Chapitre 6

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- Notre royaume fonctionne sur un système hiérarchique. La famille royale, la dynastie des Kalfulur, a gouverné depuis la mort du Grand Fondateur, Orroc, qui a donné son nom au Royaume. Après un décès subit et mystérieux, dont on a jamais su la véritable cause, Jahon a profité de ses liens familiaux très proches de notre Père et de l'absence d'héritiers, pour revendiquer le trône. Mais ses arguments furent balayés par Eidion, le cousin d'Orroc, qui affirma qu'il était bien plus apte à gouverner, d'âge plus mur et d'éducation royale. Jahon fut éclipsé par ce nouveau prétendant, maintenant hué par le peuple. Eidion annonça la date de son accession au trône, rien ne semblait pouvoir l'arrêter. Mais Jahon Kalfulur était d'un orgueil et d'une audace sans nom. Il commit un coup d'état la veille du couronnement et prit la ville-cité d'Arthalas grâce à son armée
gardée dans l'obscurité à Célèpe, une cité dont il était le gouverneur. Après avoir exécuté Eidion ainsi que l'ensemble de la famille royale, Melfunda,la Fondatrice, ainsi que de nombreux oncles et cousins, il se proclama aussitôt seigneur d'Orroc. Il passa le reste de sa vie à contenir des révoltes du peuple et à démanteler des trahisons en semant la terreur dans le royaume. Son fils aînée, Anadas, le succéda lorsqu'il abdiqua dans les prémices de la mort. Moins cruel que son père, il parvint à modérer l'indignation du peuple et obtint, par l'effort de toute une vie, un semblant de paix qui s'ancra de plus en plus profondément sur les terres des sables. Le seigneur actuel, Gurthalas Kalfulur, est le 18e roi de la dynastie. De nos jours, les Orrocims ont pour la plupart oublié le contexte de leur implantation au pouvoir et adorent leur roi grâce à leur paroles suaves et mensongères qui les ont pervertis au fil des siècles.

Saithan recopiait ce que relatait son mentor, intéressé.

- Soit, admit-il, mais je ne comprends toujours pas pourquoi le roi actuel est si populaire et apprécié. La misère est pourtant omniprésente dans le royaume, et plus encore dans les cités.

Saithan se remémora ses visites de la cité-maître. Il avait été écoeuré par l'injustice qui s'était installée dans la ville : les mendiants s'accumulaient dans les ruelles tandis que de riches marchands vivaient paisiblement à proximité, faisant mine de ne rien remarquer.

Son professeur, un grand et vieil homme aux longs cheveux grisonnants, lui répondit :

- Je te rappelle que Gurthalas a gagné la Grande Guerre, qui opposait les sudistes et nordistes. Si je ne me trompe, ton père y a participé.

Saithan acquiesca.

- Et bien, reprit le vieil homme, notre seigneur a réussi à se faire passer en héros, en sauveur de notre peuple, alors qu'il avait triomphé d'une simple guerre civile qu'il avait provoqué lui-même. Il a signé l'Edit d'Eleip, interdisant toute relation avec le nord, acclamé par tous.

Il sourit tristement :

- Tu sais, Saithan, la seule qualité de la lignée royale, c'est son art du mensonge et de la persuasion.

Saithan eut une moue amusée. Si ces parents entendaient cela, ils enverraient immédiatement son professeur aux autorités d'Arthalas. Peu importe, il avait sa propre opinion, maintenant qu'il possédait suffisamment de connaissances pour la forger de toutes pièces.

- Halte ! Vous êtes en état d'arrestation pour violation de l'Edit d'Eleip !

Saithan entendit un martèlement
de sabot, accompagné de frottements et cliquètements métalliques de cuirrasses. Une cohorte de soldat ! s'exclama-t-il intérieurement, que se passe-t-il !

Une voix tonna :

- Vous ne passerez pas ! Vous ne franchirez pas le seuil tant qu'il me restera un souffle de vie !

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