Chapitre 4

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Saithan étudiait dans son lit, courbé sur son livre. La lune diffusait une lumière pure et douce à travers l'étroite fenêtre à barreaux de sa chambre. Elle épousait celle, orangée et accueillante, de la bougie disposée sur sa table de chevet. Il entendait le hurlement solennel d'un coyote et la stridulation des grillons sans n'être aucunement dérangé. Ces bruits l'avaient bercé toute son enfance et le rassuraient. Il en était de même pour le soupir régulier du vent qui menait les grains de sables dans une danse paresseuse.

Saithan ne se sentait apaisé que le soir, lorsqu'il était seul et ne ressentait pas le malheur de ses parents. Il ne pensait alors plus à leur avenir sombre et défaillant, à leur prochain exil et leur futur misère. Mais il savait que père et mère, eux, étaient assaillis de doutes et de peurs autant de jour que de nuit. Ils ne connaissaient pas le repos.

Leur situation n'avait jamais été enviante, sans pour autant les empêcher de vivre comme il se doit. Mais elle s'était nettement aggravée depuis le refus des marchands, leur empêchant de vendre les bêtes qui s'agglutinaient depuis déjà bien trop longtemps. Son père s'était révélé pessimiste, contrairement à sa mère qui se voulait confiante. Malheureusement, son père avait fait preuve de réalisme car ce qu'ils redoutaient tant était survenu.

Ils ne mangeaient presque que du pain depuis des semaines et les animaux, même si aucun n'était encore tombé malade, étaient affamés. Son père s'enfonçait dans une frustration mêlée de rage et sa mère s'était engouffrée dans un mutisme absolu. Trop préoccupés par leurs fantômes, ils l'ignoraient totalement et ne s'apercevaient parfois même pas de sa présence. Saithan était epouvanté par la vitesse et la facilité avec lesquelles leurs relations familiales s'étaient détériorées. Jamais, au grand jamais, il aurait pu imaginer une telle tournure des événements.

Il leva les yeux de son roman historique sur le grand conflit, ses causes et ses répercussions. Une autre lumière fitrait à travers l'ouverture. La lune s'était tapie derrière quelque nuage invisible, si bien qu'il put apercevoir cette nouvelle source lumineuse dans l'obscurité complète. Il se leva, faisant grincer les barreaux usés de son lit, et scruta la nuit, le nez contre la vitre.

En effet, la lumière tremblotante d'une lampe affrontait le noir ambiant. Elle se rapprochait progressivement de chez lui. Saithan entraperçut des silhouettes qui se découpaient vaguement sur le sable. Ce ne peut être que des marchands ! s' exclama-t-il intérieurement. Il ne comprenait plus rien. Que venaient faire des marchands en pleine nuit ? Ils ne rendaient visite habituellement qu'en soirée car le désert devenait froid et dangereux aux abords de minuit. Mais surtout, pourquoi y-avait-il des marchands ? Ses parents n'avaient jamais évoqué une nouvelle chance de sortir de leur impasse, et n'avaient pas changé d'attitude. Il n'aimait pas cette affaire et demanderait des explications à ses parents le lendemain.

Il s'endormit rapidement et son souffle régulier fit écho au vent.

*

Il se réveilla sous les rayons du soleil levant. Après avoir baillé à s'en décrocher la mâchoire, il enfila sa tenue habituelle d'écuyer. Il tenta en vain d'ordonner sa tignasse de cheveux blonds et sortit de sa chambre.

Il descendit dans le salon, les marches en bois de l'escalier grincèrent bruyamment sous ses pas. Sa mère était simplement assise à table et buvait un verre d'eau. Elle n'était pas renfermée comme à l'habitude mais songeuse. Toute trace de tristesse ou d'abattement avait disparu de son visage, si bien qu'elle paraissait rajeunir de plusieurs années.

- Bonjour. Ou est Père ?

Elle lui sourit et répondit :

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