Chapitre 1

67 10 0
                                    

Un Nékiru planait paresseusement dans le firmament. Ses ailes déployées affrontaient le souffle du vent et les plumes d'un gris sombre qui les revétaient tremblaient frénétiquement dans l'euphorie du vol.

Le digne rapace, distinguant l'éclat sombre d'une proie dans l'immensité d'argent, plongea brusquement, transformé en un instant en redoutable prédateur. Il se rua sur elle, ses ailes rabattues et son bec acéré sifflant dangereusement sous l'effet de la vitesse inouïe de sa chute.

À l'ultime moment, il se redressa, rasant le sol, avant d'attraper le pauvre lezard de ses serres tendues.

Le Nékiru battit vigoureusement des ailes pour éviter une malencontreuse collision avec les obstacles qui parsemaient la surface, puis, lorsqu'il eût suffisamment ralenti, se posa prestement sur la branche d'un arbre mort, dont les racines tortueuses évoquaient les maintes tentacules d'une pieuvre.

Le rapace jeta le lézard au-dessus de lui, avant de le gober d'un coup de bec expert.

Saithan, alerté par les bruits peu ragoutants du festin, émergea de ses pensées et leva les yeux sur l'animal. Ce dernier, sentant qu'on l'observait, se redressa. Après l'avoir fixé un court instant sans réaction, il reprit son activité en l'ignorant royalement.

L'Orrocim se leva, quittant le confortable pilier de marbre renversé sur le sol. Il embrassa du regard l'incroyable paysage qui s'offrait à lui.

Djahan, la Légendaire ... Ses ruines portaient le souvenir de sa somptuosité de jadis, et donnaient une pâle idée de l'incommensurable beauté de sa jeunesse.

Les murs qui avaient résisté à l'épreuve du temps étaient ornés d'étranges gravures. On pouvait parfois distinguer à travers la poussière et malgré l'usure du temps des représentations du Phoenix, de dragons impétueux, mais également de la célèbre armée de la cité affrontant bravement les sombres envahisseurs.

De temps à autres, des piliers imposants filaient vers les cieux, étincelant sous la lumière du soleil, et resplendissaient dans leur fierté de dominer leurs semblables brisés.

Malgré tout, la nature reprenait ses droits. Du lierre se faufilait de tout part, enserrant les structures, recouvrant les dalles, s'engouffrant dans les moindres interstices, comme pour étouffer l'accomplissement de l'homme.

Saithan avançait lentement, écrasé par l'imposance de la sublime et immémorial carcasse. Il passa à côté d'une statue tout d'or sculptée qui représentait El-Senolan, l'un des plus grands gouverneurs qu'ait connu Djahan. Il brandissait une épée au-dessus de lui, regardant vers l'avenir, un genou sur le sol.

Il reconnut dans les débris un temple dédié à Ulur. Au milieu d'un rectangle de socles cylindriques, les uniques traces permettant de repérer l'emplacement des anciens piliers, se trouvait une profonde cavité qui s'enfonçait verticalement dans le sol. Les anciens Orrocims vénéraient le Phoenix sous la surface, pour se rapprocher de lui, car ils espéraient que leurs prières seraient mieux entendues et écoutées.

Saithan entra dans une grande place. De nombreuses tentes la remplissaient et quelques petites habitations en marbre brisaient la monotonie du lieu. Des gens arpentaient le camp en tout sens, les uns habillés de toges blanches, les autres tout de gris vêtus. Saithan salua brièvement ceux qui croisaient son chemin, avant de s'engouffrer dans un long bâtiment, qui dénotait avec les autres structures.

Des lits alignés formaient deux rangées jusqu'aux extrémités de la salle. Des malades et des blessés y étaient installés, tandis que des guérisseurs s'en occupaient avec assuidité. Il se rendit à un lit esseulé, et s'assit sur le peu de place qui demeurait inoccupé. Ellora était allongée, figée dans un sommeil éternel. Seul son souffle imperceptible prouvait qu'elle vivait encore.

NécromanciensOù les histoires vivent. Découvrez maintenant