Chapitre 3

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Saithan buvait distraitement son verre de vin, songeur, et son aigreur le fit grimacer. Il se trouvait dans la Taverne du Cerf, il n'était pas rentré à Oslon car il avait besoin de réfléchir, de relativiser sur les événements de la veille et de cet après-midi.

Il était rentré nerveux dans sa chambre après avoir espionné les deux paysans et avait décidé alors d'aller voir de ses propres yeux l'étendue des dégâts et surtout de vérifier la véracité des propos de la victime. Ce qu'il avait fait ce matin même.

Saithan s'approcha de la ferme, elle paraissait abandonnée. Sans doute l'homme avait-il fui cet endroit de malheur et les résidents aux alentours ignoraient-ils ou s'écartaient-ils de ce lieu. Il aperçut les signes dont avait parlé le paysan. Clôture violemment arrachée, chien vulgairement estropié. Il observa de plus près ce dernier malgré sa répugnance. Il avait été en effet arraché en deux parties et cela semblait l'oeuvre d'une hache. Ou d'une mâchoire. L'animal avait été malheureusement dépouillé de sa chaire par les mouches et il ne put avoir de certitude quant à l'origine de ces dégâts. Il se rendit dans l'étable, là encore, les vaches n'étaient plus que des carcasses croulantes dans lesquelles demeuraient encore quelques organes dorénavant inutiles.
Il renifla les cadavres et, derrière l'odeur de la chair en décomposition, crut distinguer une odeur forte et malsaine de prédateur. Il explora ensuite chaque recoins pour trouver d'éventuelles indices, empreintes,poils, déjections, qui puissent lui permettre de progresser dans sa démarche. Il réitéra son geste à l'extérieur, sans rien trouver.
Il s'apprêtait à partir lorsqu'un détail attira son attention. Un trou qu'il avait entrapercut sans s'en rendre compte se trouvait derrière le bâtiment. Il réalisa que ce dernier n'avait rien de naturel contrairement à ce qu'il avait tout d'abord pensé. Il s'approcha. Son coeur fit un bond dans sa poitrine et se mit à battre furieusement, son sang ne fit qu'un tour. Le trou était en fait une empreinte profonde évoquant celle d'un loup. Mais le problème n'était pas là. Elle faisait l'envergure d'une empreinte d'éléphant.

Cette affaire l'inquiétait au plus haut point. Il était persuadé que les créatures n'existaient pas réellement et n'étaient que le fruit de l'imagination de l'homme. Mais il ne pouvait nier qu'il se passait quelque chose d'anormal, il le sentait dans l'air. Et ce mystérieux pressentiment persistait, encore et toujours.

La porté s'ouvrit violemment, laissant apparaître un groupe d'hommes sales et dépenaillés.

Saithan grimaça. Des bandits. Ils venaient la plupart du temps terroriser les taverniers et aubergistes puis repartaient saouls. Mais ce groupe était particulièrement mauvais, si bien qu'il en était devenu célèbre dans la région. Leur chef était un ancien soldat démis de sa fonction, il avait sombré dans le vandalisme et l'alcoolisme. Saithan avait déjà vu son visage mesquin et autoritaire à plusieurs reprises, la plupart du temps dans cette même taverne.

- Quel plaisir de vous revoir, l'ami ! Lança-t-il au tavernier avant de partir d'un rire gras et tonitruant.

- Vous voulez du vin, du ragoût ? bafouilla ce dernier en s'activant

- Non, te prends pas la tête, c'est dégueulasse ce que tu fais.

Il repartit de son rire épais, bientôt accompagné de ses camarades. Il s' approcha du tavernier jusqu'à que ce dernier grimaça sous son haleine fétide et demanda :

- Par contre, t'aurais pas des femmes ? Si elles ont meilleure allure que ton ragoût bien sûr.

Ses camarades se postillonèrent dessus comme si c'était la meilleure blague du monde.

- Des, des femmes ? Balbutia le tavernier, abasourdi. Nous ne sommes pas dans un bordel ici, vous vous êtes trompé d'endroit.

- Je m'en fous, siffla le bandit, si j'ai envie de femmes j'ai des femmes t'as pigé ?

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