie :

- Votre chambre est la dernière du couloir à droite, vous la repérez facilement

Cet homme n'est pas bienveillant, il manque d'argent, remarqua-t-il avec ironie.

Il le remercia puis commanda un rôti ainsi qu'une bouteille de vin. Il s'assit à une table libre et attendit. Des paysans parlaient d'une voix bourrue à une table proche de la sienne.

- Les récoltes sont mauvaises, grommela un homme trapu et barbu, surtout les haricots, nous sommes vraiment sur une terre maudite.

- Tu parles, dit un vieil homme au nez écrasé et au crâne dégarni, y a pas que les légumes qui sont mauvais c't'année, mes champs de blé sont malades et mes arbres font des fruits amers et déformés !

- Pareil pour moi, geignit un gros homme après avoir vidé son verre d'un trait, je crois bien qu'on va devoir partir d'ici les gars, j'en peux plus de voir tout mon travail détruit ! Si ce délire continue, je vous garantis que je me tire de c't'endroit de malheur.

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